Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Contribution : La finance islamique, solution économique à la crise

Nous sommes en 2012. Le Mali venait de plonger dans une crise multidimensionnelle sans précédent. Le pays est ébranlé dans son fondement, même géographique. Depuis, près de la moitié du territoire échappe au contrôle de l’État. Les griefs avancés par les occupants pour justifier leurs forfaits, étaient essentiellement d’ordre économique et social : sous-développement des régions du nord. Aux revendications à caractère régional viennent se greffer celles des revendications à caractère supposé religieux.

 

Trois ans après l’éclatement de ces agressions, en 2015, les pourparlers d’Alger sont enclenchés. À termes, un accord pour la paix et la réconciliation a été signé entre l’État du Mali et des groupes armés.

Ce qui n’a pas suffi pour faire taire les armes. Les violences se sont par contre intensifiées en s’étendant sur l’ensemble du territoire. Et de l’analyse unanime d’experts, la pauvreté et l’exclusion sociale sont des terreaux fertiles au développement du terrorisme.

Face à cette situation, la solution économique semble, à notre sens, fondamentale, sûre et efficace. Ainsi, grâce à une politique participative en matière de développement économique et social et des montages financiers basés sur des investissements productifs, l’équité et la justice sociale, il est possible de contribuer à tarir les sources de recrutement ou d’adhésion volontaire à la cause des terroristes. «Mieux vaut prévenir que guérir», dit-on.

En effet, de par ses fondements éthiques, son sens de l’équité et du partage, l’enrichissement par le travail, l’investissement productif et la redistribution équitable des richesses, la Finance islamique peut offrir des solutions économiques à la crise multidimensionnelle que traverse le Mali. Cela à travers ses valeurs résilientes et robustes via des modes opératoires offrant des produits et services financiers adaptés à la réalité économique du pays. Il s’agit, entre autres, d’offres de services participatifs (Moudharaba, Moucharaka, Muzara, Musaqat, Mugharasah, etc.) et le véhicule d’investissement (Sukuk). Qui sont basés sur le partage des risques entre les acteurs économiques.

«Les Sukuk d’investissement sont des titres à valeurs égales représentant des parts dans la propriété d’actifs tangibles, d’un projet spécifique ou d’une activité particulière d’investissement ; et ce après la clôture des souscriptions, la collecte de la valeur des Sukuk émis, et le début d’utilisation des fonds conformément à l’objet d’émission», selon l’AAOIFI (sigle anglais de l’Organisation de comptabilité et d’audit pour les institutions financières islamiques). Dans les Sukuk d’investissement, toutes les parties prenantes veillent obligatoirement à la réussite de l’investissement. Leur sort en dépend et aucun détournement d’objectif n’est possible.

Supposons que dans un contexte macroéconomique, l’État a créé des projets de développement régional à travers des Agences de développement régional (ADR). Celles-ci émettent des Sukuk d’investissement pour la réalisation de projets d’infrastructure tels que la construction de centrales thermiques, l’aménagement de terres agricoles et de pistes rurales, la réalisation de barrages et d’équipements routiers, etc.

En la matière, il existe suffisamment de fonds pour atteindre les objectifs. Car, le marché de Sukuk pourrait potentiellement atteindre 2.700 milliards de dollars US d’ici 2030. Déjà dans la zone Uemoa, des pays ont pu mobiliser d’importantes ressources pour le financement de projets productifs. Entre 2015-2016, l’État ivoirien a levé 300 milliards de Fcfa. En 2016, le Sénégal a mobilisé 200 milliards de Fcfa, contre 150 milliards pour le Togo. En 2018, le Mali a lancé sa première opération de Sukuk de 150 milliards de Fcfa pour la construction d’environ 3.665 logements sociaux et n’a pu mobiliser qu’environ 45 milliards de Fcfa.

Dans l’hypothèse de l’émergence d’une économie basée sur l’élevage, admettons également que l’État malien mobilise 100 milliards de Fcfa via des Sukuk-salam ou d’autres types de Sukuk d’investissement mieux adaptés au développement de la filière viande rouge et lait dans la Région de Mopti, en occurrence le Cercle de Macina. Spécifiquement, le projet visera l’aménagement de 100 hectares pour la culture fourragère et l’embouche d’un million de bétails sur une durée de 2 ans.

Pour sa mise en œuvre, l’État installe un réseau de Système financier décentralisé national islamique (RSFDNI), à vocation de financement participatif. Ces derniers recommandent le partage des risques entre les acteurs. Il s’agira pour le RSFDNI de prendre part dans les microprojets à financer en apportant le capital financier. Il sera doté pour ce faire d’organes standard d’un SFD en outre des ingénieurs et techniciens d’élevage. La mise en pratique entre le RSFDNI et les bénéficiaires finaux se fait sur un mode opératoire mudharaba qui consiste au RSFDNI d’apporter le capital financier en argent ou en nature et aux bénéficiaires le capital humain, c’est-à-dire leur savoir-faire.

Par exemple : le RSFDNI finance un projet d’embouche de Coopérative Michiclö de Macina (CMM) à hauteur de 200 millions de Fcfa pour emboucher 600 bétails. À terme, le coût d’engraissement d’un bétail s’élève à 330.000 Fcfa. Sans exagérer qu’un bétail engraissé soit vendu 530.000 Fcfa. La marge réalisée par bétail est 100.000 Fcfa soit un cash-flow de 60 millions de Fcfa ou 30% du montant investi. Ce résultat est reparti entre RSFDNI et CMM suivant la grille de répartition préalablement conclue. À noter que tel résultat n’est possible que dans le cas où l’institution financière (RSFDNI) est directement connectée à l’économie réelle.

 

Sidy BOUARÉ

 

Doctorant en Finance
Islamique BSI-Luxembourg
Expert Diplômé en Finance Islamique
DG CID Amanah Finance, Administrateur Général IFI

Source : L’ESSOR

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance