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CHOGUEL KOKALLA MAÏGA SUR LE DIVORCE MILITAIRE AVEC LA FRANCE : « Nous ne voulons plus d’injonctions… »

Sollicitées par une Transition en 2013, les forces françaises ont été sommées de quitter le territoire malien par une autre transition en 2022. Le duo Assimi-Choguel, en demandant le retrait des forces françaises du Mali, écrit une nouvelle page glorieuse de l’histoire du Mali. Dans une interview à bâtons rompus sur la télévision nationale (Ortm), le Premier ministre qui est l’artisan de ce combat de libération explique entre autres l’échec de l’intervention militaire française au Mali, la violation de l’accord de défense et de la coopération militaire par la France, les raisons de la rupture. Choguel n’a pas manqué de parler des sanctions illégales et illégitimes de la Cedeao, instrumentalisée par la France. Nous vous en proposons des extraits !      

ORTM : Merci de nous recevoir aujourd’hui pour parler d’un sujet d’actualité.  Il s’agit du retrait des forces Barkhane et Takuba du Mali. Après huit ans de coopération, les forces Barkhane et Takuba plient bagages. « Une décision unilatérale », précise le gouvernement  dans un communiqué. Qu’est-ce qu’il faut comprendre par ce retrait ?

Dr Choguel Kokalla Maïga : Je pense que comme notre gouvernement l’a dit plusieurs fois, quand on est partenaire, on doit se respecter. On doit, ensuite, garder un minimum de parallélisme des formes. On doit rester dans le cadre des accords qui nous lient. En un mot, on doit rester dans le cadre du droit. La politique de faits accomplis, de déclarations péremptoires, de décisions unilatérales ne convient plus à l’équipe dirigeante actuelle au Mali. Je le dis parce que quand vous remontez le cours des temps, les autorités françaises avaient justifié, en son temps, leur arrivée au Mali par une demande de l’État en appui aérien et en renseignements pour stopper l’avancée des terroristes vers le sud. Et les objectifs fixés, en son temps, énoncés par le président de la République Française étaient trois. Premier : arrêter l’avancée des terroristes, détruire le terrorisme. Deuxièmement : restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire nationale. Et enfin, faire appliquer les résolutions des Nations unies. Barkhane a évolué dans ces missions officiellement aussi. En 2016, l’opération serval s’est transformée en Barkhane avec aussi trois objectifs.  Cette fois-ci, contenir les mouvements terroristes, aider les armées nationales à monter en puissance et aider les populations. Quand vous faites le bilan, huit (8) ans après, le premier objectif : détruire le terrorisme. Il (le terrorisme) était résiduel en 2013, confiné au grand nord du pays. En 2021, le terrorisme a atteint le 80% du territoire. Le deuxième objectif : aider la montée en puissance des armées nationales. A la date d’aujourd’hui, il y a des parties du territoire qui échappent au contrôle de l’État malien. Les résolutions des Nations unies changent chaque année au point que cette année, notre gouvernement s’est opposé à une résolution écrite préparée et présentée au conseil de sécurité à notre insu. Vous tirez, vous-mêmes, les conclusions par rapport aux objectifs. A la date d’aujourd’hui, effectivement des chefs terroristes ont été éliminés. Mais le terrorisme n’est pas contenu. La preuve : ça métastasé, ça atteint 80% de notre territoire, c’est allé au-delà, ç’a atteint les autres pays, maintenant on parle des pays du golfe. Nous avons assisté, jusqu’à une date récente, aux tueries massives des populations, de nos soldats qui sont enterrés par dizaines dans des fosses communes. Jugez, vous-mêmes, les résultats. L’aide aux populations. Effectivement, Barkhane fait un certain nombre d’actions sociales, mais tout le monde sait que ce n’est pas la vocation d’une armée. Mais si vous faites globalement le bilan, je crois qu’il ne faut pas avoir honte de dire le mot échec. C’est un échec stratégique, c’est un échec politique, c’est un échec tout court.  Maintenant, il faut tirer les leçons de ces échecs.  C’est tout ce que nous demandons.  Et on devait nous asseoir pour tirer les leçons ensemble. Au lieu de cela, c’est dans les médias que nous apprenons, le 3 juin, suspension des opérations militaires, 10 juin, suspension des opérations militaires avec nos forces armées et de sécurité et l’autre jour, le 17 février, c’est par point de presse que nous apprenons que ces opérations s’arrêtent. Tirez, vous-mêmes, les leçons. Donc qu’on ne déforme pas la vérité.

Tableau sombre, vous présentez aujourd’hui sur cette coopération Mali-France. Pourtant, la France soutient qu’elle a été applaudie ici. Les Maliens ont applaudi l’arrivée de la France en 2013 avec l’opération Serval. Que se serait-il passé si la France n’était pas venue en 2013 ?

Je dois rendre hommage à la mémoire des soldats français, étrangers (je ne sais pas pourquoi on ne parle que des Français ; il y a beaucoup d’Africains qui sont morts au Mali), des soldats maliens et aux milliers de civils maliens qui ont été tués pendant que nous avons toutes ces forces au Mali. Je crois que dans la communication politique des dirigeants français, ils commettent une grosse erreur. Quand des soldats français meurent ici, vous écoutez bien dans les discours ‘’ils sont morts pour la France ‘’.  Ils n’ont jamais dit qu’ils sont pour le Mali. C’est dans le discours qu’ils le disent quand ils veulent s’attaquer au Mali. Nous, nous pensons qu’ils sont morts pour la France, pour le Mali, pour la paix. Nous les respectons.

Quand on applaudissait le président français en 2013, personne n’avait imaginé que la France allait mettre l’obstacle à son engagement d’aider l’État malien à recouvrir son territoire. Cet engagement a été respecté à Gao, à Konna, à Tombouctou. Arrivée à une partie du nord du Mali, c’est la France qui a empêché l’État malien à recouvrir l’intégrité de son territoire. C’est connu, c’est documenté, tout le monde le sait. Nous respectons les soldats français qui sont morts, mais ils (les dirigeants français) ne disent jamais à leurs populations que c’est en s’opposant au recouvrement de l’intégrité du territoire malien que les autorités françaises ont créé une enclave dans le nord du Mali où les terroristes ont été s’organiser pour revenir à la charge à partir de fin 2014, début 2015. Ils (les dirigeants français) ne disent pas cela à leurs populations. Ils ne disent pas ce qui s’est passé à Kidal pour que les journalistes soient enlevés et jusqu’à aujourd’hui, on ne sait pas les raisons. Pourquoi ne lèvent-ils pas le secret-défense, pour les Français, les circonstances de la mort de leurs journalistes ? Je pense qu’ils ne doivent pas jouer sur les sentiments. Je suis très gêné d’entendre les français qui se plaignent que leurs enfants sont morts, les Maliens apparaissent comme des ingrats. Nous ne sommes pas un peuple d’ingrats, nous sommes un peuple de mémoire, de résilience et de résistance. J’ai souvent l’habitude de rappeler que des Maliens sont morts pour la France aussi. Hollande l’a dit ici. Nous donnons le nom de Damien Boiteux, de François Hollande, d’autres à nos enfants. Je ne suis pas sûr qu’un d’entre les dirigeants français connaisse le nom d’un seul soldat malien mort pour la liberté de la France. Nous n’en faisons pas un problème. Nous disons de faire attention. Le fait de vouloir donner des leçons de morale aux autres, on est pris dans son propre piège. Quand la France a été occupée, c’est l’Afrique qui a servi de pays de repli pour reconquérir la souveraineté de la France. Les Américains ont libéré la France. Quand, à un moment donné, les Français ont estimé qu’ils n’avaient plus besoin d’eux, ils leur ont dit de partir. Est-ce qu’ils ont insulté les gens ? Donc je pense qu’il faut que les dirigeants français changent, comme le disait un chef d’État récemment, de logiciels, de façon de voir l’Afrique, de façon de voir les Africains. Les dirigeants qui sont à la tête du Mali, aujourd’hui, ne sont pas commodes. Je pense que tout se justifie par cela, parce qu’avant la rectification de la trajectoire de la transition, le même président français disait que le pouvoir en place (qui était issu aussi d’un coup d’État comme il le dit) a eu plus de résultat en trois mois que l’ancien pouvoir qu’ils ont soutenu du bout des bras jusqu’à sa chute, en sept ans. Et pourtant, c’est un pouvoir issu aussi de ce qu’ils appellent un coup d’État. Pour moi, il y a une rupture de l’ordre constitutionnel issu d’un soulèvement populaire qui a duré des mois avec des morts, des blessés. Le peuple avait des exigences. Et les officiers patriotes qui ont parachevé cette lutte, je refuse qu’on les traite d’une certaine façon méprisante parce qu’ils sont venus sauver notre pays au risque de leur vie, de la guerre civile et du désordre. Peut-être que c’est ce que certains voulaient. Et le 24 mai, la rectification n’aurait pas réussi, peut-être qu’il y aurait eu des affrontements entre nos militaires, d’autres auraient peut-être applaudi. Nous disons non. Les Maliens estiment qu’il faut les laisser décider de leur sort et de leur destin. Aujourd’hui, c’est le peuple malien qui peut apprécier la légitimité d’un gouvernement, et non pas d’autres, surtout avec des termes grossiers, l’injure à la bouche. On ne peut pas accepter cela.

Justement, à propos de cette légitimité, la France laisse entendre que ‘’les autorités actuelles veulent s’éterniser au pouvoir’’. L’une des raisons de leur départ. Quelles sont les causes profondes de cette rupture avec la France aujourd’hui, M. le Premier ministre ?

Les dirigeants français pensent que la communication peut remplacer la vérité. Je viens de vous rappeler que c’est les mêmes qui applaudissaient la première phase de la transition issue de coup d’État pourtant. C’est les mêmes qui soutenaient, à bout de bras, l’ancien régime pendant qu’on tirait sur la population, les gens tombaient par dizaine. C’est les mêmes qui ont couvert des grands actes de corruption, ils le savaient. Est-ce que la démocratie veut dire que chaque fois que ce qui se fait dans un pays plait aux autorités françaises, c’est bien, mais ce n’est pas bien quand ça ne leur plait pas ? La vérité, c’est que les nouvelles autorités, à l’issue de la rectification de la transition, ont décidé qu’on ne peut pas continuer à assister à la mort des Maliens par centaines, la destruction des villages entiers effacés de la carte pendant que nous avons près de 50 000 forces armées sur le terrain. Ces forces sont composées de l’armée malienne, Barkhane, Takuba, G5-Sahel, EUTM, EUCAP, Minusma. Un malade qui s’appelle le Mali et un docteur qui s’appelle la France, qui prescrit une ordonnance. Elle est censée le soigner parce qu’il a mal à une partie du corps. Il donne deux semaines pour le traitement. Mais six semaines après, la métastase a gangrené tout le corps. Le malade est donc obligé, tout au moins, de s’interroger.

Et le malade a décidé de changer de médecin ?

Le malade est arrivé à la conclusion que soit le docteur n’est pas bon, soit il a fait le mauvais diagnostic. Soit la prescription n’est pas bonne, soit la posologie n’est pas bonne. Il faut donc changer un de ces paramètres et nous avons décidé, tout en gardant nos partenaires, d’aller vers d’autres horizons pour diversifier nos partenariats afin de défendre les Maliens. Et ce d’autant plus que tous les efforts pour équiper notre armée n’ont pas donné de résultats depuis 12 ans. Nous n’avons pas de vecteur aérien. Les Maliens ont fait des sacrifices pour débloquer l’argent, pour acheter des hélicoptères de combat. Les autorités françaises savent comment l’argent a été détourné, où est ce que c’est déposé. On s’est retrouvé avec deux vieux hélicoptères à la place de six. Aujourd’hui, avec les autorités de la transition, nous avons acheté quatre (4) hélicoptères aux mêmes prix que deux (2) vieux hélicoptères qui n’ont marché que deux mois. Nous avons acheté six avions. On n’en a eu que quatre (4) qui ne marchaient pas. On a acheté des avions de transport de troupes parce que nos soldats tombaient souvent dans des embuscades. Les opérations durent des heures, on ne peut pas les secourir. On achète l’avion de transport de troupe avec des Européens, on bloque ; on achète avec les Américains, on bloque. Qu’est-ce qu’on fait ? On va chez qui on ne peut pas bloquer.  C’est aussi simple que ça. Et notre partenaire à cause duquel il y a toute cette schizophrénie, est un partenaire historique. Depuis 1960, les premiers pas de l’armée malienne, les 80% de nos officiers ont été formés, les 80% de nos équipements  ont été achetés avec l’ex-Urss et la fédération de Russie. Qu’est-ce qu’il y a de plus normal que de coopérer avec ce pays ? On ne peut continuer de voir les Maliens mourir par dizaines, de voir les villages rayés de la carte et nous asseoir. Les anciens dirigeants faisaient ça, Assimi Goïta et son gouvernement ont dit non. Tous leurs problèmes sont venus de là. Tout le reste est du blabla. C’est au Mali seulement que les officiers patriotes qui ont parachevé la lutte du peuple le 18 août 2020 ont dit clairement qu’ils sont venus parachever la lutte du peuple. Ils n’ont pas dissout la constitution. Ils l’ont complété par une Charte issue des concertations. Nous avons décidé de faire ce qui est bon pour notre peuple, et non pas ce qu’on nous dit de faire. Tout notre tort est dans ça ; tout le reste, c’est la phraséologie. J’aurais bien voulu que ceux qui disent de faire les élections, aillent là où on tue les gens par centaines et parler d’élections. On ne peut pas faire d’élections là où il n’y a pas de sécurité. C’est tout ce que nous disons. Et aujourd’hui, depuis six mois qu’ on est en train de nous diaboliser, précisément ces trois derniers mois que nous sommes en train d’engranger des résultats spectaculaires plus importants que ce que nous avons obtenus pendant les trente (30) dernières années.

Par rapport à cette question de sécurité, on a remarqué tout de même la montée en puissance des FAMa sur le terrain, le renseignement s’est amélioré. Aujourd’hui, est-ce que le gouvernement peut rassurer les Maliens par rapport au départ de Barkhane et de Takuba ? Après ce départ, les Maliens peuvent-ils être rassurés, M. le Premier ministre ?

Dans la vie, même un enfant, il faut qu’il apprenne à se lever, tomber et se relever. Ce qui se passe, c’est qu’on n’a pas de résultats. Les autorités françaises refusent de reconnaître la réalité, nos africains refusent de reconnaître la réalité. Vous savez, il y a trois chefs d’État africains qui ont parlé ces derniers jours. Mon aîné, le président Ouattara, qui a été interviewé sur un autre sujet, sur le cacao. On lui a dit que les Européens s’apprêtent à refuser d’acheter le cacao qui viendrait de son pays. Il leur a dit que s’ils refusent d’acheter le cacao ivoirien, il y a d’autres acheteurs. Ils ne sont pas les seuls et ils n’ont pas à leur dire ce qu’ils doivent faire. C’est tout ce que nous avons dit. Sauf que cette fois-ci, c’est la vie au quotidien des Maliens. J’ai entendu le président Ghanéen suggérer que 12 mois de transition suffiraient. Ça lui coûtait quoi de parler de cela avec le président Goïta ? Est-ce que c’est à partir de la France qu’on va nous annoncer cela lors d’un point de presse ? J’ai entendu le président du Sénégal que je salue pour l’initiative qu’il a prise de s’impliquer personnellement pour résoudre cette crise parce que ça fait plus de torts aux Maliens. Ça fait aussi de torts aux populations de la Cedeao.

Ça voudrait dire de passage que vous allez venir sur table avec la Cedeao, dialoguer ?

Absolument. Pourquoi on ne peut pas tenir ces genres de discours ? Pourquoi on nous invective ? Pourquoi on nous insulte ? Pourquoi quand on envoie un calendrier, la Cedeao n’envoie pas une délégation pour dire qu’elle n’est pas d’accord ? Pourquoi ils (les dirigeants de la Cedeao) organisent des fuites ? Comment diaboliser le gouvernement en disant qu’il veut s’éterniser au pouvoir ? Mais celui qui vient au pouvoir dans ces conditions va être renversé quelques mois après. Je dis aux Africains d’arrêter d’aller dire en Europe ce qui est bien pour l’Afrique. Moi, je suis d’accord avec le président Ouattara : si les Européens refusent d’acheter le cacao ivoirien, les autres le feront. Mais c’est la même chose au Mali. Les Maliens meurent, les soldats meurent, on les enterre dans les fosses communes. On achète des avions de transport, on les bloque en Europe ; on les achète en Amérique, on les bloque. Pourtant l’argent est payé. On nous empêche d’acheter des équipements, même des lunettes de vision nocturnes. Mais on va chez celui contre lequel ils ne peuvent pas et qui est un ami historique. Il n’est pas seul d’ailleurs. Le Mali n’est pas isolé comme les gens le pensent. On a plusieurs partenaires, y compris sur le plan militaire. Mais comme ils font la fixation sur ça, nous parlons de cela. Cette histoire sur laquelle ils font la fixation, la première fois, les autorités françaises ont dit que c’était des rumeurs. Mais c’est la Cedeao qui a mis ça dans un document officiel. Pourtant, les dirigeants de la Cedeao pouvaient venir voir le président, discuter avec lui. Pourquoi c’est un président d’un autre pays qui réunit les Africains pour parler aux Africains. C’est ce que nous refusons, nous récusons.  Il faut respecter le peuple malien. Nous sommes un peuple réfractaire. C’est un peuple de résistants, de résilients.

Le Mali a une vocation africaine. Aucun dirigeant malien, sauf si on l’oblige, ne quittera la ligne des pères fondateurs. Tous les Présidents du Mali, toutes les constitutions, tous les régimes ont maintenu, nette, cela. C’est pourquoi, malgré les écarts de langage, nous avons toujours dit que ce qui se passe entre nous et la Cedeao est une brouille dans une famille. Nous, nous sommes convaincus que la force du Mali, c’est dans la Cedeao. La force des pays de la Cedeao, c’est avec le Mali. C’est ensemble que nous serons. Aujourd’hui, les populations maliennes souffrent, les populations sénégalaises souffrent, est-ce qu’on a besoin d’en arriver là ? Je voudrais saisir cette occasion, nous ne cesserons jamais de le dire, pour remercier nos frères guinéens, mauritaniens, algériens qui se sont mis de notre côté. Je remercie aussi d’autres pays africains dont je ne vais pas citer les noms pour des raisons de discrétion diplomatique. Ces pays ne sont pas dans cette hostilité vis-à-vis de nous, même si par solidarité, ils sont avec les autres pays de la Cedeao.  Je voudrais saluer l’Union africaine pour l’initiative heureuse qu’elle vient de prendre et dire à tous les pays africains qu’il faut parler avec nous, il faut respecter notre peuple. Quand vous respectez le Mali, vous obtiendrez tout de lui ; quand vous ne le respectez pas, vous n’obtiendrez rien de lui sous la menace avec l’arme sur la pointe. Ils (la Cedeao et l’Uemoa) ont fait un mauvais calcul, il y a des gens qui les ont renseignés, des services de renseignements, quelques personnalités que si l’embargo est pris le 09 janvier, le régime va chuter dans la semaine.

Les Français qui disent aujourd’hui qu’ils quittent, on leur a écrit depuis des mois pour dire : pourtant, tous les pays avec lesquels la France parle aujourd’hui, elle n’a pas d’accord bilatéral avec eux. C’est avec le Mali qu’elle a cet accord. Pourquoi donc violer les principes élémentaires de la logique, de la démocratie en prétendant que c’est pour installer un État de droit. Mais nous ne sommes pas d’accord avec ça. C’est tout ce que nous disons. Nous n’avons rien contre personne. Et je dis encore de façon solennelle : le peuple malien n’est pas anti-français. Le gouvernement malien n’est pas anti-français. Le peuple malien veut qu’on le respecte, veut qu’on respecte sa dignité, sa souveraineté. Que des hommes, parce qu’ils se trouvent dans des hautes fonctions, ne se mettent pas à injurier notre peuple. Pourquoi ils ne se posent pas la question : quel intérêt, nous on aurait à avoir une confrontation avec la France, notre premier partenaire historique. C’est avec la langue française qu’on communique avec le reste du monde. Après la Côte d’Ivoire, nous avons le plus gros contingent des Maliens de l’extérieur en France. Leurs poids dans notre économie est plus important que l’aide de la France. Des millions de Français aiment le Mali comme des Maliens aiment la France. Les dirigeants veulent créer des problèmes là où il n’y en a pas.

Il n’y a pas d’ambassadeur du Mali en France  depuis deux ans. Et pourquoi ?

C’est le Sénat français qui a décidé d’appeler les ambassadeurs des pays du G5-Sahel pour leur dire de décrire la situation. Notre ambassadeur, après avoir dit des bonnes choses sur l’armée française, a dit qu’il y a quelque chose sur laquelle il doit attirer leur attention. Il y a des éléments de l’armée française, notamment les légionnaires qui sont des mercenaires en réalité. (Y en a, à la fin de leur contrat, ils demandent à être employés dans des sociétés de gardiennage ici. Donc, ce sont des mercenaires).  Il a dit que leur comportement ne donne pas une bonne image de l’armée française souvent. Pour avoir dit cela au Sénat français, ils ont exigé son départ. Ils ont humilié notre État, ils ont humilié notre pays. Et les dirigeants l’ont accepté. On a envoyé un ministre des Affaires étrangères qui est allé demander pardon. On a renvoyé l’ambassadeur dans l’avion qui a amené le ministre et jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas d’ambassadeur. Pourtant, on leur a proposé. La classe politique française ne sait même pas ça. Nous avons encaissé. L’ambassadeur qui est parti, on lui a fait des mises en garde. On l’a convoqué au ministère des Affaires étrangères pour lui demander d’arrêter des activités qui ont tendance à diviser les Maliens. Mais lorsque vous vous mettez à injurier notre gouvernement, notre peuple, la moindre des choses est de dire à celui qui vous représente de se retirer pendant un certain temps. Les autorités françaises doivent chercher à comprendre pourquoi l’écrasante majorité des Maliens qui sont en France soutient l’actuel gouvernement. Nous ne voulons plus d’injonctions, nous ne voulons plus recevoir des ordres, sauf de notre peuple. Qu’ils (la France et ses alliés) viennent, qu’on discute. Toutes les portes sont ouvertes, à conditions que nous nous respections.

La question que le citoyen se pose aujourd’hui, M. le Premier ministre, quelle sera la suite réservée à tout cela ? Qu’est-ce qui va se passer ?

J’ai entendu le président français dire : qu’est ce qui se serait passé si l’opération Serval n’était pas intervenue. C’est l’histoire de la poule et de l’œuf. Est-ce que c’est la poule qui a mis l’œuf au monde ou la poule est venue de l’œuf. Mais la situation de 2013 ne serait pas intervenue si les autorités françaises n’avaient pas travaillé à détruire la Libye. Le Mali est situé à 800 kilomètres de la Libye. C’est de là-bas que les terroristes sont venus. Vous mettez le feu, on vous appelle pour l’éteindre, vous éteignez jusqu’à un niveau et vous laissez le feu couver. Et on crée une situation pour justifier la permanence de leur présence dans notre pays. On crée Takuba et invite les présidents, de façon désinvolte, pour le régulariser. Malgré tout, on s’est entendu sur les conditions de déploiement des forces dans le Takuba. On a dit que chaque fois qu’un pays est invité, il faut après qu’il ait un accord sur les conditions de déploiement de ses forces. C’est tout ce que nous avons demandé. Là encore, les autorités françaises ont cherché à induire en erreur des pays européens en leur disant qu’ils n’ont pas besoin de discuter avec le gouvernement malien. Et nous avons dit non. S’il y avait des gouvernements qui acceptaient cela, nous, nous ne pouvons pas l’accepter. Et les dirigeants français ameutent toute l’Europe pour diaboliser le gouvernement malien pour dire qu’on est contre l’Europe. On n’est pas contre l’Europe. L’Europe est le continent le plus proche de l’Afrique. C’est l’un de nos partenaires au développement le plus significatif. C’est en Europe qu’il y a eu le premier pays qui a reconnu le Mali, l’Allemagne auquel je rends hommage. Il continue à jouer son rôle dans le développement du Mali. L’Europe, c’est l’Italie qui, aujourd’hui, est dans les discussions avec nous pour les actions de développement. L’Europe, c’est l’Espagne avec lequel nous avons des relations qui montent au moyen âge, que nous allons mettre en exergue bientôt, où il y a des Maliens qui travaillent. Est-ce que nous allons nous mettre à dos avec tout ce monde-là ? Il y a seulement une stratégie de nous diaboliser, de nous isoler, l’objectif étant de renverser le régime de la transition pour le remplacer par un régime docile qui va accepter des injonctions, des humiliations. Nous ne l’accepterons pas.

Qu’est-ce que la transition fait à propos pour que le partenariat se maintienne avec toutes ces puissances ?

Le partenariat doit se maintenir sur la base du respect mutuel. La dignité des Maliens, la souveraineté des Maliens n’est pas négociable. Nous voulons d’un partenariat respectueux de chacun. Aujourd’hui, nous avons pris les dispositions pour sécuriser notre peuple. Je viens de vous le dire que depuis neuf (9) ans, le nombre de personnes en exil et de réfugiés ne fait qu’augmenter. Pour la première fois, depuis quelques semaines, 50 000 réfugiés sur les 350 000 sont retournés sur leur place. Ces dernières semaines, plus de 20 000 personnes sont en train de retourner chez elles. C’est quand même des signes encourageants et nous avons une stratégie de montée en puissance. Pourtant, ce sont les mêmes militaires. Qu’est-ce qui a changé ? C’est le leadership. Nous avons aujourd’hui un chef d’État qui sait d’où il vient, où il va. Il sait comment aller, il se donne les moyens d’y aller. Ces jeunes officiers, je le dis et je le répète sans aucune flagornerie, ont vécu la moitié de leur vie sur le théâtre des opérations. Y en a qui sont là-bas depuis 2002. Notre armée a subi toutes les trahisons, tous les coups bas, toutes les blessures, toutes les humiliations. Ces jeunes officiers l’ont vécu dans leur chair et dans leur âme. On ne peut pas les soupçonner de ne pas être des patriotes. Et donc quand ils choisissent un chemin, on l’explique aux Maliens. Il faut nous aider. S’il y a des insuffisances, on corrige. On ne veut plus recevoir d’ultimatum, arrêter un calendrier à l’extérieur et venir nous l’imposer, arrêter un calendrier et faire du chantage pour le faire accepter sachant qu’on ne peut pas le respecter. Ce que nous faisons aujourd’hui, nous l’avons adopté déjà. Le président qui est le chef de l’État, chef suprême des armées, qui a les cartes maitresses en main, va conduire notre peuple à le libérer du terrorisme. En tout cas la situation actuelle a commencé à s’inverser, elle va continuer à être inversée. Nous voulons que nos amis africains nous aident, parce que le Mali est une digue. Pourquoi ne pas venir coopérer avec nous, pour comprendre, pour qu’on tue cette hydre au lieu de chercher à nous étouffer au motif qu’il y a un régime, il y a de hommes qui ne plaisent pas à un président, à des présidents qui veulent avoir des hommes commodes même si les Maliens doivent continuer à mourir, pourvu qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Les Maliens ne veulent pas de ça et je crois qu’ils l’ont démontré le 14 janvier 2022.

Réalisée par l’ORTM, transcrire par B. Guindo

Les Titrailles sont de la Rédaction

Source: Le Démocrate

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