Un rapport publié par l’Institut Montaigne en septembre dernier esquisse un portrait des musulmans vivants en France. Nadir Djennad, le correspondant de BBC Afrique à Paris, a voulu en savoir plus et a rencontré de nombreux musulmans dans la capitale française. Ils parlent de leur rapport à l’islam, à la société et à la politique.
Depuis les attentats qui ont frappé la France ces derniers mois, les hommes politiques, les journalistes et des personnes d’autres secteurs de la société parlent beaucoup des musulmans de France.
Mais qui sont les musulmans de France aujourd’hui, en 2016 ?
Vendredi à la Grande Mosquée de Paris. A la fin de la prière, les fidèles sortent. Beaucoup de jeunes sont venus prier, comme Omar, 35 ans. Ce chauffeur est d’origine marocaine. Il arrive à concilier pratique religieuse et travail.
Omar répond à la question de savoir si un islam français est tout à fait possible. “Ce n’est même pas un islam de France. Je suis parti la dernière fois au Portugal, est ce que j’ai fait un islam portugais ? Non, je fais mon islam comme Dieu m’a demandé de le faire, comme le prophète. Français ou pas français, il y a un seul islam, il n’y a pas d’islam français, marocain, tunisien, c’est le même partout.”
Le terme d’islam de France gêne certains musulmans. Pourtant, l’islam est considéré comme la deuxième religion en France, après le christianisme. Ce terme fait bondir Souleymane, qui est d’origine sénégalaise et vit en France depuis une trentaine d’années. “On vient nous parler d’islam de France, de ceci, de cela… L’islam est un et unique. Il ne peut pas y avoir d’islam de France. Quelles différences peut-il y avoir entre l’islam de France et un autre islam ? L’islam est pour tout le monde”, répond Souleymane.
“Les musulmans font cinq fois la prière, dans tous les pays du monde, ils récitent le même Coran. Pourquoi voulez-vous qu’il y ait des différences entre les musulmans ?” s’empresse-t-il d’ajouter.
Le musulman doit être quelqu’un d’exemplaire. Le prophète Mohamed, le guide de tous les musulmans, avait des qualités, les plus bonnes qualités. C’est un exemple.Amadou Sy, un Sénégalais établi en France
Dans les discussions avec certains fidèles, on sent de la colère contre les responsables politiques et les médias. Ce n’est pas nouveau, mais cette colère s’est accentuée depuis la vague d’attentats qui a frappé la France. Les responsables politiques et les médias sont accusés de stigmatiser les musulmans.
Daris, un habitant de Paris, âgé de 32 ans, donne son point de vue : “Les médias, d’une manière générale, définissent la tendance par des reportages et des émissions auxquelles ils invitent certaines personnes. Ils définissent la norme, à force de martèlement et de matraquage. Comment doit être ressenti l’autre ? Comment doit être perçu l’autre ? Pour moi, c’est un système politico-médiatique qui est responsable de cela. Les deux vont de pair, et l’un ne va pas sans l’autre.”
Daris est en colère contre les responsables politiques. Il ne leur fait plus confiance et n’attend rien d’eux. Il ne votera pas à la prochaine élection présidentielle, en 2017.
“Je ne vais attendre quelque chose de gens qui sont incompétents, qui n’ont rien compris. Ce sont des menteurs. Ils nous mentent 24h/24, ils nous mentaient avant les attentats, ils nous mentent après les attentats. Ils nous ont toujours menti. Donc pourquoi maintenant on doit les croire ? S’il faut être islamophobe, ils seront islamophobes, si ensuite demain il faudra faire du pied aux musulmans, ils feront cela, comme Sarkozy. Donc on n’attend absolument rien d’eux”, insiste Daris.
Source: BBC Afrique