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Comprendre : Société civile et démocratie en Afrique de l’ouest (suite)

Si la société civile est tout ce qui n’est pas Etat ou parti politique, cela signifie-t-il que tout militant ou responsable d’un parti politique, tout agent d’un Etat ou disposant d’une certaine autorité ne saurait, en aucun cas, faire partie de la société civile ? Par exemple un militant ou un responsable d’un parti politique peut-il être membre ou responsable d’un syndicat ? Un responsable étatique peut-il  être membre d’une association ou d’une organisation dont la vocation est précisément de défendre les citoyens contre les abus de ce même Etat (ou d’un parti politique au pouvoir) ?

A ces questions, nous répondons par l’affirmative: un militant ou un responsable de parti politique (ou d’une structure étatique) peut, tout à la fois, être un militant ou un responsable syndical et, dans ce cadre, participer à des mouvements allant à l’encontre de son propre parti (si celui-ci est au pouvoir). Tout dépend de son niveau d’intervention, il convient de définir celui-ci avec netteté afin qu’il n’y ait pas confusion des rôles.

Le militant ou le responsable politique (ou administratif) doit en effet seulement éviter de faire l’amalgame entre son parti (ou l’Etat) et le syndicat au sein duquel il se voit confier un rôle.

La confusion tient au fait que l’on continue à définir, dans nombre de pays d’Afrique (et à l’instar des anciens pays de l’Est ou des régimes à parti unique), les syndicats comme des «courroies de transmission» entre le Parti (l’Etat) et les travailleurs. C’est le cas des syndicats affiliés au pouvoir comme ceux Maliens, Sénégalais ou Ivoiriens.

Une idéologie  collaborationniste comme la théorie de la participation responsable qui avait cours dans le syndicalisme malien atteste bien de cette collusion qui existe parfois entre Parti et syndicats. Cela souligne également les risques de récupération, de manipulation qu’il y a pour la société civile dès lors qu’elle entre dans la sphère du politique.

 

Ne faisant  partie ni de l’Etat ni d’un parti politique, peut-on pour autant se réclamer automatiquement de la société civile ?

A cette question, nous répondons non. Il convient de le préciser car  enfin il est souvent arrivé que des individus aient revendiqué cette appartenance, de leur propre chef ou qu’ils aient été nommés à ce titre par des dirigeants  politiques.

Ces individus occupent ainsi des fonctions gouvernementales sans avoir été d’aucune façon mandatés par une quelconque structure  organisée de la société civile. Ils ne sont alors que des fantoches servant l’intérêt des gouvernants.

 

La société civile comme fonction  et non  comme entité

La société civile n’est pas une somme arithmétique d’individus. Elle n’est pas une entité, une enveloppe, un récipient où l’on peut mettre qui l’on veut. Elle est avant tout une structure organisée, autour d’opinions ou d’intérêts communs précis.

Elle assure une certaine fonction dans la société. De ce fait tout individu qui n’appartient pas à une structure organisée de manière consciente et autonome par rapport à l’Etat (et aux partis politiques) ne sauraient être un représentant de la société civile.

 

La société civile comme groupe de pression

La société civile n’est pas un tampon entre l’Etat et ses opposants. Elle  est avant tout l’expression de groupes sociaux organisés de manière consciente autour de leurs intérêts et déterminés à les défendre. Elle devient ainsi de facto un groupe de pression.

Elle fait pression sur l’appareil d’Etat ou le personnel politique pour l’amener noire l’obliger à considérer ses points de vue et ses intérêts. Mais jusqu’à présent, les sociétés civiles africaines ne semblent pas avoir pris conscience de cette dimension incontournable et redoutablement efficace du rôle qu’elles sont appelées à exercer.

En Afrique, ce rôle est dans une certaine mesure parfois assuré par les centrales syndicales, ou encore par les organisations internationales des Droits de l’Homme ou la presse, essentiellement la presse internationale. Malgré les insuffisances actuelles, les sociétés civiles africaines sont amenées à exercer de plus en plus ce rôle de groupes de pression.

 

La société civile comme contre-pouvoir

Organisée en groupes de pression, la société civile est appelée à agir comme un contre-pouvoir et non comme un contre-le-pouvoir. Il ne s’agit pas pour elle de contester le pouvoir politique en place. La société civile, dans sa fonction essentielle, surtout dans la perspective de la construction d’une société démocratique, est tenue d’agir comme contre-pouvoir, de résister voire de combattre l’hégémonie, les abus de tous les pouvoirs existants, autant des pouvoirs politiques que des pouvoirs économiques, sociaux ou culturels.

En ce sens, la société civile  permet de contrebalancer tous les pouvoirs existants. Ainsi, dans certains pays africains, des groupes de pression se sont constitués contre l’exploitation des ressources minières ou pétrolières par certaines  multinationales.

Ils ont combattu leurs politiques de pillage systématique des ressources locales (de surcroit polluant pour l’environnement et sans retombées positives pour les populations autochtones). Cela a conduit parfois à des révoltes ou à des rebellions armée comme ce fut le cas au Nigeria. On a vu également se former en Afrique des groupes de pression à caractère culturel, servant l’intérêt de communautés dont l’identité se trouvait menacée (par le pouvoir d’Etat).

Agir en tant que contre-pouvoir est donc la mission fondamentale de la société civile, d’autant plus dans un contexte démocratique.

(A suivre)

Par le Pr. Issa N’DIAYE, Forum Civique, Mali

 Inter De Bamako

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