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Commerce d’articles de casse : ATTENTION DANGER !

En apparence, ils constituent une providence pour les petites bourses. En réalité, ils peuvent représenter un danger pour la santé, l’environnement et l’économie 

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Eliminer le contenu des poubelles sans préjudices pour l’environnement constituait dans les années 1980 et 1990 était un véritable casse-tête chinois pour les Européens et les Américains. Mais de nos jours, ce souci s’est largement atténué. Le commerce des matériels récupérés dans les décharges des pays industrialisés est devenue une activité très lucrative pour certains de nos compatriotes qui y ont d’ailleurs fait fortune. Actuellement, Bamako est littéralement submergée par les matériels électroménagers de récupération, les fripes, les jouets usagés, les vieux matelas, les anciens téléviseurs. Cas extrême, on peut même trouver sur certains marchés du matériel sanitaire mis au rebut. A ce propos, l’ancien directeur général des Douanes, Modibo Maïga, se rappelle que la direction régionale de la Douane de Kayes a saisi une fois un lot de matelas tous couverts de taches de sang récentes. De quoi donner le vertige. Et aussi la nausée.

Avec l’importation effrénée des articles de casse, le Mali est-il devenu aujourd’hui un pays dépotoir ? La question peut sembler provocante, mais elle vaut d’être posée. Selon nos informations, certains de nos parents installés en Europe et aux Etats-Unis se sont spécialisés dans la collecte des objets dans les décharges et dans leur expédition au pays. Sans bénéficier du soutien officiel des autorités des pays de départ, l’opération serait encouragée, voire dans certains cas encadrée par celles-ci. Qui ont intérêt a voir s’éloigner en direction d’autres cieux ces matériels balancés au rebut, et parfois nocifs. Sans oublier que l’activité de récupération, qui est devenue de plus en plus lucrative, fait travailler aussi bien les autochtones que les étrangers.

Certains pourraient croire que le déversement de ces articles usagés arrangerait aussi les consommateurs maliens au portefeuille assez modeste. Les choses ne sont pas aussi simples. Au cours de notre enquête, nous avons appris que certains matériels de casse importés comme les appareils électroménagers, les téléviseurs, les équipements électroniques contiennent des composantes dangereuses pour la santé et prohibées dans les pays d’origine. Par exemple, les réfrigérateurs contiendraient des gaz qui sont aujourd’hui interdits en Europe, en Amérique et presque dans tous les pays développés. Idem pour les téléviseurs qui comporteraient des éléments cancérigènes. En outre, la plupart de ces postes fonctionnent avec un système analogique. Alors que les pays exportateurs sont déjà passés au numérique. Notre pays se prépare lui aussi au transfert vers le tout numérique avant la fin de 2015. Ce qui veut dire que dans quelques mois le téléviseur analogique, considéré comme une bonne affaire aujourd’hui, sera tout juste bon à jeter à la poubelle.

LA COURBE REPARTIE À LA HAUSSE. Au rythme auquel les « casses » arrivent dans notre pays, ces équipements constituent-ils un problème de santé publique et environnemental pour les populations ? Notre interrogation n’a pas reçu véritablement une réponse catégorique. Ce qui est sûr, c’est que les articles usagés arrivent sur notre marché en quantités de plus en plus importantes. Les statistiques fournies par la division Documentation et information de la Direction nationale du commerce et de la concurrence sont à la fois éloquentes et inquiétantes. Selon les chiffres qui nous ont été communiqués, durant les cinq dernières années, la courbe de l’importation des articles de friperie est en nette progression. En 2008, environ 8384,239 tonnes d’intention d’importation ont été levées pour une valeur marchande estimée à plus de 3,155 milliards de Fcfa. En 2009, environ 11 110,153 tonnes d’intention d’importation ont été exprimées pour une valeur d’environ 4,823 milliards de Fcfa. En 2010, le volume d’importation a légèrement baissé pour se retrouver à 10 486,374 tonnes pour environ 4,763 milliards Fcfa. Mais la décélération a été de courte durée. En 2011, la courbe est repartie à la hausse. Les intentions d’importation levées se sont chiffrées à 12 025,285 tonnes pour environ 5,015 milliards de Fcfa. En 2012, malgré la grave crise, les articles de friperie ont été les seules marchandises à n’avoir pas enregistré de repli. Les intentions d’importations ont grimpé de 12 025,285 tonnes à 12 818,083 tonnes, soit une progression de 792,798 tonnes. La valeur marchande s’est également élevée à environ 5,221 milliards de Fcfa.

Selon nos sources, les fonds engagés dans l’activité de récupération n’ont aucun effet d’entraînement sur notre économie, bien au contraire. Passons sur les devises débloquées. L’importation des articles récupérés et vendus à un prix défiant toute concurrence a un effet négatif sur la création ou même la préservation des emplois dans les secteurs de l’artisanat, de l’industrie et du commerce. La création de richesses nationales est négativement impactée et à long terme les services de recettes de l’Etat tant de l’intérieur qu’à la porte (Impôts, Douanes et Trésor) sont mis en difficulté par l’élimination d’un nombre croissant d’entreprises. Ce tableau alarmant est compliqué par les risques nouveaux apparus dans les domaines de la santé publique et de l’environnement.

C’est pourquoi, suite au combat acharné des chefs de l’Etat et de gouvernement, deux conventions ont été prises pour réglementer la circulation des déchets dans le monde. Il s’agit des conventions de Bamako (1989 et 1992) et celle de Bâle en Suisse en 5 mai 1992. Cette dernière convention règlemente le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination prévoyant la conclusion d’accords régionaux en la matière. Quant aux conventions de Bamako de 1989 et 1992, elles sont complémentaires et s’adossant à la Déclaration de la Conférence des nations unies sur l’environnement, tenue en 1972, aux Lignes directrices et principes du Caire concernant la gestion écologiquement rationnelle de déchets dangereux et adoptés par le Conseil d’administration du Programme des nations unies pour l’environnement (PNEU) par sa décision 14/30 du 17 juin 1987.

ENDIGUER L’ENTRÉE DE PRODUITS INDÉSIRABLES Elles s’appuient également sur les recommandations du Comité d’experts des Nations unies en matière de transport des marchandises dangereuses (formulées en 1957 et mises à jour tous les deux ans), de la Charte des nations unies, des dispositions de l’article 39 de la Convention de Lomé IV relatives aux mouvements internationaux de déchets dangereux et radioactifs, des recommandations, déclarations, instruments et règlements pertinents adoptés dans le cadre du système des Nations Unies, des organisations intergouvernementales africaines ainsi que des travaux et études effectués par d’autres organisations internationales et régionales.

Malgré cette batterie de conventions internationales, notre pays peine à légiférer sur le commerce des déchets dangereux. Au niveau tant de la Direction nationale de la santé (DNS), que de celle de l’Assainissement du contrôle de la pollution et de la nuisance (DNACPN), on semble impuissant face à la situation. Certes, il y a eu quelques initiatives méritoires pour endiguer l’entrée de produits indésirables, mais la bonne volonté ne suffit pas. Il faut instaurer un véritable combat organisé contre le phénomène, a expliqué le chargé de communication du ministre de la Santé et de l’hygiène publique, Markatié Daou. Selon lui, le chef du Département Ousmane Koné a refusé une fois de réceptionner du vieux matériel hospitalier destiné à certaines structures sanitaires du Nord du pays. Et cela parce que la donatrice qui est originaire de la région, mais installée en Europe, avait refusé d’ouvrir le conteneur pour vérification.

Même appel à la vigilance à la DNACPN. Nos interlocuteurs pensent que sans les textes réglementaires nationaux, les services techniques ont très peu de marge de manœuvre pour sévir. Le Mali doit adapter les conventions internationales à la situation locale. Pour cela, il faut une loi et ses textes d’application, sinon les techniciens assisteront impuissant à la détérioration de notre environnement sans pourtant agir, tel est l’avis du technicien Balla Sissoko. Le vrai combat est donc encore à venir.

A. O. DIALLO 

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