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A propos d’Ibk : Et si Konaré avait raison

En 2001, Alpha Oumar Konaré, en fin de mandat, créa la surprise. Au lieu de désigner Ibrahim Boubacar Keïta comme son dauphin, Konaré a, contre toute attente, joué la carte ATT qui manifestait son intention de briguer la présidence de la République, après avoir brillamment conduit la transition de 1992, suite à la chute de la dictature.

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Pourquoi le président Alpha n’a pas voulu passer le relais à celui qui, pendant six longues années (1994-2000) fut son Premier ministre et président du parti majoritaire de l’époque, l’Adema Pasj ? La question revenait sans cesse dans les débats politiques au Mali et au sein d’une opinion publique malienne perplexe au sujet de la rupture entre les deux hommes. Aujourd’hui, l’histoire semble donner raison à Alpha.

 

Entre Alpha Oumar Konaré et Ibrahim Boubacar Keïta, ce fut de longues années de collaboration, voire de complicité. Les deux hommes ont milité ensemble au sein de l’Adema, un parti qui porta son choix sur Alpha Oumar Konaré, lors de la présidentielle de 1992. Voilà Konaré élu président du Mali.

Dans son cabinet à la présidence, l’on remarqua sans surprise, la présence d’un certain….Ibrahim Boubacar Keïta. Celui-ci est nommé conseiller diplomatique. Très vite, ce conseiller se signala, en mal, à l’attention de tous à Koulouba. Il lui était reproché, entre autres, son goût immodéré pour le luxe, contrairement à un Alpha, réputé pour sa légendaire modestie. Le président Konaré est resté cet enseignant, humble, qui a toujours préféré ses «3 poches » aux grands boubous Bazin et autres costumes et cravate.

Contrairement à lui, certains de ses conseillers adoptent des comportements bourgeois. Le plus en vue dans le cabinet présidentiel était Ibrahim Boubacar Keïta dont les frasques dépassent l’enceinte du palais présidentiel. Et les Maliens ne tardent pas à découvrir le nouveau conseiller diplomatique qualifié de « conseiller qui dérange » par Les Echos à l’époque.

 

L’homme de rigueur et le bourgeois

Un temps passé à Koulouba, Alpha Oumar Konaré a vite compris que l’atmosphère au sein de son cabinet se détériorait sans cesse. Et pour ramener le calme, le président Konaré nomme son conseiller diplomatique à Abidjan, en qualité d’Ambassadeur. Mais l’expérience ivoirienne d’IBK tourna court. Il aura à peine le temps de présenter ses lettres de créances au président Henri Konan Bédié que commencèrent à fuser dans les rues d’Abidjan les murmures à propos de ses amitiés avec l’opposant Laurent Gbagbo et tous les dangers y afférents pour le nouveau régime en place après le décès du père de l’indépendance ivoirienne, Félix Houphouët Boigny. IBK devenait aussitôt presque persona non grata sur les bords de la lagune Ebrié. Heureusement pour les relations diplomatiques Mali-Côte d’Ivoire, le président Bédié ne fut pas contraint de renvoyer le nouveau diplomate encombrant. Car, au même moment, à Bamako, le pouvoir de Konaré était face à plusieurs fronts.

A la tension politique se greffait une fronde scolaire, toutes deux porteuses d’instabilité pour les institutions. Le président Konaré, après avoir «grillé » deux Premiers ministres en moins de deux ans (Younoussi Touré et Abdoulaye Sékou Sow), nomme à la tête du gouvernement…Ibrahim Boubacar Keïta. Il est présenté comme étant un homme de poigne, capable de restaurer l’autorité de l’Etat et de mettre au pas les opposants et les étudiants. Aussitôt installé, IBK instaure la répression comme seul mode de gouvernance. Brutalités policières avec des jeunes policiers (les premiers contingents de Ninja du Gms) formés à la va-vite, arrestations d’opposants et de leaders estudiantins, interdiction de marches (des associations religieuses sont gazées) etc. sont autant de méthodes musclées utilisées pour mater toutes les formes de contestations. C’est ainsi que des leaders politiques de l’opposition et ceux du mouvement estudiantin sont emprisonnés suite à des mouvements, parfois violents à Bamako. IBK forgeait ainsi sa réputation d’homme autoritaire et de rigueur.

Mais, parallèlement, le Premier ministre Kéïta montrait aux Maliens, une autre facette de sa personnalité : un bourgeois, «amateur de rognon, de foie gras… », écrivait à l’époque un confrère. Le bourgeois national s’impose par la force de ses muscles.

Cependant, un pays ne se gère pas qu’avec la matraque. Il faut aussi et surtout une vision claire dans la marche de l’Etat. Or, avec IBK à la Primature, les conseils des ministres et autres visites de chantiers n’étaient guère des priorités du gouvernement. A cause de lui, Alpha Oumar Konaré aurait même été obligé de décaler l’horaire du début du conseil des ministres. Le président AOK se pliait, dit-on, aux caprices de son PM qui adorait bien dormir. Une fâcheuse réputation qui le poursuit et le suit jusqu’à ce jour…

 

2000 : la rupture

Avec IBK à la Primature, le Mali retrouve le calme. Le président Alpha Oumar Konaré, au terme de son second mandat, s’apprêtait à quitter le pouvoir. Au sein du Pasj, la voie était certes ouverte à toutes les  rivalités et autres querelles de succession, mais elle semblait surtout tracée, aux yeux de l’opinion malienne, pour un passage en douceur d’Ibrahim Boubacar Kéïta. Celui-ci se voyait déjà président de la République. Il était pressé, même très pressé, d’accéder au pouvoir. Mais, le président Konaré n’était visiblement pas dans une logique de le désigner comme dauphin. A l’Adema, le clan dit de la Cmdt se charge de faire le ménage.

Ejecté de la Primature début 2000, Ibrahim Boubacar Keïta, face à la charge de ses adversaires, fut contraint de quitter le parti. Dès lors, des questions se posaient, dont deux majeures : qu’est ce qui a bien pu se passer entre le président Konaré et son Premier ministre IBK, au point de provoquer la rupture entre les deux premières personnalités du pays ? Pourquoi Konaré a-t-il «barré» la route (de la candidature de l’Adema Pasj) à Ibrahim Boubacar Keïta ? Un homme qui avait tenu la barque du gouvernement pendant six longues années. Et qui a donc quasiment sauvé son pouvoir.

De 2000 à maintenant, même les ténors de l’Adema, acteurs ou témoins de la rupture entre les deux hommes, ne trouvent d’explication à ce qui s’est réellement passé à l’époque, au sommet de l’Etat. Toutefois, des responsables politiques, précisément ceux de l’Adema, confient en privé que le président Konaré émettait de sérieux doutes sur les capacités réelles de son ex Premier ministre à diriger un Etat. «IBK n’a jamais été un gros bosseur aux yeux du président Alpha Oumar Konaré. Et, tous les actes posés à l’époque par lui étaient inspirés par Konaré lui-même», témoignent de nombreux cadres et responsables du parti de l’Abeille. S’y ajoute que l’ancien président reprochait, tout comme beaucoup de Maliens, à Ibrahim Boubacar Keïta, son penchant bourgeois et fêtard.

Après 2002, les deux hommes ont pratiquement « coupé » le pont. Aujourd’hui, ils ne s’adresseraient plus la parole et voueraient, l’un envers l’autre, une haine de dernier degré.

Ainsi, après le clash de 2000 avec Alpha et sa démission-éjection du parti, en plein congrès, IBK crée, avec d’autres camarades de l’Adema, le mouvement « Alternance 2002 », transformé en juin 2001, en un parti politique : le Rassemblement pour le Mali (Rpm).

Le parti naissant recueille l’adhésion de beaucoup de concitoyens qui étaient convaincus de « l’ingratitude » du président Konaré envers « son sauveur » et qu’il s’agissait d’un règlement de comptes personnel.

Cependant, ils n’ont pas franchi le pas jusqu’à lui donner leur confiance en 2002, pas plus qu’en 2007.

 

IBK, pas un président

Mais, à force de chercher le pouvoir par tous les moyens possibles, l’Homme parvint, enfin, à ses fins, au lendemain d’une transition consécutive à un putsch et à l’issue d’élections gérées de bout en bout par l’ex junte de Kati, réputée très proche d’IBK. Et le voilà président de la République du Mali. Quasiment plébiscité, par plus de 77% de Maliens à l’âge de voter. Mal en a pris ces (pauvres) concitoyens qui auront un réveil extrêmement brutal, seulement quatre (petits) jours après la prise de fonction (le 4 septembre 2013) de celui qui était vu comme le « (seul) sauveur du Mali », « l’homme de la situation » ; celui qui devait ramener rapidement la paix définitive au pays en résolvant le problème du nord ; celui qui devait renflouer le porte-monnaie du Malien et garnir le panier de la ménagère ; celui qui devait restaurer ( ?) l’honneur du Mali et faire le bonheur des Maliens ; celui qui…celui qui…celui qui…arbore tous les superlatifs. Réveil d’autant plus douloureux, disions-nous plus haut, que le 08 septembre 2013, découvrent un premier gouvernement d’IBK essentiellement composé de parents, beaux-parents, fistons, amis, affidés et de vieux chevaux de retour. C’était là une première grosse erreur de casting d’Etat et qui donnait le ton aux craintes, sinon à la conviction, de l’ancien président Konaré : IBK ne peut pas gérer un pays. C’est trop lourd pour son parcours politique et administratif entre les dunes du nord (où il travaillait dans le projet Terre des hommes) et les berges du Djoliba (son expérience à la Primature à Bamako).

En novembre, il donne une deuxième fois raison à Alpha en montrant ses limites dans la gestion des affaires publiques, s’il ne s’engouffre pas dans un grand coup de magouille et de malversation. En effet, en novembre 2013, le 13 plus précisément, son gouvernement signe avec un de ses proches, un marché de gré à gré de plus de 69 milliards de FCFA, qui sera porté à 108 milliards plus tard. Objet : contrat d’armement.

Troisième raison de taille à la conviction d’Alpha Oumar Konaré : IBK achète, nonobstant le contexte du moment du pays, un avion de commandement à 17 ? 20 ? 21 ? ou 8 milliards de FCFA ?

A partir de mars 2014, tous ces scandales éclatent à la figure d’un président que l’affaire Tomi Michel, le parrain des parrains, vient assommer.

Mais, les institutions de Bretton Woods, notamment le Fmi s’intéresse aux scandales financiers : elles demandent à voir clair dans la provenance des fonds injectés dans le contrat d’armement et l’achat de l’avion présidentiel. En attendant, elles suspendent leur appui au Mali, imitées par d’autres bailleurs. L’audit commandité par le Fmi révèle des milliards de surfacturations. Du jamais vu dans l’histoire du Mali. Humiliation suprême pour un pays sensé se remettre sur pied en étant toujours adossé à la communauté internationale.

Avec un tel début de mandat (15 mois) calamiteux et émaillé de scandales financiers, l’histoire semble donner assurément raison au président Alpha Oumar Konaré.

C. H Sylla    

SOURCE: L’Aube  du   8 déc 2014.
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