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Comment éviter l’enlisement en Centrafrique ? Les réponses d’un expert

INTERVIEW. Alors que la France a perdu deux soldats lundi en Centrafrique, les inquiétudes d’un enlisement grandissent. Le spécialiste de l’Afrique Antoine Glaser décrypte pour MYTF1News les difficultés spécifiques à cette intervention et la stratégie de la France pour éviter un bourbier.

Antoine Glaser journaliste écrivain français

Les critiques autour de l’intervention en Centrafrique se font plus fortes au lendemain de la mort de deux soldats français. Six jours après le début du déploiement des troupes françaises, François Hollande et le gouvernement doivent revoir leur copie : après avoir parlé d’une simple opération humanitaire, la France reconnaît qu’il s’agit là d’une “mission dangereuse”, selon les termes utilisés  mardi par le chef de l’Etat. Mercredi, le ministre de la Défense a lui parlé d’une “mission plus dangereuse qu’au Mali”. Faut-il s’inquiéter d’un enlisement des troupes françaises en Centrafrique ? L’écrivain et journaliste Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, décrypte pour MYTF1News les risques pris par la France dans cette intervention et les enjeux déterminants pour éviter un enlisement.

MYTF1News. Pour quelles raisons un enlisement de l’armée française en Centrafrique est-il à craindre ?
Antoine Glaser. La principale difficulté pour l’armée française est l’absence de relais sur place : les armées africaines régionales n’ont pas encore la capacité de soutenir la France. C’est pour cela que dans un premier temps, après la prise du pouvoir par les rebelles de la Séléka en mars dernier, la France avait décidé de ne pas intervenir et que seuls 400 soldats étaient présents en Centrafrique, contenus à l’aéroport de Bangui. Aujourd’hui, quand la France a finalement décidé d’intervenir, elle a dû le faire seule et en urgence.

MYTF1News. Pourquoi intervenir alors ? Et pourquoi parler d’une opération humanitaire : le gouvernement a-t-il occulté le risque d’un enlisement ?
A. G. Il est possible que la France ait sous-évalué la situation réelle sur place. Mais en même temps, il était impossible de ne pas intervenir. Sur le plan humanitaire, on lui aurait reproché de ne pas s’engager. La France est la seule puissance occidentale à avoir des troupes basées dans cette région. Et elle est rattrapée par son histoire : la France reste le gendarme de l’Afrique. On reste dans la configuration issue de la guerre froide où chaque puissance occidentale garde ses zones d’influence. Si la France n’était pas intervenue, elle aurait dû se désengager de cette région et perdre sa diplomatie d’influence et ses partenariats économiques.

MYTF1News. Comment éviter l’enlisement désormais ?
A. G. Le gouvernement va d’abord pousser les pays voisins comme le Congo, le Cameroun ou le Tchad à intervenir. Il est essentiel qu’elle trouve des relais sur place. Ensuite, l’enjeu est d’aller le plus rapidement possible à des élections. Le soutien de l’Onu n’interviendra que lorsqu’il y aura un retour à l’ordre constitutionnel. C’est une stratégie qui a marché au Mali. Des élections ont été organisées très rapidement, ce qui a permis à la France de bénéficier d’un relais des troupes onusiennes. François Hollande va faire le même pari en Centrafrique.

MYTF1News. La situation en Centrafrique est-elle vraiment comparable à celle au Mali ?
A
. G. La situation n’a rien à voir avec celle au Mali  et c’est là toute la difficulté. Au Mali, il y a avait un ennemi clairement identifié qui était une centaine de djihadistes, l’intervention ne touchait pas l’ensemble du pays mais seulement le nord – soit 10% du Mali – et elle se justifiait au nom de la lutte antiterroriste. La Centrafrique, elle, est un pays déstabilisé depuis des années, les groupes rebelles sont nombreux et le président Michel Djotidia n’est pas parvenu à améliorer la situation depuis sa prise de pouvoir en mars. François Hollande a remis sa légitimité en question en appelant à des élections rapidement mais, en même temps, il n’y a pas d’autre interlocuteur possible que la Séléka aujourd’hui. Le pari d’un retour rapide à un équilibre démocratique est donc bien plus risqué.

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