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Cet article a été publié en juin 2010. Il est d’actualité: Création d’un sénat au Mali : L’ADEMA s’était opposé à Alpha

C’est d’un revers de main que lors de la tentative de révision constitutionnelle de 2000, l’Assemblée nationale avait sèchement balayé la proposition de création d’un sénat au Mali. Pourtant ce n’était pas faute de soutien politique à ladite proposition, puisque celle-ci était parrainée au plus haut niveau par le Président Alpha Oumar KONARE.

Sur la question, le courant n’est manifestement pas passé entre le Président de la République et sa majorité au sein de l’Assemblée nationale.

A l’exception des États à structure fédérale et à orientation très marquée dans le sens de la régionalisation où le bicamérisme apparaît comme coulant de source, les secondes chambres que l’on a pris l’habitude de rajouter de toute pièce à des assemblées nationales existantes, ont toujours fait débat. Sous la forme de critiques parfois acerbes qui considèrent ces secondes chambres parlementaires comme des doublures coûteuses sans valeur ajoutée réelle, et à l’influence négligeable dans le processus de production législative et de contrôle de l’exécutif.

Le Mali n’aura pas fait exception en la matière. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la proposition de création d’un sénat soutenue par le Comité Daba va devoir se battre contre les arguments opposés qui avaient prévalu en 2000.

Le projet de Senat du président Alpha

Sur les nombreuses propositions d’amendements à la Constitution du 25 février 1992 issues des multiples concertations de la classe politique et la société civile à travers notamment le Forum politique national organisé en décembre 1998 et janvier 1999, il n’est pratiquement pas fait cas de l’institution d’un parlement bicaméral.

Preuve s’il en est que l’institution d’une seconde chambre au Mali dans le projet de révision constitutionnelle de 2000 participait davantage d’une volonté politique présidentielle exprimée d’en haut que d’un besoin réel ressentie d’en bas. Ainsi et conformément à ses prérogatives présidentielles en matière de révision constitutionnelle, c’est de Koulouba que la proposition de création du sénat a en quelque sorte parachuté en tant que volonté politique de KONARE. Aussi dans le projet de loi constitutionnelle déposé à l’Assemblée nationale, l’actuelle Haut Conseil des Collectivités avait-elle été transformée en seconde chambre du parlement sous le nom de sénat.

Dans ce sens, il n’est pas surprenant de constater que dans l’exposé des motifs soutenant ledit projet de loi constitutionnelle, l’argument mis en avant relativement au bicamérisme est beaucoup plus d’ordre politique que technique, le gouvernement se défendant notamment, au nom du Président Alpha, en faisant prévaloir des questions d’opportunité politique.

Histoire de souligner que le projet de sénat cher au président de la République était l’axe central du projet de révision constitutionnelle. Au surplus, l’initiative présidentielle sera défendue au nom d’autres arguments plus techniques cette fois, soulignant la différence non pas de degré, mais de nature entre les attributions actuelles du Haut Conseil des Collectivités et celles figurant dans le projet de loi constitutionnelle.

Il est vrai que le projet de réforme fait du Haut Conseil des Collectivités un véritable organe délibérant. En fait pour l’essentiel, le Comité Daba ne fait que reprendre à son compte ce projet de 2000 du Président Alpha. Ce projet dont finalement personne, en dehors bien sûr de quelques initiés au niveau des commissions de travail de l’Assemblée nationale, n’aura entendu parler. Et pour cause….

 Le niet des députés au président Alpha

Le projet de création de Sénat du Président Alpha n’est pas parvenu à franchir le seuil de la grande salle de plénière de l’Assemblée nationale. Comme un élève de classe d’examen, il aura lamentablement échoué à l’oral non seulement au niveau de la Commission des lois constitutionnelles saisie au fond, mais également au niveau de la quasi-totalité des autres commissions de travail de l’Assemblée nationale qui se sont opposés au sénat.

Parmi les nombreuses récriminations avancées par les députés lors des travaux en commissions, on retiendra pour faire court, l’alourdissement inutile de la procédure législative, la qualité des membres qui ne leur permet pas véritablement de jouer les missions d’une seconde chambre parlementaire, mais surtout le fait que le nouveau statut proposé ne permet pas à l’institution de se consacrer efficacement à la décentralisation.

Face à cette hostilité des députés, tous les contre-arguments développés par le gouvernement sont restés sans écho. De sorte que le projet de loi constitutionnelle a été débarrassé de sa proposition de sénat avec comme lot de consolation pour le gouvernement, un consensus sur des formules d’amélioration du statu quo statutaire du Haut Conseil des Collectivités.

C’est pourquoi la loi n° 00-54/AN-RM portant révision de la Constitution du 25 février 1992 adoptée par l’Assemblée nationale au cours de sa séance plénière du 21 juillet 2000 conserve le Haut Conseil des Collectivités dans son statut actuel tout y insérant quelques modifications.

 Plutôt un Haut conseil des collectivités amélioré

Car en fait si les députés dans leur écrasante majorité ne voulaient guère entendre parler de seconde chambre, ils avaient conscience des limites du montage juridique actuel du HCC qui constitue une véritable curiosité juridique. C’est l’institution de la République dont le montage présente les plus grandes carences au plan juridique. Cela s’explique sans doute par son caractère innovant qui a poussé le constituant malien à faire preuve d’originalité plutôt que de faire des copies pâles de solutions éprouvées ailleurs. Il n’est jamais facile d’innover au plan institutionnel.

Les dispositions relatives au Haut Conseil des Collectivités, en particulier ses missions et les modalités de ses relations avec le gouvernement et l’Assemblée nationale pêchent par de graves carences. Ces dispositions sont caractérisées par leur trop grande généralité : « étudier et donner un avis motivé sur toute politique de développement local et régional ».

Par ailleurs certaines de ces dispositions sont quasi inapplicables. C’est notamment le cas lorsque la Constitution dit que le Haut Conseil des Collectivités peut faire des propositions au gouvernement pour toute question concernant la protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de la vie des citoyens à l’intérieur des collectivités et que le gouvernement est tenu de déposer un projet de loi conforme dans les quinze (15)jours de sa saisie sur le bureau de l’Assemblée nationale !

Face à ces carences, des propositions d’amélioration issues pour l’essentiel des concertations du Forum politique national organisé en décembre 1998 et janvier 1999 ont été partagés entre le gouvernement et les députés et qui portent sur les missions du Haut Conseil des Collectivités et les modalités de ses relations avec le gouvernement et l’Assemblée nationale.

Ainsi, il est précisé que sa compétence générale est de donner un avis motivé sur toute question relative aux collectivités territoriales et à la politique de développement régional et local. Les améliorations soulignent que pour tout projet de loi et toute proposition de loi touchant à ses domaines de compétence, le Haut Conseil des Collectivités est obligatoirement saisi pour avis par le Premier ministre ou le président de l’Assemblée nationale.

Ces domaines de compétence limitativement énumérés sont la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences et leurs ressources ; l’organisation administrative du territoire ; la création, la suppression, la scission ou la fusion d’une ou de plusieurs collectivités territoriales ; la protection du patrimoine culturel et archéologique ; la protection de l’environnement et la conservation des ressources. Il est également proposé que de sa propre initiative, le Haut Conseil des Collectivités peut, dans les mêmes matières, faire des propositions au gouvernement qui est tenu d’en donner une suite avant l’ouverture de la session prochaine du Haut Conseil des Collectivités.

Une autre proposition est relative à la possibilité de la tenue de sessions communes de l’Assemblée nationale et du Haut Conseil des Collectivités à l’initiative des présidents des deux institutions.

Enfin, last but not least, le nombre de session ordinaire du Haut Conseil des Collectivités est porté de deux à trois dans un souci d’harmonisation avec celles de l’Assemblée nationale qui avaient également été portées à trois.

Entre cette voie de l’amélioration du dispositif institutionnel actuel du Haut Conseil des Collectivités qui lui évite de perdre son âme et la solution radicale du Comité Daba qui ne s‘est même pas posé cette question, les débats restent ouverts.

Nous estimons pour notre part que la transformation du sénat en seconde chambre n’apportera qu’une valeur ajoutée marginale au processus de production législative par rapport auquel la contribution de l’actuelle Assemblée nationale paraît déjà assez modeste.

Plutôt que de dissoudre le Haut Conseil des Collectivités dans le processus d’enregistrement législatif général d’un parlementarisme bicaméral qualitativement limité et financièrement coûteux, il serait souhaitable de le préserver dans son statut actuel amélioré.

A notre avis, il faut se garder de troquer une exception institutionnelle malienne qui doit nécessairement faire ses preuves, qui va nécessairement faire ses preuves, au service de la décentralisation. Ce serait plus sage…Et plus efficace.

Dr FOMBA

Professeur de Droit et de Sciences Politiques

(L’Aube 258 du lundi 21 juin 2010)

Source: L’ Aube

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