Le Pr Alpha Condé n’est plus le Président de la Guinée depuis hier, dimanche 5 septembre. Il a été remercié et mis aux arrêts par les forces spéciales dirigées par le Colonel Mamady Doumbouya aux commandes du pays.
Le désormais président déchu avait pourtant si peur d’être par le syndrome malien qu’il s’est donné une part plus ou moins active dans les négociations entre IBK et les manifestants du M5-RFP. Il n’aura été finalement pas emporté par un soulèvement populaire, mais le réveil a sans doute été tout aussi brutal dans la matinée d’hier dimanche, à Conakry où des tirs nourris ont commencé à retentir au centre ville (Kaloum) depuis 8h du matin. Selon certains citoyens, c’était la psychose car le pont du 8 novembre était fermé pour les besoins de la cause et l’accès au centre ville longtemps interdit à la population alors que c’est que siègent toutes les institutions du pays. Les bérets rouges y étaient postés à tous les coins et recoins stratégiques. Et, pendant que plusieurs barons du pouvoir minimisaient l’alerte, les bruits de bottes avançaient progressivement et le contrôle de la situation tournait peu à peu à un assaut définitif du palais présidentiel.
C’est ainsi qu’aux environs de midi, leur chef de file, Mamady Doumbouya, a pu prononcer la fatidique oraison funèbre du régime d’Alpha Condé fortement contesté depuis sa réélection pour un troisième mandat consécutif. Usant de la technologie, il a fait passer une déclaration en direct qui motivait leur démarche et le renversement du régime par l’absence de dialogue politique, l’instrumentalisation de la justice, le non respect des principes démocratiques , la gabegie financière ou le piétinement des droits humains.
Le comité national du rassemblement et du développement CNRD prend donc ses responsabilités et dissout la constitution, le gouvernement et les institutions. Un appel a été lancé dans la foulée aux frères d’armes pour continuer leurs activités régaliennes et pour un large ralliement à la nouvelle cause.
Qui est le nouvel homme fort de Guinée
Malinké originaire de la région de Kankan, le lieutenant-colonel Doumbouya est un ancien légionnaire de l’armée française. Il a été rappelé par la Guinée, en 2018, pour prendre le commandement du Groupement des forces spéciales, l’unité de l’armée guinéenne la mieux entraînée et équipée. Il fut découvert par le peuple lors du soixantenaire de l’indépendance du pays, en 2018. Sa popularité dérangeait le PRAC (Pr Alpha Condé), qui l’avait même expédié vers la Sierra Leone.
Leur brouille est née notamment d’une réticence du haut commandement militaire à soutenir le 3e mandat présidentiel. Dans la foulée, le PRAC décide de purger la garde présidentielle et de créer un groupement de forces spéciales plus partisane et mieux équipées. Sauf que les éléments au cœur de l’opération séduction sont restés fidèles à Mamady Doumbouya qui, en 2019, passera tour à tour au grade de lieutenant-colonel puis colonel en 2020.
Aussi, le nouveau boss de la Guinée avait 15 ans de service dans la Légion Etrangère avec le grade de caporal. Il entre dans l’histoire ce dimanche 5 septembre après s’être emparé du Palais présidentiel et des rênes de l’Etat en mettant aux arrêts le Président Alpha Condé. Le Comité National pour le Rassemblement et le Développement CNRD est désormais la nouvelle instance dirigeante du pays. Un air de déjà vu comme l’époque d’un certain Dadis en 2008.
Un coup d’Etat aux allures de justice
Rarement un coup d’Etat a été autant facilement acquiescé et suscité autant de délivrance dès son annonce. Voilà tout le symbolique du ras-le-bol que les Guinéens n’avaient de cesse de témoigner au régime Alpha Condé – après ses manœuvres antidémocratiques pour s’octroyer un troisième mandat présidentiel. En effet, ce dimanche 5 septembre 2021 restera graver dans les mémoires en Guinée Conakry mais également en Afrique. Et pour cause, un intrépide jeune colonel nommé Mamadi Doumbouya, ancien légionnaire de l’armée française, a bravé et par la même occasion renversé le pouvoir controversé et décrié du désormais président déchu âgé de 83 ans. Ce scenario n’est pourtant pas si surprenant quand on sait que l’exécutif guinéen en déphasage avec le peuple n’était plus en odeur de sainteté avec l’armée qui, par la volonté de la providence ou de la main invisible d’une puissance extérieure, avait trouvé le pion idéal pour libérer le pays de ses geôliers. C’est ainsi que des jeunes officiers acquis à la cause du colonel Doumbouya se sont alliés à lui pour prendre d’assaut le palais Sekoutoureya. Après des heures de violents combats, les gardes rapprochés du président résignés ont décidé d’éviter le bain de sang inutile en livrant le chef d’Etat aux mutins. Aux environs de 12 heures, le président de la République déchu a été conduit au camp de Makambo dans une liesse populaire indéniable. Dans l’après-midi, le nouvel homme fort du pays a fait une déclaration à la télévision nationale annonçant la dissolution de la constitution en vigueur, des institutions dont le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériens.
Par ailleurs, le renversement d’Alpha Condé n’est que justice en ce sens que du 21 décembre 2010, date de son investiture en tant que premier président démocratiquement élu, au 22 mars 2020, date du referendum constitutionnel qui a conduit à une imposition flagrante de l’adoption d’une nouvelle constitution lui permettant de briguer un troisième mandat malgré le désarroi de la majorité du peuple, le président Condé a déçu beaucoup trop de gens surtout par un bilan plus que mitigé. Il s’est érigé en un véritable dictateur réprimant les contestations légitimes dans le sang, réveillant les vieux démons de la Guinée qui ne sont autres que les conflits à caractère ethnocentriques, la désinvolture face à la corruption, la déliquescence de l’économie nationale, la violation des valeurs démocratiques et des droits humains, l’effritement du tissu social… Toutes choses font que sa chute devient un ouf de soulagement malgré les interrogations sur les réels desseins du nouvel homme fort du pays qui semble avoir beaucoup trop d’affinités avec la France qui est loin d’avoir une bonne visibilité dans la sous-région ouest-africaine. En attendant d’y voir clair, pour l’heure, les Guinéens se gargarisent du renversement d’Alpha Condé même si une période trouble pourrait surgir.
I Keita et Ousmane Tiemoko Diakité
Source : Le Témoin