L’un des ténors de la mutinerie-coup d’Etat du 22 mars 2012 de triste mémoire, Moussa Sinko Coulibaly, qui a troqué sa tenue de Général d’Armée contre l’habit civil pour compétir à la présidentielle de 2018, a subi, jeudi dernier, un interrogatoire de sept heures d’affilée au camp I de la gendarmerie nationale.
Les enquêteurs, commis à la demande du procureur de la commune V, s’évertuaient à établir si son tweet du 2 Octobre, derrière lequel le président IBK a cru se profiler l’ombre d’un coup d’Etat en préparation, participe réellement d’une stratégie de déstabilisation du régime en place.
Le contexte, en effet, rappelle celui qui prévalait lorsque moins de trois cents soldats, pour la plupart des subalternes et pour certains des déserteurs, avaient neutralisé la chaine de commandement (offrant ainsi le pays aux forces rebelles et djihadistes coalisées). Puis ils avaient renversé les institutions républicaines, en leur faisant porter la responsabilité des revers successifs de l’armée et des massacres qui les accompagnaient, faute d’une préparation appropriée en hommes et en équipements.
Depuis plusieurs mois, en effet, les FAMAs cumulent les défaites, les tueries, les pertes de matériels. A Dioura, elles ont perdu une trentaine d’hommes, à Guiré 16, à Ebanguemanef (entre 9 et 10) à Boni 5, entre Douentza et Hombori 3, à Diafarabé 4, à Boulkessi et Mondoro, là où l’état-major évoque 38 tués (et presque autant de disparus) le GSIM d’ Iyad Ag Ghali annonce triomphalement 85 morts.
Pour sa part, le dernier rapport trimestriel du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guteres, fait état de 32 attaques terroristes contre l’armée malienne qui ont totalisé 42 morts. Il n’a pas pris en compte les récentes attaques de Boulkessi et Mondoro.
Cette situation inquiète la troupe, plonge les familles des militaires déployés au front dans le désarroi et la colère (elles ont battu le pavé, posé des barricades à Bamako, Kati et, le week-end passé à Sévaré, où elles entendaient s’opposer au départ de leurs fils, époux et pères sur les théâtres d’opération). Elle amène aussi les Maliens à douter de la capacité de leurs dirigeants politiques et militaires à assurer leur sécurité collective.
La tension est si forte qu’une étincelle suffirait pour mettre le feu aux poudres.
En 2012, ce fut le coup de feu tiré en l’air par un garde du corps du ministre de la Défense venu rencontrer les soldats mécontents au camp Soundiata Keïta pour tenter de calmer les esprits et exhorter les déserteurs à retourner au combat. La balle, hélas, a fait un blessé. L’épisode s’est achevé par la chute du pouvoir d’ATT.
Le régime IBK redoute que le tweet du Gal Moussa Sinko Coulibaly ne soit l’élément déclencheur d’un processus similaire. Sa relaxe peut signifier que les enquêteurs n’ont pas réuni assez d’indices compromettants pour le priver de sa liberté. A moins que le procureur qui les a mandatés ne se donne du temps pour analyser et apprécier les informations recueillies. Le silence observé par son parti, la ligue démocratique pour le changement (LDC) et sa propre déclaration à la presse n’excluant pas une suite judiciaire incitent à la circonspection.
Une chose est certaine : le régime doit se donner les moyens d’inverser la tendance tragiquement négative, au double plan militaire et sécuritaire, pour conjurer le spectre hideux du 22 mars 2012.
Saouti HAÏDARA
Source: l’Indépendant