Dans la cadre de la lutte contre l’enrichissement illicite, la déclaration des biens, l’un des moyens de prévention, est en train de prendre une douche froide dans un contexte où les autorités sont engagées dans un véritable chantier de refondation.
Le dernier rapport de l’OCLEI remis au président de la transition établit un constat effroyable avec une chute drastique de cette pratique légale.
« De façon générale, le dépôt de déclaration de biens est en baisse continue depuis 2018 où il a été enregistré 629 déclarations contre 60 en 2023, chiffre identique à celui de l’année 2022, soit une baisse de 90,46% en cinq ans. Ainsi, le nombre de déclarations de biens est revenu quasiment à son niveau de l’année précédant le démarrage des activités de l’OCLEI, en 2016 », rapporte l’OCLEI dans un document de plus de 130 pages.
L’OCLEI a évalué le taux de respect du dépôt de déclaration de biens des personnalités assujetties évaluées à 1 479 agents publics, issu du dialogue entre l’Etat et les partenaires sociaux.
La grande majorité de ces agents continuent d’occuper leur poste sans obéir à cette obligation légale.
« Le taux moyen de dépôt de déclarations des 1 479 assujettis est de 13,81% sur la période 2016-2023 pour un nombre total de 1 317 déclarations contre 8 874 attendues (1 479 déclarations par an pendant 6 ans). Ces chiffres montrent le faible niveau des déclarations des biens mais également leur baisse continue depuis 2018 suite à la signature du protocole d’accord entre le gouvernement et les partenaires sociaux », souligne l’OCLEI.
A l’image de ces observations générales, la situation des déclarations des membres du gouvernement n’est pas aussi reluisante.
En effet, en 2023, insiste l’OCLEI, le dépôt des déclarations de biens a connu la même tendance timide observée en 2022, avec une moyenne de 5 déclarations par mois.
Le même constat est observé au niveau du gouvernement.
Sous la transition, le total des ministres à déclarer leurs biens avant leur prise de fonction reste très faible. Seuls 5 membres du gouvernement sur 29 personnes assujetties ont respecté cette obligation légale en 2023, rapporte l’OCLEI.
Depuis 2016, l’année du démarrage de ce processus, il n’y a jamais 100% de déclarations des membres du gouvernement.
Cependant, c’est en 2020 où il y a un record de 96,0% des ministres qui se sont soumis à l’exigence légale soit 24 déclarations sur 25 attendues.
Même constat pour des services centraux des départements ministériels. En effet, sur les 151 services centraux, répartis entre 29 départements ministériels, le nombre total cumulé de déclarations déposées à la Cour suprême est de 7, soit un taux de 4,64% contre 5 déclarations en 2022, soit un taux de 3,6% et 23 en 2021 et un taux de 15,23%.
A titre d’illustration, l’évolution du nombre de déclarations faites par les assujettis relevant de certains départements se présente comme suit : au ministère chargé de l’Administration territoriale, de 257 déclarations en 2018 (niveau le plus élevé sur la période) à 4 déclarations en 2019 et zéro en 2023.
Du côté du ministère chargé de l’Agriculture, de 54 déclarations en 2017 (niveau le plus élevé sur la période), il n’y a que 2 déclarations en 2023. Quant au ministère chargé de l’Energie et de l’Eau, de 38 déclarations en 2017, il se trouve avec 2 en 2023.
En 2023, la Cour suprême a enregistré 60 déclarations de bien soit 3,20%. Ce qui dénote un recul de ce processus dont l’importance est cruciale dans la croisade contre l’enrichissement illicite qui freine les efforts de développement dans notre pays avec des dizaines de milliards de FCFA qui sont volatilisés dans la mauvaise gouvernance.
Dans son rapport, l’OCLEI explique cette baisse continue des déclarations depuis 2018 par plusieurs facteurs, notamment : la méconnaissance par les assujettis des dispositions de la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite relatives à l’obligation de déclarations de biens.
Il s’agit, précisément, de l’annualité de la déclaration et la mise à jour à chaque changement de poste, à l’entrée et à la sortie d’une fonction ou d’un mandat assujettis à la déclaration de biens.
Au nombre des facteurs limitants, il a souligné également, les restrictions de communication imposées à l’OCLEI suivant le protocole signé entre le Gouvernement et l’UNTM ; la situation sociopolitique du pays ;
la faible implication des autorités, spécifiquement sur le respect de l’obligation de déclaration de biens ; les réticences diverses et multiformes.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin