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Choguel – Ouane : Les héritiers de la crise

Aujourd’hui, l’état d’esprit général des Maliens consiste à attendre des résultats concrets pour la sécurisation du pays, même si l’exécutif actuel n’est ni mieux ni moins bien que ses prédécesseurs. 

Le big bang sécuritaire

En 2019, le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, IBK, a lancé le Dialogue national inclusif (DNI), un débat public, qui a rencontré un large écho au sujet de la création d’un organe unique de gestion des élections. Le DNI a aussi recommandé à l’exécutif de « négocier » avec Iyad Ag Ghaly du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et Amadou Kouffa de la Katiba Macina. Mais la France et le Mali s’opposent sur les interlocuteurs avec qui négocier, d’autant que pour la France Ag Ghaly et Kouffa sont des terroristes. Résultat des courses : cette négociation n’aura jamais lieu. Le big bang sécuritaire continue ses ravages. La déception des Maliens est grande.

Ouane rêvait de sécuriser le Mali 

En 2020, patatras ! Les contestations populaires du M5-RFP fragilisent le régime d’IBK, achevé par le putsch du 18 août 2020 du Colonel Assimi Goïta, membre du Conseil national pour le salut du peuple, CNSP. Désormais, un pouvoir de transition, conduit par Bah N’Daw (Président), Assimi Goïta (Vice-président) et Moctar Ouane (Premier ministre) dirige le Mali. En février 2021, devant le Conseil national de transition, faisant office d’Assemblée nationale, Moctar Ouane mettait l’accent sur « … le renforcement des capacités opérationnelles des FAMas à travers l’augmentation des effectifs… ; l’acquisition de matériels et d’équipements militaires; le renforcement des capacités de renseignement des forces ; le renforcement des liens de coopération avec les pays limitrophes dans le cadre de la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme, etc. », extrait du plan d’action du gouvernement Ouane. Mais ce panier sécuritaire ne servira jamais à restaurer la sécurité.

Mai 2021, badaboum ! Moctar Ouane et son Président, Bah N’Daw, sont remerciés par le Vice-président Assimi Goïta, devenu par la suite Président de la transition. Ce qui est sûr, le rêve de Moctar Ouane, de sécuriser le Mali, s’estompe là.

Des idéaux nobles, mais une histoire violente

Le successeur de Moctar Ouane, l’actuel Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, est confronté au même défi sécuritaire : « … les actions prioritaires vont concourir à renforcer les effectifs de Défense et de Sécurité, de moderniser leurs équipements et infrastructures et d’améliorer le parcours du recrutement, en passant par la formation, l’entraînement et l’aguerrissement », extrait du Plan d’Action du Gouvernement (Pag) du Premier ministre actuel. Plus d’effectifs, plus d’équipements signifient logiquement un caractère impersonnel de la gestion de la crise sécuritaire. Donc plus d’objectivité et de temps pour sortir le Mali des griffes narcoterroristes, et construire des vrais projets de développement. Mais au Mali, les idéaux sont souvent nobles, pourtant l’histoire est violente. L’exécutif actuel aura-t-il le temps d’incarner ce changement ?

Maïga, la figure du cowboy

Une chose est sûre, l’actuel et l’ancien Premier ministre sont différents, même s’ils font face aux mêmes défis : abus, corruption, criminalité, népotisme, humiliations, impunité, insécurité, terrorisme, violence, etc. En attendant de relever ces défis, chez Choguel Kokalla Maïga (63 ans), émerge une figure politique, celle du cowboy, et disparaît la figure de l’idéologue. Alors que Moctar Ouane (65 ans) n’a pas su trouver l’équilibre entre l’image du diplomate et celle du politique. Par exemple, faute de tact politique, Moctar Ouane et Bah N’Daw, ancien Président de la Transition, ont été mis à l’écart par Assimi Goïta. Leur éviction serait liée à la non reconduite de Sadio Camara et Modibo Koné dans le gouvernement II de Moctar Ouane au même poste qu’ils occupaient dans le précédent gouvernement. Or, Camara et Koné sont des membres influents du CNSP. Donc, toute tentative de mécontenter Camara et Koné peut s’avérer contreproductive. La suite : Bah N’Daw et Moctar Ouane en ont payé plein pot.

Ne pas étouffer sous le poids du passé 

Par ailleurs, le lien entre Choguel Kokalla Maïga et Moctar Ouane, au-delà de leur optimisme et leur amour pour le Mali : ce sont des héritiers. Choguel Kokalla Maïga, défenseur du régime UDPM du Général Moussa Traoré, a été ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication, porte-parole du gouvernement sous IBK, et ministre de l’Industrie et du Commerce sous Amadou Toumani Touré, ATT. Quant à Moctar Ouane, il a aussi été sous ATT ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Donc, avant d’être nommés Premier ministre, Maïga et Ouane ont tous administré le Mali par leur participation aux gouvernements successifs, il y a quasiment vingt ans. Un des effets de cet héritage, c’est d’être saisis, symboliquement, par son passé. Et on le sait, Moctar Ouane en a payé cash. Hélas ! A Choguel Kokalla Maïga de ne pas étouffer sous le poids du passé. Pour ce faire, sa volonté de « redresser » le Mali passera inexorablement par la résolution de la question de Kidal. Travailler au retour de Kidal dans le giron malien, c’est poser des actes concrets pour le retour effectif des services sociaux de base et l’administration. Ce serait un acte politique majeur. N’est-il pas temps de réconcilier les Maliens ?

Grenouiller ne suffit plus

Ni les flirts avec les faucons, ni les partisans d’une politique d’austérité, ni les conseillers pour un virage clanique (au sens politique du terme), ni les théoriciens désincarnés ne libéreront le Mali de l’insécurité. Et grenouiller d’un réseau social à un autre, d’un numéro téléphonique à un autre, d’un grin à un autre, d’un parti politique à un autre ne suffit plus. Mais c’est simple, il faut travailler : plus de pragmatisme (des actes) et moins d’idéologie. Le Mali se reconstruira par l’exemplarité. C’est tout. Et l’action de Choguel Kokalla Maïga sera mesurée à la hauteur de sa capacité à innover, son autorité et à son humanité. Plus son plan d’action est maîtrisé et produit des résultats, plus le sentiment de reconnaissance des Maliens envers lui croit. Mais si par erreur, les quatre axes de son plan d’action s’avèrent irréalistes et irréalisables, le peu de confiance entre lui et le peuple peut sauter.

Pour soutenir l’avenir du Mali, il est important de répondre à ces questions :

Comment moderniser le système administratif et politique ?

Comment avoir une gestion souple de l’Etat ?

Comment s’émanciper de la mauvaise gouvernance ?

Mohamed Amara

(Sociologue)

Source : Mali Tribune

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