Autant l’Armée avait une raison de prendre Anéfis pour mettre un terme à une épuration raciale de la part du MNLA ; autant aujourd’hui, sa présence se justifie à Kidal où en plus d’une chasse aux partisans de la république, ce sont des ressortissants étrangers qui sont sacrifiés sur l’autel d’intérêts sordides.
Le Président IBK avait bien raison d’exprimer son ras-le-bol face à l’inextricable situation artificiellement entretenue à Kidal, lors du double Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Uemoa et de la Cedeao, les 24 et 25 octobre dernier, à Dakar.
« J’en ai profité également pour informer mes collègues à fond sur la situation dans le nord, singulièrement à Kidal, que je trouve inadmissible, insoutenable, intolérable et qui ne saurait prospérer. Très clairement, je l’ai dit », a-t-il soutenu au cours d’une interview accordée à certains organes de presse.
Ce poing sur la table a eu pour effet immédiat de mobiliser les médiateurs qui ont sollicité et obtenu du MNLA de vider les planchers du Gouvernorat et de la station régionale de la radio.
Conduite machiavélique
Mais cela est-il suffisant pour décerner la palme de la bonne foi aux groupes rebelles comme on s’est malheureusement précipité de le faire à travers des déclarations de félicitation ? Cela est-il suffisant pour résoudre la difficile équation sécuritaire à Kidal posée grâce à une connexion avérée entre les rebelles et les groupes jihadistes ? Assurément non ! Et pour cause, entre la sortie musclée du président IBK et la restitution des bâtiments publics ; l’on a assisté à des montages des plus machiavéliques qui tranchent nettement avec une volonté de pacification de Kidal et une sortie définitive des crises cycliques qui secouent la région. L’on peut citer à cet effet l’incendie des locaux du gouvernorat par des manifestants instrumentalisés par les leaders du Mnla qui entendaient faire d’une pierre deux coups : donner un gage de son respect de l’Accord de Ouaga ; prendre prétexte de la manifestation de quelques dizaines de personnes pour ne pas se conformer aux termes de cet Accord.
D’autre part, il n’est un secret pour personne que jusqu’à preuve du contraire les partisans de l’unité et de l’intégrité du territoire national doivent raser les murs sous peine de subir les foudres des rebelles du MNLA. De même que hisser le drapeau du Mali à Kidal, une partie du territoire national est considéré comme un casus belli par les rebelles ; alors que le drapeau de la république fantôme de l’Azawad flotte à Kidal et sur les engins des rebelles. Selon les sources concordantes, ce drapeau est un laissez-passer qui permet au Mnla de sillonner librement les régions du Nord en semant la terreur sur son passage.
Les limites franchies
Toutes les limites ont été franchies par le Mnla, lorsque deux journalistes français ont été enlevés à Kidal et assassinés non loin de là. Certes toutes les vies sont d’égale valeur ; du moins aux yeux du Créateur ; mais force est de reconnaître que double assassinat est la goutte d’eau de trop dans le vase. Il est la preuve, si besoin e était que ce groupe rebelle est en train de perdre la petite parcelle d’humanité qu’il avait encore pour redevenir le monstre qu’il a toujours été. Dès lors, une humanisation pour une cohabitation pacifique avec les hommes s’avère indispensable.
Pour ce faire, ce ne sont pas les moyens qui manquent le plus, le dialogue étant le meilleur qui puisse exister. Hélas, l’amère expérience à laquelle goûte en ce moment la communauté internationale atteste que ces rebelles sont atteints d’une surdité congénitale à la voix de la raison et de la sagesse. Un expert (un ressortissant du Nord et un vieux de la vieille) soutenait dans cette veine, en marge des travaux des Assises nationales sur le Nord : « Ces gens-là ; nous les connaissons. Ils n’aiment que les épreuves de force. Lorsqu’ils sentent une défaillance ; ils prennent plus qu’ils n’en avaient demandé. C’est ainsi qu’ils agissent ».
Ce credo d’un homme qui a parcouru des centaines de kilomètres pour venir parler de la paix et de la réconciliation nationale, trouve toute sa justification dans le comportement du Mnla dont la marque déposée est de soutenir une position aujourd’hui et son contraire le lendemain. Le résultat d’un tel mode opératoire est de transformer ses interlocuteurs en balle de tennis.
Le fondement de la paix
C’est au regard de tout ce qui précède que la présence de l’Armée à Kidal rentre dans l’ordre du sécuritairement et du politiquement correct. Non pour tourner le dos au processus de paix ; mais pour en consolider les bases par le seul moyen qui a des chances de produire des fruits.
On se rappelle que depuis la prise d’Anéfis par l’Armée, le 5 juin dernier, il n’a plus jamais été question de convoi de personnes renvoyées aux Sud, chez elles ; il n’y a plus eu d’exaction contre les populations noires…
Par conséquent, il n’y a aucune raison de changer une recette qui soigne un mal ; même quand ce mal s’appelle Mnla et ses avatars.
Il est vrai que certains malins objecteront des contraintes liées à l’Accord de Ouaga pour un retour de l’Armée à Kidal. Il sera tout aussi loisible de rétorquer que le fameux Accord en aucune de ses dispositions n’interdit la présence de notre Armée à Kidal. Au contraire, l’Article 11 stipule : «… Le déploiement progressif des Forces de Défense et de Sécurité maliennes dans la région de Kidal dès la signature du présent Accord, en étroite coopération avec la MISMA/MINUSMA et la Force Serval. Ce déploiement comprendra la mise en place sans délai des premiers éléments des Forces de Défense et de Sécurité à Kidal, conjointement avec la MISMA/MINUSMA et la Force Serval ».
La présence de l’Armée à Kidal ne saurait en aucun cas être synonyme de violation du cessez-le-feu prévu dans l’Accord, dès lors que les rebelles sont censés être cantonnés et que l’Armée effectue sa mission régalienne de protection des personnes et de leurs biens sur l’espace régional. Il n’y a donc aucune chance d’affrontement tant que les rebelles resteront dans leurs camps. Au cas contraire, nul ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes.
Par Bertin DAKOUO
Source: Info-Matin