Au sortir des élections législatives, les Tisserands de Ladji Bourama se taillent la part du lion alors que de Ségou à Sikasso, en passant par Bamako et Kita, les mastodontes traditionnels de la classe politique font naufrage.
Les législatives ont été, certes, boudées par le peuple mais elles consacrent la victoire de Ladji Bourama et de ses alliés. La chose vaut son pesant de braises pour beaucoup de politiciens qui voyaient dans ce scrutin une session de rattrapage de la viande et du poisson ratés à la présidentielle. En devenant députés, transhumants et sédentaires politiques pensaient forcer Ladji Bourama à partager le gâteau qu’il s’obstine à déguster tout seul depuis son avènement à la tête de la marmite nationale. Mais voilà: au lieu de la partie de plaisir attendue, on assiste à un véritable naufrage des dinosaures de la classe politique. De quoi leur ôter à tout jamais l’appétit ! Faisons, s’il vous plaît, un petit décompte des morts, des blessés et des rescapés de la tragédie…
A Ségou, son soi-disant fief, Dramane Dembélé mord la poussière. Heureusement pour ses pauvres dents, la poussière de Ségou n’est pas teintée de cailloux ! Candidat présidentiel de l’Adema dans une vie antérieure, Dra, comme l’appellent ses amis, subit le même sort que Maître Mountaga Tall, l’éternel leader du CNID. Il va falloir jeter des cauris pour savoir comment deux mastodontes de ce calibre sont parvenus à se laisser dévancer aux suffrages par d’illustres inconnus surgis du diable vauvert. Ils ont en commun d’avoir rejoint Ladji Bourama entre les deux tours de la présidentielle, ce qui ne fera sans doute pas pleurer Soumaila Cissé, seul chef de parti à se faire élire, dès le premier tour, à Niafounké.
Après un score honorable à la présidentielle, le patron de la CODEM, Housseyni Guindo alias Poulho, est lâché par les électeurs sikassois au milieu du gué. Qu’a-t-il donc fait pour mériter une telle infortune, lui, le jeune et fringant député sortant du Kénédougou ? On ne sait. Il aurait peut-être dû flairer, à temps, le mauvais climat et se déporter à Badiangara, sa terre ancestrale. Mais comme on le dit en Bambara, nul ne voit venir le coup de sabot de l’âne…
Autre manitou de l’Adema et maire de la commune 3 de Bamako depuis que le monde est monde, Adama Sangaré ramasse une lourde veste électorale. Et quand je dis veste, je veux dire veste ! Son récent séjour en prison y est sûrement pour quelque chose: avec un mandat de dépôt sur le dos, on ne se trouve pas dans la meilleure position pour battre campagne et vaincre des rivaux restés libres des pieds, des mains, de la langue et de…la poche.
Dans la grande offensive lancée par les Tisserands de Ladji Bourama contre les bastions adverses, Maître Demba Traoré laisse des plumes. Valeur montante de l’URD, il voit filer sous son nez le poste de député de la commune 6 de Bamako, malgré les jolis et souriants portraits qu’il a placés à tous les coins de rue. A croire qu’en commune 6, les gens ont perdu le goût des oeuvres d’art !
S’il y a une défaite qui ne surprend personne, c’est bien celle de Foutanké Babani Cissoko à Kéniéba. Elu en 2002 puis en 2007 alors qu’il passait ses nuits à distribuer des espèces sonnantes aux griots, le compère apprend, à ses dépens, que l’électeur malien ne reste pas attaché aux beaux yeux d’un milliardaire qui a perdu son trésor. Or le sien a, semble-t-il, pris des voies tortueuses, sans aucun espoir de retour !
Monstre sacré du Mouvement Démocratique, Maître Hamidou Diabaté du Parena se voit refuser un nouveau bail parlementaire à Kita. Il est vrai qu’il a été abandonné, au second tour du scrutin, par ses vieux amis de l’URD. Il est vrai aussi que par les temps qui courent, les théories démocratiques chères à Diabaté n’attirent pas une seule voix dans la cagnotte. Bien au contraire, ce sont les fervents partisans du putsch comme Oumar Mariko et compagnie qui récoltent des biscuits dans les bureaux de vote. A Kolondiéba, par exemple…
Craignant de prendre une nouvelle tuile électorale sur le crâne, quantité de candidats défaits à la présidentielle se sont gardés de mesurer, aux législatives, leur cote d’amour auprès des Maliens. Dans ce lot, on compte trois anciens premiers ministres :
– Cheick Modibo Diarra : astrophysicien et visiteur martien débarqué un peu trop tôt sur la planète Terre, ce colosse vit le cauchemar depuis que sa belle navette spatiale a connu un crash nocturne dans le ciel de la junte, pardon !, de Kati;
– Soumana Sacko : depuis 1997, cet économiste tombé sous le charme de la politique collectionne les débâcles électorales; il commence à regretter d’avoir régularisé les salaires des fonctionnaires sous le régime UDPM !
– Modibo Sidibé : après avoir occupé tous les postes juteux de l’Exécutif, l’ancien commissaire de police doit trouver assez léger le salaire de député…
Le sort de ces anciens premiers ministres administre la preuve par trois que sous nos tropiques, la démocratie marche sur le nez puisque le gouvernement est toujours dirigé par des hommes dont nos compatriotes se méfient.
On constate, en passant, que beaucoup de chefs partis ont évité de se frotter aux urnes, préférant y envoyer des seconds couteaux et lorgner eux-mêmes les gigots ministériels. Une façon adroite de reconnaître que l’urne nourrit beaucoup moins bien que le décret présidentiel, n’est-ce pas ? Ils ne perdent rien pour attendre. En effet, Ladji Bourama n’a promis à personne la moindre miette de son gâteau. Son unique préoccupation ? L’honneur du Mali et le bonheur des Maliens ! Et quand il ne promet pas quelque chose, il ne le fait pas, inch Allah !
Avec une centaine d’élus, Ladji Bourama et ses alliés ne laissent à l’opposition que la part du mendiant. Du coup, il y aura beaucoup plus d’opposants dans la rue que dans l’hémicycle. D’où la nécessité de faire, au plus tôt, le plein de gaz lacrymogène car quand des opposants réduits au chômage se retrouvent dans la rue, la seule envie qui leur vient, c’est de faire des marches de protestation.
Tiékorobani