Il convient de rappeler à nos lecteurs que le contrôle physique des agents de l’Etat s’inscrit en droite ligne dans un besoin permanent de maîtrise du flux des travailleurs en activité en République du Mali. Ce contrôle a lieu tous les dix ans, selon nos sources. L’intérêt d’un tel contrôle, est, on ne peut plus, inestimable et pour cause : s’il est bien fait, il a l’avantage pour l’Etat de s’assurer de ceux qui prennent le salaire sont en activité effective. Cela est une exigence dans un pays où des morts continuent à toucher leur salaire de fonctionnaire et cela des années durant sans que l’Etat n’en sache rien. Ces manœuvres, qui sont monnaie courante au Mali, sont l’œuvre d’agents véreux sans scrupule aucun. Cette pratique peu recommandable fait partie des divers pans des détournements de deniers publics.
Le contrôle physique permet, par ailleurs, d’avoir des informations régulières sur les situations de famille des agents. Cela est d’autant important que dans certains cas, des agents en complicité avec des responsables véreux établissent des actes de naissance fictifs pour des enfants fictifs en vue de bénéficier des allocations de ces derniers. En tout cas, au Mali, tout est possible parce que tous les vices s’y sont installés comme des normes, des modes de vie. Aussi par le contrôle physique, il est possible de savoir que les agents sont effectivement à leur poste d’affection et non ailleurs.
Nul doute donc que le contrôle physique est absolument indispensable à la bonne marche de la fonction publique (de l’Etat et des Collectivités). Rappelons que le contrôle n’est pas à ses débuts dans notre pays. Par exemple, en 2003, tous les agents de l’Etat ont été soumis audit contrôle et cela sans tambour ni trompette. Visiblement, hormis qu’aucun travail humain n’est parfait, il faut dire que l’édition de 2003 fut une réussite totale : les agents ont été contrôlés à leur lieu de travail.
Cependant, les événements se succèdent sans se ressembler véritablement et pour cause : le contrôle physique de l’année 2014 a lieu dans un désordre inexplicable.
D’abord, aucune programmation n’a été faite ou portée à la connaissance des agents devant se soumettre au contrôle. Ceux-ci se sont passés l’information qui de bouche à oreille, par téléphone ou par affichage de dernière minute dans certains établissements. Et qui dit qu’un professeur, qui n’a pas cours dans le laps de temps de l’affichage, sera informé à temps ?
Le semblant de programme a carrément ignoré le retard des agents contrôleurs dans le déroulement des activités de contrôle. Ce retard qui ne peut qu’expliquer que par la négligence coupable a eu pour conséquences fâcheuses les embouteillages monstres sur les lieux de contrôle, n’en déplaise aux agents à contrôler par leur présence physique. Ainsi, on a invité les enseignants de tous les lycées et des CAP (Centre d’animation pédagogique) de la rive droite à se faire contrôler au CAP de Faladié. Pendant qu’ils n’avaient pas contrôlé les travailleurs des lycées prévus pour mercredi ( les agents n’ayant pas eu l’information le mardi, le contrôle n’avait débuté qu’aux environs de 13 heures pour fermer les portes à 16 heures), les contrôleurs ont maintenu pour le même jour et suivant la programmation fictive des travailleurs des CAP, la suite n’a échappé à personne : ce monde fou dû au manque de sérieux dans les programmations a engendré un désordre inédit ; cette pagaille orchestrée s’est manifestée par des scènes de bagarre, des disputes indignes de cadres qui se doivent de donner le bon exemple aux apprenants. Pendant quatre jours donc, les gens étaient entassés les uns sur les autres au CAP de Faladié comme des poulets destinés au marché : quel manque de respect pour eux ! Ce regroupement peu orthodoxe a carrément ignoré le risque majeur de contamination du virus à Ebola. Il faut simplement souligner que face à la problématique de l’existence liée au salaire, les travailleurs n’ont que faire de ce mal du siècle qui, pourtant, ronge inexorablement jusqu’au trépas. Toute la faute provient de ce désordre organisationnel crée de toutes pièces par ceux là qui en ont tout intérêt. On peut simplement dire que ce contrôle a été saboté pour salir le travail des gouvernants avec en premier le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
Les mobiles véritables d’un tel désordre seront-ils un jour connus ? Rien n’est moins sûr quand on sait que ce désordre constitue un pan de la sape de la gestion d’IBK. Il faudrait que celui-ci en fasse une lecture attentive et intelligente et prenne les mesures qui s’imposent à un moment où le ciel de notre pays laisse voir un orage en préparation. Comme pour dire que si IBK veut sortir de cet imbroglio, il doit faire sienne la célèbre leçon de bonne gouvernance à savoir «sanctionner les fautes et récompenser les mérites». Nul doute que le contrôle physique organisé sous son contrôle a été et reste un véritable sabotage. Pour quelle fin ?
D’autre part, pendant que les nombreux enseignants se brûlent les cheveux pour être contrôlés, leurs nombreux élèves font la navette entre leurs logements et des écoles où ils prennent les cours. Quel chômage organisé par cette organisation peu recommandable d’un événement aussi important que le contrôle physique des travailleurs ! La seule certitude aujourd’hui c’est que sans être en grève, les enseignants ne dispensent plus les cours dans leur écrasante majorité pour fait de contrôle physique. Les auteurs de cette paralysie de l’école malienne doivent absolument s’expliquer car rien ne saurait justifier cette pagaille incommensurable semée dans nos établissements publics ( et même privés dans la mesure où ce sont les mêmes enseignants qui enseignent au public et au privé, en tout cas dans l’essentiel des cas).
Dès à présent, IBK doit se rendre à l’évidence que ce sabotage organisé du contrôle physique des agents est un message fort. Il doit aussi savoir et faire sien ce célèbre adage de chez nous qui dit «lorsque tes amis ne te disent pas la vérité, il vaut mieux soudoyer tes ennemis pour te la dire». Cela est d’autant important que le dirigeant véritable est celui qui écoute beaucoup et parle peu. Tout le monde sait qu’il est plus sérieux de faire le contrôle physique des agents dans leurs lieux de travail. Cela évite assurément la suspension inutile des cours dans nos écoles. Il est temps que l’on cesse de se moquer des Maliens en évoquant des alibis comme rigueur budgétaire à un moment où un scandale financier au haut sommet de l’Etat occupe toutes les causeries dans tous les lieux de rencontre. La décence en politique exige que l’on assume les fautes commises et que l’on accepte de subir les sanctions conformes.
Si les responsabilités venaient à être situées (ce qui est peu probable), il serait indispensable que les auteurs de ce désordre s’expliquent. Cela aussi semble peu probable quand on sait qu’il est de tradition chez nous que les coupables des fautes ne s’inquiètent outre mesure. Témoin, la pagaille qui a caractérisé les examens de fin d’année scolaire 2013-2014 s’est achevée par un silence complet des autorités scolaires sans que la moindre sanction puisse tomber à la satisfaction de notre peuple travailleur.
On peut simplement retenir que les organisateurs du désordre constaté partout où le contrôle physique a été effectué savent à quel jeu ils se sont livrés. En tout état de cause, il est temps de faire du sérieux ici et de prendre les Maliens au sérieux : il y va de notre avenir.
Fodé KEITA