Elle a fini par rendre certains narcissiques et d’autres tellement accrocs qu’ils ne pourraient plus concevoir leur existence sans se mirer chaque soir, à l’heure du 20 h, sur leur petit écran. Oui, il y en a qui n’arrivent plus à bosser sans la présence des caméras de la télévision nationale. Ils ont beau critiquer l’ORTM et son programme désordonné ou inexistant, ils ne peuvent se passer du reflet de leur image que la chaîne nationale distille à longueur de semaine. Plus ils sont vus à la télé, plus ils en demandent et moins la qualité des programmes est bonne.
Disons-le tout net, l’ORTM a encore beaucoup de chemin à faire pour donner satisfaction à ses millions de téléspectateurs. Tout est à faire ou à refaire afin qu’on puisse avoir des programmes attrayants, ponctuels et professionnels. La longueur du journal télévisé ? Oui M. le ministre de la Communication, les éditions de l’ORTM sont longues, ennuyeuses et vraiment très peu informatives. Mais la faute à qui ? Qui doit faire changer cela ? Qui assure la tutelle de ce service tellement stratégique et combien sollicité ? le porte-parole du gouvernement veut reformer la boîte nationale à images. C’est bien de vouloir améliorer ce qui ne marche pas bien. Mais quel changement pour quelle chaîne de télé ? Lorsque celui qui veut réformer exige que ses interviews soient diffusées en intégralité dans le journal ou les interventions des présidents des institutions de la République, ne contribue-t-il pas à enfoncer le service avec des éditions encore plus longues ?
Lorsqu’il affirme que le président de la République a fait un long discours lors d’une cérémonie et que le reporter du jour a fait un traitement en« charcutant » le message politique de cette intervention, on est dans la cacophonie.
Chaque intervention du président de la République est avant tout politique. Il revient alors au journaliste qui couvre l’événement de choisir les extraits forts à utiliser dans son reportage qui ne doit pas dépasser les 2 minutes 30 secondes. Mais lorsque le ministre de la Communication impose désormais aux journalistes des médias d’Etat de travailler sous le contrôle des chargés de communication pour le choix des extraits de discours, je dis bien qu’il entend désormais confiner les agents du service public dans un rôle de propagandistes du gouvernement. Un journaliste est formé pour faire la collecte et le traitement de l’information.
Il est donc outillé pour savoir ce qui est important à prendre ou non dans un discours politique. Le réduire dans un rôle de perroquet répétiteur, c’est le démotiver et le pousser au laisser-aller. Ce qui est encore plus contreproductif pour bâtir une chaîne crédible et performante. Les reportages institutionnels dominent les sujets diffusés par l’ORTM et représentent souvent 70 à 80 % des reportages du JT. Et pendant ce temps-là, on met sous silence les infos pouvant intéresser le public. Le même ministre s’était aussi plaint du manque de débats politiques sur la chaîne nationale.
On se demande qui bloque ces débats contradictoires à l’ORTM. Les créneaux ne manquent pas, mais c’est certainement les « instructions silencieuses » qui empêchent l’organisation de ce genre de tribunes. Le ministre n’a donc qu’à instruire leur tenue régulière. En ce moment, si ses instructions ne sont pas suivies, il pourrait alors sévir et on saura que la volonté politique est bien au rendez-vous. Sinon critiquer sans créer les conditions, c’est comme chercher à se donner bonne conscience en chargeant des agents qui ne savent plus à quelle consigne se fier.
Pour faire court M. le ministre, si vous voulez que l’ORTM soit une véritable télévision publique au service de tous, laissez-le simplement faire son travail ! Dégagez les moyens nécessaires et arrêtez avec les instructions et les intrusions intempestives qui ne font que traumatiser un personnel déjà à bout de souffle !
Retenez que ce n’est surtout pas la longueur qui fait la qualité d’un sujet et qui permet au message d’être compris ! Bien au contraire, à force de voir les dirigeants tous les soirs dans des discours longuets, cela finit toujours par provoquer l’effet « boomerang », c’est-à-dire un rejet. S’il fait bon de se voir à la télé, il ne faudrait pas non plus oublier qu’elle n’en demeure pas moins un miroir aux alouettes, autrement dit ce type de piège qu’utilisaient autrefois les chasseurs pour attirer certains oiseaux, dont les alouettes.
Maliden