(Ecofin Hebdo) – Après les années de traversée du désert, l’économie ghanéenne retrouve des couleurs et devrait tirer la croissance économique du continent. Des performances qui suscitent l’enthousiasme, mais ne parviennent pas à masquer le risque d’une possible rechute.
Cette année, le Ghana deviendra pour la première fois en trente ans la locomotive de la croissance du continent, prenant le relais de l’Ethiopie et de la Côte d’Ivoire. En effet, le pays affichera une croissance supérieure à 8% cette année, estiment les institutions internationales. Si les matières premières comme l’or, le cacao ou encore les hydrocarbures sont les principales sources de revenus de ce pays qui affiche un PIB de 43 milliards USD, le Ghana devrait profiter de la conjonction entre la hausse de sa production pétrolière et celle des cours de l’or noir. Mais cette performance de l’économie ghanéenne n’est pas que le résultat d’un ralentissement de la croissance en Côte d’Ivoire et en Ethiopie, ou juste l’addition de recettes issues du commerce de ses matières premières. En effet, à l’arrivée de Nana Akufo-Addo, le Ghana s’est repris en main d’un point de vue fiscal et s’est lancé dans une série de reformes hardies.
Le ralentissement après des années de forte croissance
Au début des années 2000, le Ghana affiche de bons indicateurs macroéconomiques. Ainsi, entre 2000 et 2013 le pays présente une croissance moyenne de 6,6% tandis que le taux de pauvreté passe de 53% à 21% entre 1991 et 2012. Néanmoins, la situation se dégrade très vite. Selon la banque Mondiale, le pays rencontre, à partir de 2011, des difficultés fiscales et macroéconomiques qui persistent jusqu’aujourd’hui. Ainsi, dans le secteur énergétique, le manque d’adaptation des prix appliqués par les compagnies publiques aux réalités économiques du pays, l’accumulation d’arriérés et un management inefficace des entreprises ont conduit à des pénuries d’électricité qui ont, à leur tour ébranlé, la confiance des investisseurs et agravé le ralentissement économique.
Le secteur bancaire a quant à lui été marqué par une hausse des prêts non-performants, limitant la capacité des banques à financer l’économie. En conséquence, les prêts au secteur privé ont reculé et l’écart entre les prêts et les dépôts des banques s’est accru. Ces difficultés se sont traduites par de grands déficits budgétaires, qui atteignent des niveaux vertigineux en années électorales, une hausse de la pression de la dette, la dépréciation du cedi.
Preuve de ces contre-performances, en mars 2016, l’inflation atteint un niveau record de 19,2% tandis que la croissance tombe à 3,5% soit son niveau le plus bas en 20 ans. Le déficit budgétaire culmine à 9,3% du produit intérieur Brut (PIB), bien au-delà de l’objectif de 5,2% fixé par les dirigeants. En ce qui concerne la dette du pays, elle a progressé sur la dernière décennie passant de 30% du PIB en 2006 à 73,4% du PIB en 2016. La gestion économique hasardeuse qui a prévalu dans ces années, combinée à la chute du cours des matières premières (or, pétrole et cacao) dont le pays est exportateur, l’a contraint à se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI) en 2015 pour l’obtention d’un financement de 918 millions de $.
Le pari de la rigueur
A son arrivée, John Akufo-Addo hérite donc d’un pays à l’économie chancelante. Pour le remettre à flot, il opte pour la rigueur. En fermant les vannes, il parvient à réduire le déficit budgétaire qui passe à 5,9% du PIB en 2017 et devrait tourner autour de 4,5% cette année. Des facteurs comme la hausse de la production pétrolière dans un contexte de remontée des cours devrait permettre au pays de se remettre plus vite à flot.
Pour remettre le pays à flot, il opte pour la rigueur.
Soucieux de relever le pays par ses propres forces et de poursuivre avec la politique de rigueur qui est la sienne, le nouvel exécutif n’entend pas renouveler son accord avec le FMI au terme de celui-ci en 2018. « Je suis heureux d’annoncer que le dur labeur donne des résultats positifs. Les fondamentaux macroéconomiques ont connu des améliorations grâce à une meilleure discipline budgétaire et monétaire. L’aspect important et la pierre angulaire de notre gouvernement, à l’avenir, est de demeurer engagé à l’égard de la discipline financière afin de ne plus jamais avoir recours au FMI ou à un plan de sauvetage de ce genre.» déclare-t-il. Plutôt que de regarder du côté du FMI, le Ghana entend se tourner vers les marchés internationaux où il veut lever un milliard de $ afin de restructurer sa dette publique.
Plutôt que de regarder du côté du FMI, le Ghana entend se tourner vers les marchés internationaux où il veut lever un milliard de $ afin de restructurer sa dette publique.
La méthode Akufo-Addo séduit et, dans le monde de la finance, on salue ses choix. Signe de cet engouement des marchés, l’indice composite de la Ghana Stock Exchange a progressé de 33% depuis le début de l’année. Cependant Karl Ocran qui est responsable des investissements à la Frontline Capital Advisors tempère: «Nous ne pouvons pas éviter de prendre en compte la dimension sentimentale liée à cette performance. Le Ghana affiche l’une des plus grande croissances au monde. Les investisseurs sont attirés par ces croissances fortes combinées à une inflation maîtrisée. En outre, les prix des actifs financiers sont encore abordables».
Mais peut-on déjà parler de miracle? Pour beaucoup d’experts, on en est encore loin et le pays est toujours convalescent. Les risques de rechute ne sont pas très loin. Ainsi, le pays doit résoudre le problème de l’inefficacité de ses compagnies publiques en charge de l’énergie. En 2015, ces dernières affichaient une dette de l’ordre de dette de 7,7 milliards de cedis (1000 cedis = 226 $). En outre le système financier doit retrouver de la stabilité et enrayer la dynamique haussière des prêts non-performants. Enfin, le pays doit parvenir à plus de souplesse budgétaire et réduire son exposition aux chocs externes dans un contexte où 60% de sa dette est détenus par des agents économiques extérieurs.
Mais peut-on déjà parler de miracle?
Des réformes pour stabiliser la croissance
Pour répondre à ces défis les autorités ghanéennes s’activent à plusieurs niveaux. Ainsi, la banque centrale, (Bank Of Ghana) a récemment décidé d’imposer une recapitalisation aux banques privées afin de renforcer le secteur financier. Deux établissements n’ayant pu répondre aux nouveaux critères édictés par l’institution ont dû mettre la clé sous la porte. En outre, la BoG poursuit son effort de maîtrise de l’inflation. Celle-ci est est passé à 11,8% en décembre dernier et devrait bientôt tomber dans la bande fixée par la banque (entre 6 et 10%). De leur côté, les autorités ont décidé d’augmenter les recettes fiscales du pays. En effet, celles-ci ne génèrent que 13,4% du PIB contre une moyenne de 19,1% pour 16 pays africains selon des données collectées par l’OCDE. Pour remplir ses obligations vis-à-vis de ses créanciers et ne pas se tourner vers la banque centrale pour financer son déficit, le Ghana doit collecter l’équivalent d’au moins 15% de son PIB en taxes estime Joe Abbey, économiste au Centre pour l’analyse des politiques d’Accra. Pour y parvenir le pays entend instaurer un système d’identification nationale, une base de données des adresses des citoyens et un numéro fiscal qui sera obligatoire pour des actes de la vie courante comme l’ouverture d’un compte en banque, l’obtention d’un permis de conduire ou d’un passeport.
Aaron Akinocho