Le choc, la stupeur et l’émotion furent à la hauteur de l’événement ! Habib Sissoko et Mohamed Traoré “Pelé” la Maison d’arrêt de Bamako-coura ? Plus d’un Malien a crû mal entendre la nouvelle et pourtant c’est ce qui est arrivé au président du Comité national olympique et sportif du Mali et à son secrétaire général. L’un et l’autre, partis répondre à une convocation de justice, se sont retrouvés sous le coup d’un mandat de dépôt qui les privera de leur liberté pendant 72 h.
Dans cette affaire, entrer dans le débat judiciaire, c’est déjà faire une concession à la délation. Plus judicieux est de s’interroger comment sommes-nous arrivé à construire une société où des réputations bâties au prix de longues années d’efforts peuvent être salies sans coup férir, des vertus forgées dans l’esprit du don de soi, de l’engagement désintéressé être outragées pour deux fois rien ?
Il y a là un dysfonctionnement qui fragilise notre pays et détériore son image dans un monde en compétition dans lequel certains hommes et femmes ont hissé la réputation du Mali, bien au-dessus de nos performances sportives ou économiques.
Habib est de ces hommes-là ! Il y a un demi-siècle, il s’est pris de passion pour le judo ; il l’a pratiqué comme minimes puis gravi tous les échelons jusqu’à porter les couleurs du Mali aux Jeux olympiques de Moscou au sommet de son art en 1980.
La fin de la carrière du combattant marqua le début de celle de formateur-entraîneur qui le vit dispenser son immense savoir de judokas aux plus humbles des amateurs de judo jusqu’à d’illustres disciples au dojo du Camp para dont un certain ATT ou feu Chaka Koné pour n’en en citer que les plus connus.
Pour Habib Sissoko qui cultive l’humilité jusqu’à l’effacement, la carrière de dirigeant arrivera le plus naturellement dans son parcours. D’abord au niveau du Mali, puis de l’Afrique pour atteindre le gotha mondial de ceux qui gouvernent le sport.
Président de la Fédération malienne de judo, président du Comité national olympique et sportif, vice-président de l’Union africaine de judo, membre du bureau de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa), chaque échelon que l’homme gravit en appelle un autre.
Cette reconnaissance des pairs va le porter à la présidence de l’Union africaine de judo, puis de la Zone II de l’Acnoa et, suprême honneur, au poste de vice-président de la Fédération internationale de judo. Un si brillant parcours ne couronne pas seulement le talent sportif, il consacre aussi l’engagement et la vertu gestionnaire.
Sur ce dernier chapitre le mérite d’Habib Sissoko est d’avoir mis ses propres deniers personnels au service du sport et de son développement. Ceux qui étaient là aux premières heures se souviennent des moyens modestes du Comité olympique qui ne pouvaient servir à la formation des athlètes et de leur encadrement tout en prenant en compte les charges de fonctionnement.
Combien de fois le président du CNO-Mali y est-il allé de sa poche pour honorer des factures d’électricité ou assurer le carburant pour le déplacement de dirigeants ou d’athlètes à l’intérieur du pays ?
C’est encore lui qui a compris que le sport, hormis le basket et le foot qui avaient belle cote auprès des sponsors, ne pouvait se développer dans l’indigence. Il existe encore des témoins vivants de l’opiniâtre combat qu’il a mené pour la signature d’un contrat global de sponsoring avec l’opérateur Sotelma-Malitel, une initiative qui, depuis près de 10 ans, a changé l’environnement et la pratique de toutes les autres fédérations et disciplines sportives. Tant de dévouement vaut plutôt une médaille, je ne sais d’ailleurs pas s’il a jamais été décoré dans l’Ordre national, en espérant que la réponse est oui.
Mais le succès enfante l’admiration en même temps que la jalousie. Surtout lorsqu’il est porté par un homme qui, malgré son apparente bonhommie, sait sévir avec autorité lorsque les principes sportifs ou associatifs sont en cause. Le monde sportif malien n’a pas échappé à des déchirements au cours des dernières années. Il s’en est sans doute trouvé parmi les acteurs de ces crises, pour penser que la délation était le plus court chemin qui menait à l’assouvissement de leurs frustrations.
Mais Habib peut puiser une force décuplée dans les multiples manifestations de sympathie et d’amitié qui lui sont parvenues d’Afrique et du monde entier sans oublier le soutien indéfectible du monde sportif malien, avec une mention spéciale à la presse sportive.
Sayonara intrépide combattant !
Bakary Doumbia
Aujourd’hui-Mali