C’est au demeurant à cette dernière, au grand complet à l’hémicycle des Nations Unies, que le Premier malien en a réservé la primeur. Choguel Kokalla Maïga a courageusement proclamé la rupture d’avec l’armée française à la même place où son intervention au Mali avait pris forme, en prenant à témoin les intervenants multilatéraux dans la crise malienne sur la décision unilatérale de l’Hexagone de renoncer partiellement à son présence au Mali. De quoi justifier, aux yeux du Premier ministre malien, l’option des autorités de Transition d’envisager des solutions alternatives face aux équations de l’insécurité et du terrorisme au Mali. «La France a abandonné le Mali en plein vol», a-t-il affirmé, quelques jours seulement après un séjour de la ministre française à Bamako et presque concomitamment avec la présence du ministre des Affaires étrangères malien en Russie. Et comme pour conforter l’option du Mali de diversifier son partenariat sécuritaire, son homologue russe, Sergueï Lavrov anticipait déjà en confirmant la conclusion d’un deal avec une société privée de son pays.
Les rumeurs dissipées et les équivoques levées, l’heure est à présent aux interrogations et questionnements quant à la teneur de l’accord passé avec les nouveaux partenaires qualifiés de mercenaires ainsi qu’à ses éventuelles retentissements chez les partenaires traditionnels du Mali réfractaires à toute cohabitation avec une force privée sur les théâtres antiterroristes. C’est dire qu’une réponse négative s’annonce du côté de la Cedeao comme de l’Union européenne et de la France, qui est porteuse des résolutions des Nations Unis sur le Mali et dont l’intervention a permis de boucler la transition de 2012 par l’organisation d’élections générales en 2013.
La plupart desdits partenaires sont par ailleurs parties prenantes de l’Accord pour la paix et la réconciliation, dont l’application est désormais dans l’impasse. Pas seulement parce que le principal mouvement signataire, la CMA, juge l’intervention de Wagner incompatible avec les dispositions sécuritaires du document issu du processus d’Alger, mais également parce que ledit document est apparemment déjà perçu par ses principaux signataires comme un instrument rendu caduc par les difficultés de sa mise en œuvre. C’est ainsi que le gouvernement l’a unilatéralement opté pour une relecture de l’APR susceptible de ne point agréer les autres protagonistes, dans les rangs desquels des voix s’élèvent de plus en plus en faveur de sa remise en cause. Autant dire qu’un clivage avec la communauté internationale tiendrait lieu de coup de grâce et relancerait de plus belle le dialogue de sourds entre Bamako et la rébellion. Signe avant-coureur de l’impasse qui se dessine, le président de la Transition s’est adressé à la Nation, à l’occasion du 61 eme anniversaire de l’indépendance, sans la moindre allusion ni engagement quelconque dans le sens de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.
A KEÏTA