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Choguel sur la réforme administrative: ‘‘c’est un projet conçu à l’extérieur pour déstabiliser le Mali’’

Malmené par la crise protéiforme qui assaille le pays, la réforme administrative mise en chantier par le régime est perçue par certaines sensibilités politiques comme un dérivatif potentiellement déstabilisateur pour le pays, pour satisfaire les désidératas des Mouvements armés. Le Mouvement patriotique pour le Renouveau (MPR) est de ceux-là. Quelles sont les raisons du rejet de cette réforme qui a profondément divisé la classe politique en 2018 ?

Jamais avare en mise en scène pompière, sans qu’on ne puisse non plus s’attendre à ce qu’il débride son imagination pour vous proposer un concept novateur, le régime réduit la voilure de ses ambitions, à défaut de les abandonner, pour se résoudre à faire du neuf avec du vieux, notamment pour ce qui est de la réforme administrative donnant lieu à des Concertations régionales.

Le MPR, par la voie de son Président, le Dr Choguel Kokalla MAIGA, fait preuve de constance dans sa position sur ce sujet. Les raisons de son rejet reposent sur un certain nombre de considérations, au nombre desquelles il y a l’opportunité et l’absence de pertinence de cette réforme. Pour le Dr Choguel MAIGA : « ce découpage n’est ni opportun ni pertinent. Il est dangereux pour la stabilité du Mali. C’est uniquement la volonté des Mouvements armés et de puissances extérieures qui ont un agenda de diviser le Mali ».

L’écran de fumée

Pour ce Parti, le redécoupage administratif qui n’est ni opportun ni pertinent ne s’inscrit pas non plus dans l’ordre des priorités du peuple malien. Le Dr Choguel Kokalla MAIGA, dans une interview à M7.TV, livre sa hiérarchie des priorités qui devrait prévaloir au niveau des autorités du pays : « aujourd’hui, le Mali a d’autres problèmes. On a une crise sécuritaire qui n’est pas résolue, parce que l’État malien n’existe pas au Nord. Aujourd’hui, le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de la Défense, ne peuvent pas aller à Kidal s’ils ne paient pas une rançon. Le Président de la République est allé faire la campagne là-bas. Il a payé une rançon pour être autorisé à arriver à Kidal et passer la nuit.

Le Premier ministre est allé là-bas, il a payé une rançon pour être autorisé à faire 2 heures dans la ville de Kidal.

Il faut d’abord restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national. Vous avez une crise politique qui n’est pas résolue. Il y a une partie de la classe politique qui conteste l’élection du Président de la République qui dit que pour aller de l’avant, il faut qu’on s’assoie pour discuter des réformes importantes qu’il faut pour que ce qui s’est produit à l’élection présidentielle ne se reproduise plus.

Vous avez une crise économique et financière. Personne n’est aujourd’hui dupe. Dans quelques mois, le pays va être sur cale sur le plan économique et financier. Les bailleurs de fonds n’investiront pas, parce que c’est un pays instable, un pays où le président est contesté par plus de ¾ de sa population.

Vous avez une crise sociale. Vous avez plus de 40 préavis de grève qui se préparent. Au lieu de s’occuper de toutes ces choses-là, paf, on fait la diversion, on allume un feu quelque part, concertations régionales, pour détourner l’attention de l’opinion au lieu de s’attaquer aux problèmes ».

Le rafistolage

La recette de la création de régions et de cercles a été éprouvée sans que cela donne meilleur goût à la sauve. Le MPR soutient à cet effet : « si c’est la rébellion, on a fait des découpages depuis 92, on a créé la région de Kidal qui ne compte que 50 000 personnes, on a fait 4 cercles, avec 4 députés ; alors que dans la loi c’est chaque 60 000 personnes qui donnent droit à un député. La même loi dit évidemment que chaque cercle a droit à un député même si sa population ne vaut pas 60 000 personnes.

Kidal a 4 députés. On a créé Taoudénit, on a créé Ménaka, ça n’a absolument rien résolu. Donc, le découpage n’est pas une solution à la rébellion ».

La manipulation

Très peu tendre avec le Premier ministre, le MPR oppose à sa justification de la réforme administrative, à savoir rapprocher l’Administration des administrés, son talent de manipulateur : « vous savez, le Premier ministre est un journaliste. Donc, il passe son temps à faire de la communication. Il ne résout pas les problèmes. Mais il n’y a pas de problème de rapprochement de l’administration des administrés. Ce problème ne se pose pas aujourd’hui. Quand on veut rattacher Bla à San, à Tominian qui est à plus de 150 km, en le détachant de Ségou qui est à 90 km, quel problème on résout ? On ne résout absolument rien du tout. C’est de la communication et puis, honnêtement, je trouve qu’il faut que les autorités apprennent à dire le langage de la vérité aux Maliens. Ça ne sert à rien de continuer à prendre les Maliens comme des enfants, les tromper en disant, oui, c’est pour rapprocher l’administration des administrés au motif qu’au Nord il y a des localités qui se retrouvent à 200 km. Mais s’il n’y a pas de population, c’est normal qu’ils se retrouvent… Donc, chaque chef de tribu au motif qu’il est loin va créer un cercle. Il n’y a pas de population, il n’y a pas d’activité économique, cette administration va administrer quoi ? Le seul objectif, c’est que ces chefs de tribu, ces chefs de fraction vont se faire élire en bourrant des urnes pour une population qui n’existe même pas. Quand vous prenez Inkalil, c’est un point de regroupement de gens qui cherchent à aller dans l’immigration clandestine. (…) Il n’y a personne. On va trouver un narcotrafiquant ou trafiquant d’hommes qui va dire qu’il est le maire là-bas. Il va venir siéger dans nos institutions avec le drapeau du Mali ».

La cachotterie

La manipulation et la cachotterie font partie des griefs du Dr Choguel Kokalla MAIGA : « «est-ce que vous avez déjà vu un projet de loi aussi important qui n’a été discuté au niveau d’aucune structure de l’État ? Les collaborateurs du ministre n’ont pas vu le papier, aucun cadre malien n’a participé à l’élaboration de ce papier. On ne sait pas où ça été fait, on introduit en imprimerie, on sort les fascicules et on commence à faire le battage pour réunir les Maliens. On nous dit d’aller nous réunir avec des préfets, des sous-préfets, des gouverneurs, des représentants des mouvements armés, des chefs de village, des notabilités qui sont tous sélectionnés et envoyés par le Gouvernement. Ça sert à quoi de participer à ça ? » Ce qui conforte, le MPR dans son opinion de la réforme administrative : « c’est un projet conçu à l’extérieur pour déstabiliser le Mali ».

Le péril pour le pays

« Nous (…) n’allons jamais cautionner cette façon de faire, parce qu’en réalité ils sont en train de tromper le peuple malien. Qu’est-ce qui va se passer ? On va se réveiller un jour avec un pays divisé comme en 2012. On a passé le temps, à applaudir président démocratiquement élu, le soldat de la démocratie, le Mali, c’est un exemple, pif, on s’est réveillé un jour notre pays est divisé. C’est ce qu’il faut craindre ».

«(…) Ce découpage en définitive, s’il est réalisé, sa finalité, c’est déstabiliser l’État malien ; c’est de mettre sur la table le processus de partition du Mali, parce qu’il crée une situation artificielle où on va opposer les communautés au Nord qui n’ont rien demandé à personne ».

« Si ces concertations ont lieu, si ce qui en sort est transformé en loi, ça va aboutir à la situation suivante : une minorité démographique va se retrouver majoritaire dans les institutions. C’est à peu près 40 et quelques députés qu’il y aura au Nord si ce découpage est réalisé. Vous allez avoir 30 et quelques députés qui viendront de la minorité démographique. Ce qui va créer forcément des tensions entre les communautés.

Ensuite, vous aurez sur l’ensemble des élus, les conseillers communaux, les présidents des conseils de cercle, les présidents des conseils de région, quand vous faites le point, la majorité va venir encore de la minorité démographique. Ce qui fait que demain, dans quelques années, dans un an, dans deux ans, il leur sera loisible de se réunir et dire qu’ils ont voté démocratiquement l’autonomie des régions du Nord ».

« Ceux qui ont été élus démocratiquement par les populations, on les laisse de côté. Dans le bureau du ministre, on désigne des rebelles qu’on investit du pouvoir de gérer les régions du Nord. C’est pour cela que nous avons dit que cette réforme est dangereuse pour notre pays », a dénoncé l’ancien ministre.

Pour le Président du MPR, c’est clair : « on ne fait pas des réformes là où l’État n’existe pas ». Aussi, a-t-il le sentiment que tout ce qui est en train d’être fait par le régime lui semble contraire aux intérêts supérieurs de notre pays. Autant de raisons pour lesquelles, il ne donne pas sa caution à la démarche en cours.

PAR BERTIN DAKOUO

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