C’est un vaste sujet qui est devenu, ces dernières années, un chantier incontournable d’investigation des militants-es, des chercheurs-euses, des politiques, des citoyens-nes… Il est bien loin l’époque où certains pouvaient se permettre de moquer ou railler les premières militantes et/ou victimes qui avaient vu dans les réseaux sociaux un puissant allié de leur combat visant à briser le silence complice autour des violences sexuelles. Aujourd’hui, la réalité a changé. En ces temps où les réseaux sociaux ont pris le pouvoir parfois même au détriment de la présomption d’innocence, les auteurs et complices de violences sexuelles sur les femmes préféreraient de loin être trainés dans les prétoires que d’être lynchés sur Instagram, Twitter, Facebook, etc. Car la condamnation, à tous points de vue infamante, se double d’un verdict irrémédiablement définitif rendu par la vox populi. Rien que pour le monde feutré du Septième art, de Charlie Chaplin à Harvey Weinstein, en passant par Mel Gibson, Steven Seagal ou Roman Polanski, une short-list répertorie 24 personnalités qui peuplent « la face cachée d’Hollywood » : https://bit.ly/39wU5Ls
Dans d’autres sphères éminemment macho comme le monde de la politique, l’administration et les entreprises, des mâles dominants voire des prédateurs sexuels sévissent impunément. Ils ne reculent devant rien pour assouvir leur libido bestiale qui tient de Priape, du Marquis de Sade ou de ces libertins dont la seule évocation du nom heurte notre décence.
En ce mois de mars qui commémore la Journée internationale des droits des femmes, de nombreuses enquêtes d’opinion, des études bien documentées et des articles de presse font le point de la réalité des violences contre les femmes. Ils font aussi le point des initiatives que les femmes elles-mêmes conduisent pour répondre à leurs agresseurs. On notera tout particulièrement leur engagement sur les réseaux sociaux avec l’utilisation de hashtags qui fédèrent leur colère, leurs coups de gueule, leur combat. Quelques-uns de ces hashtags https://bit.ly/3cBLmcN que nous passons en revue, émergent du lot :
#MonPostPartum : il a été lancé le 12 février 2020 par Illana Weizman, militante féministe franco-israélienne et doctorante en communication et sociologie sur son compte Instagram. Ce hashtag montre la réalité après en réaction au rejet d’une publicité pour des produits d’hygiène post-accouchement, par la chaîne ABC News et l’Académie des Oscars, jugée « trop crue ». Son combat : permettre à de nombreuses femmes d’exprimer comment elles ont vécu leur accouchement et les difficultés qu’elles ont rencontrées par la suite.
#JaiÉtéViolée : à l’origine, #JaiÉtéUnVioleur publié par le Youtubeur Demos Kratos le 18 décembre 2019. Quarante-huit heures seulement après, le hashtag devient viral en ayant été détourné en #JaiEtéViolée à l’initiative du compte « Mademoiselle Clitoris Érectile » qui raconte son propre traumatisme, ayant été violée « par un homme que j’aimais et qui en a profité ».
#UberCestOver : c’est l’histoire de Sonia, étudiante strasbourgeoise, qui a été agressée dans un Uber. Elle a publié ce hashtag sur Twitter pour dénoncer les agressions sexuelles dans les VTC. En décembre dernier, dans un rapport, Uber reconnaissait la réalité des agressions à caractère sexuel à bord de ses VTC aux États-Unis. Bilan en 2017 et 2018 : plus de 460 viols et près de 6 000 agressions sexuelles.
#5novembre16h47 : il a été lancé pour réclamer un salaire égal. À partir de 16h47, le 5 novembre 2019, les Françaises ont travaillé gratuitement jusqu’à la fin de l’année. À cause des inégalités salariales avec les hommes, elles arrêtent symboliquement d’être payées. En effet, en équivalent temps plein, les femmes touchent 18,5 % de moins que les hommes, selon l’Insee (2015).
#JeDisNonChef : il a été lancé dans le but de lutter contre le sexisme dans la restauration. Le compte Instagram « Je dis non chef », apparu en juillet 2019, révèle la réalité du sexisme dans la restauration par un recueil de récits de femmes en cuisine. Remarques et gestes déplacés, propos sexistes, agressions, viols… C’est un véritable « metoo de la restauration ».
#NousToutes : pour dénoncer les violences faites aux femmes. Plus généralement, le mouvement NousToutes tente de faire émerger la question des violences faites aux femmes dans l’espace public, par delà les frontières des réseaux sociaux. Le 24 novembre 2018, 600 femmes appellent à battre le pavé. « Après #MeToo, devenons #NousToutes », clamait une pétition. Sous cette bannière, des milliers de femmes ont défilé à Paris.
#MeToo : C’est probablement le hashtag fondateur qui a fait émerger des témoignages de femmes victimes. À la suite de l’affaire Harvey Weinstein, le producteur américain récemment reconnu coupable de viol et agression sexuelle, l’actrice Alyssa Milano relance le hashtag #MeToo par un tweet. Ce 15 octobre 2017, elle suggère à toutes les victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle de répondre “me too” en commentaire. Résultat à ce jour : 63 400 commentaires sous son tweet, dont ceux d’actrices hollywoodiennes.
À l’origine, le mouvement Me Too a été créé dix ans plus tôt par la militante féministe, Tarana Burke, travailleuse sociale de Harlem. Le mot d’ordre libère la parole des victimes d’agressions et de harcèlement sexuel, en particulier dans le cinéma et plus largement dans le milieu professionnel.
#BalanceTonPorc : c’est le pendant français de #MeToo. Dans le cinéma français, les affaires ont eu du mal à sortir, jusqu’à ce que s’élève la voix d’Adèle Haenel. Mais au moment où le #MeToo bousculait Hollywood, un hashtag est tout de même apparu sur les réseaux francophones : #BalanceTonPorc qui appelait lui aussi à briser l’omerta sur le sexisme quotidien et les agressions sexuelles. Il a été tweeté pour la première fois par la journaliste Sandra Muller, qui appelait les victimes à accuser nommément leur agresseur, en octobre 2017.
#ManSpreading : il dénonce une pratique masculine répandue dans les transports publics qui consiste à écarter les jambes, laissant peu de place aux voisines. Le collectif féministe espagnol Mujeres en lucha (“Femmes en lutte”), a initié le mouvement en juin 2017, accompagné d’une pétition. Hashtag “#MadridSinManspreading” à l’appui, il réclamait des panneaux “anti-manspreading” à la municipalité madrilène.
Le hashtag aboutit même à une loi interdisant cette pratique à Madrid, avant de s’exporter dans le monde entier.
Le #BlackHairChallenge : Lancé fin mai 2017 par des femmes afro-américaines, le #BlackHairChallenge vise à libérer sa chevelure. Sur Twitter, des internautes postent des photos d’elles avec des tresses, des extensions ou une coupe afro pour montrer leur indépendance vis-à-vis du diktat capillaire, qui invisibilise et dénigre leurs cheveux crépus ou frisés. #BlackHairChallenge est une ode à la beauté naturelle, mais aussi un appel à oser toutes les folies capillaires. #LesPrincessesOntDesPoils pour décomplexer la pilosité féminine
Le hashtag est né en juillet 2016, à l’initiative d’Adèle Labo, lycéenne de 16 ans qui étudie en Belgique. Moquée en primaire et au collège pour sa pilosité, traitée de “gorille”, elle tente ainsi de faire évoluer les mentalités sur les poils féminins. Malgré les réactions négatives de certains internautes, des femmes s’affichent poilues pour montrer qu’on peut se passer de l’épilation (et de sa douleur !) et du rasoir, sans honte.
Serge de MERIDIO
Inf@sept