Aujourd’hui, au Mali, surtout à Bamako, le constat est amer : la chicha est consommée un peu partout. En plus des clubs de chicha qui poussent un peu partout, les jeunes filles et garçons en consomment à tous les coins de rue. Reportage.
- Traoré est un jeune habitant dans un quartier huppé de la capitale. A 20 ans, il est déjà un grand amateur de la chicha. Etudiant, il est difficile, voire impossible pour lui, de passer 24 heures sans prendre sa dose de chicha. Au grin ou dans un restaurant, il est obligé de fumer cette nouvelle cigarette importée des pays arabes. « Je fume de la chicha parce que j’aime beaucoup l’odeur de la fumée », dit-il, souriant, sans pourtant se soucier d’éventuels dangers auxquels il s’expose. « Une journée sans chicha, c’est impossible », ajoute-t-il.
Comme lui, beaucoup de jeunes de sa génération, surtout les filles, sont actuellement accros à cette fumée. Une tendance désormais ancrée dans le quotidien des jeunes Maliens. C’est le cas de ces jeunes, assis devant leurs portes en train de faire du thé et de fumer de la chicha. À tour de rôle, ils se passent le raccord et fument. Celui qui faisait du thé explique qu’il a commencé à consommer la chicha au début car c’était juste un passe-temps mais qu’à force d’en consommer régulièrement, il en est devenu accroc.
- K. est une jeune dame âgée d’une vingtaine d’années est une très grande consommatrice de chicha. Elle explique que le fait qu’elle soit accro à la chicha est assez inexplicable. En tant que fille, elle est consciente des risques qu’elle encourt concernant sa santé mais elle en est devenue tellement dépendante que même ces risques ne l’effrayaient pas. « Je ne peux pas passer deux jours entiers sans fumer de la chicha car c’est devenu un besoin que je dois absolument satisfaire chaque jour. La chicha fait partie de ma vie », ajout-elle. S. K. affirme qu’elle voudrait arrêter un jour, mais pas pour le moment car au jour d’aujourd’hui, elle lui est vitale.
Dans un bar à chicha, le gérant s’exprime sur la rentabilité de la chicha et à quel point cet endroit est fréquenté : « la chicha est devenue l’un des produits le plus commercialisé et qui marche le plus que ça soit dans les restaurants. Les boites surtout dans les chichas house qui eux sont spécialement conçus pour ça. Notre restaurant marche aujourd’hui plus que jamais grâce à la chicha. On ne pousse pas les jeunes à en consommer, mais nous ne pouvons pas les interdire non plus vu que l’état elle-même ne l’a pas fait surtout ça booste notre rentabilité. Même nous qui les commercialisons, nous en consommons. C’est devenu un passe-temps inévitable. »
De plus, il se prononce un peu sur les prix de la chicha dans ces différents clubs à chicha. Il explique que les prix varient en fonction des lieux mais les prix les plus courants sont entre 5000 F CFA et 6 500 F CFA (en fonction de l’arôme choisi car il y en a qui sont plus chers et plus consommer que d’autres).
Derrière le comptoir, des centaines de chichas nettoyées et arrangées en entendant une commande. Des jeunes assistent chacun autour une table en train de causer, de boire de la boisson, raccord à la main disposent tous d’au minimum une chicha à leurs tables. Ils ont l’air de savourer le moment sur de la bonne musique. De la fumée aromatisée sort de tous les côtés dans le restaurant au point qu’il est même difficile d’apercevoir le visage de la personne assise au fond du restaurant.
Mamadou Diaby, un ancien consommateur de cigarette des années 1970, explique qu’il se couchait avec son 4e paquet de cigarette la nuit tellement que sa consommation était excessive. « Mon odeur corporelle sentait plus la cigarette que le parfum », dit-il.
28 ans après l’avoir arrêté, les effets secondaires le rattrapent. Il est atteint de problèmes cardio pulmonaires aigus, de diabète, d’hémorroïde et il fait des allergies corporelles régulières liées à sa respiration. Il affirme que tout ceci est lié à l’accumulation des existants qu’il a eu à consommer dans sa jeunesse. « Je suis un revenant », ajoute-t-il.
Selon lui, cette consommation nouvelle de stimulants est motivée par le paraître devant la gent féminine et par le désir d’exhibition devant leurs semblables. De plus, il explique que derrière tout ça, il n’y a qu’une seule finalité : se déglinguer physiquement, mentalement tout en détruisant leurs santés et surtout qu’il en était l’exemple frappante.
Dr. Doumbia Mamadou, un médecin généraliste et médecin chef du Centre de santé communautaire de Bozola communément appelé Abosac, se prononce sur les conséquences que peut avoir la consommation de la chicha sur la santé des personnes qui en sont amatrices : « Le premier problème qu’on peut rencontrer avec la chicha c’est que la fumée qui se dégage est une fumée cancérigène. Elle peut entraîner ce qu’on appelle la BPCO (broncho chloroplastique chronique obstructive). C’est des pathologies qui entraînent des obstructions au niveau des poumons et la finalité peut être les toux chroniques, les disséminés voire la mort. Cette fumée peut entraîner aussi ce qu’on appelle l’œdème aigus du poumon parce que c’est une fumée qui est chaude. Elles peuvent causer aussi des obstructions au niveau des bronches, l’altération des fonctions pulmonaires, des dégâts au niveau du cerveau mais aussi de l’estomac. En gros, ces fumées détruisent le corps humain. Que ça soit la chicha ou la cigarette, les deux ont le même degré de dangerosité car ils causent les mêmes dégâts sur la santé de l’homme parce que les deux sont aspirés par la bouche et c’est les poumons qui manipulent ces fumés donc ceci joue sur la respiration ».
Selon lui, pour avoir un aperçu sur les dégâts assez tôt ou non, cela dépend de la quantité consommée. Il prend exemple sur quelqu’un qui fume une mèche par jour, quelqu’un qui a fumé un paquet ou encore un asthmatique. Il explique que chez aucun de ces trois types de consommateurs, la vitesse de ravage n’est pas comparable car il y en a qui se s’aperçoivent plus vite que d’autres.
Il ajoute que ces maladies sont des pathologies incurables surtout quand ça atteint le niveau des cancers. Chose qui n’est curable qu’à son début si et seulement si l’intéressé arrête de fumer. « De toute les manières, le mieux c’est soit ne pas en consommer, soit si vous le faites d’arrêter à temps ou continuer et risquer sa santé pour un plaisir dispensable. Dans tous les cas, L’idéal c’est d’arrêter de fumer parce que même les fumeurs eux-mêmes te diront que rien que l’odeur de la cigarette est dérangeante. Surtout que ça c’est le minimum car ils ignorent qu’à l’intérieur les dégâts sont deux fois pires. Certes y a le phénomène de dépendance. Ce sont des produits qui sont liés à la dépendance d’où la présence de certaines substances qui favorisent celle-ci comme la nicotine, le goudron dans le cas de la cigarette », conclut-il.
Toutefois, force est de constater que cette consommation s’élargit de jour en jour et que les conséquences s’annoncent flagrantes chez ces jeunes appelés à être maîtres de ces terres dans les années à venir.
Assétou Traoré
(stagiaire)
Source: Mali Tribune