L’inédite cérémonie organisée hier pour décorer 208 militaires maliens ainsi que le contingent tchadien tombés sur le front du Nord a suscité beaucoup, beaucoup d’émotion. Emotion quand s’égrenait le nom de ces soldats qui étaient Bambara, Malinké, Senoufo, Bwa, Soninké, Peul, Sonrai, Touareg, Arabes.
Bref les ethnies du Mali et les visages du Mali réel et divers auquel ils ont donné leur vie. Emotion également quand les sept veuves représentant ces héros désormais sortis de l’anonymat reçurent des mains du Chef de l’Etat et au nom de la République la médaille délivrée à leurs maris à titre posthume en même temps que les titres de lots à usage d’habitation. Emotion ensuite quand d’une inoubliable leçon de patriotisme la représentante des veuves, dédramatisant tout, dira que leurs maris ne sont pas morts tant que la République est là pour elles, comme elle le fut hier ! Emotion enfin quand le capitaine Aya Sanogo, instigateur de la cérémonie en tant que président du Comité de Suivi de la Réforme des Forces de défense et de Sécurité – encore une des structures aux sigles imprononçables qu’affectionne ce Capitaine- se mit au garde-à vous devant le Président par intérim et quand celui-ci le remercia pour l’idée du projet qui aura été un coup de maître. Et rien ne renforce autant ce constat que les propos des veuves elles-mêmes et des hommes du rang qui affichaient leur satisfaction vis-à-vis de la cérémonie. Un coup de maître parce que c’est la première grande action publique dudit Comité. Evidemment, certains continuent de voir en Sanogo l’auteur du putsch du 22 mars qui a révélé au monde que l’Etat malien n’était pas la muraille imprenable qu’on pensait. Evidemment le capitaine a posé au moins un acte – la déposition de Cheik Modibo Diarra – qui signifiait à l’époque qu’il conservait encore le pouvoir. Et jusque dans le carton d’invitation de la cérémonie d’hier, des chancelleries ont cru devoir déceler une incongruité, puisque c’est le Comité de Suivi qui invitait alors qu’il relève de la présidence. Pourtant le Capitaine Sanogo qui est d’une intelligence certaine doit avoir compris depuis le 12 janvier avec l’action internationale au Mali que la force des choses met Kati « à l’infinitif » et qu’il ne se conjuguerait qu’avec l’auxiliaire républicain incarné en l’occurrence par Dioncounda Traoré. Des couacs, il y en aura eu lors de cette cérémonie car si le président a invoqué l’action du Commandant Boiteux, les compatriotes de celui-ci décédés sur le front du Mali n’auront pas eu droit à une médaille malienne comme l’eurent les martyrs tchadiens de l’Adrar. Et puis, il faudra voir si le défi de l’exhaustivité a été relevé dans les statistiques du front. Toutefois, si problème il y a sur ce plan, il sera corrigé au fur et à mesure. Une grave carence de notre République vient d’être corrigée en faisant en sorte que nos soldats morts pour la patrie soient comptés, évoqués, décorés et que la République ait un moment de communion avec leurs veuves dont certaines, on l’a vu hier, sont allaitantes. Le complexe, il faut l’espérer est désormais vaincu. Plus de bilan escamoté, plus de soldat furtivement enterré. Mourir pour le Mali doit en valoir la peine. Dioncounda Traoré l’a même évoqué : un cimetière national où reposeraient les enfants méritants de la nation, civils ou militaires aiderait beaucoup à l’avènement de la méritocratie qu’il faut appeler de ses vœux. Le devoir de mémoire, si l’on en juge par la cérémonie du jeudi, est réglé. Reste à se pencher sur le devoir de mémoire pour les civils : ils sont nombreux à payer de leurs vies les guerres entre soldats et rebelles. Reconnaître, recenser, faire savoir et demander le pardon au nom de l’Etat aux familles des défunts ne diminue pas le Mali. Au contraire, cela le grandit. Mohamed Salia Sokona installé hier également avec ses commissaires examinera t-il la question ?
Adam Thiam
Source: Lerepublicainmali