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CES ENTRAÎNEURS FRANÇAIS QUI ENSORCELLENT LE FOOTBALL AFRICAIN

Les équipes nationales, engagées dans la Coupe d’Afrique des nations, qui se déroule actuellement au Gabon, font massivement appel à des techniciens français pour encadrer leurs joueurs. Une tradition qui perdure depuis près de quarante ans, riche en anecdotes mêlant sport, politique et modes de management très particuliers.

alain giresse entraineur aigle

Avec Gilles Festor

L’école des sorciers français en Afrique a encore de beaux jours devant elle. Sur les seize pays qualifiés pour la Coupe d’Afrique des nations de 2017 (commencée le 14 janvier, elle se terminera le 5 février), cinq ont placé un Tricolore sur leur banc. Aux côtés de l’historique Claude Le Roy (Togo), on retrouvait sur la ligne de départ Hervé Renard (Maroc), Alain Giresse (Mali), Michel Dussuyer (Côte d’Ivoire) et Henryk Kasper­czak (Tunisie). Deux Belges, deux Portugais, un Espagnol, un Argentin, un Serbe et un Israélien complètent les rangs du contingent étranger. Il ne reste que trois petits strapontins à des hommes du cru. Autant dire des miettes. Cette situation a parfois tendance à agacer sur place. «Mais quel joueur de l’équipe malienne aujourdhui pourrait se permettre den imposer à M. Giresse?», glisse au Figaro Boubacar Baba Diarra, le président de la Fédération malienne. «M. Giresse, cest une demi-finale de Mondial et une carrière de plus de vingt ans. Il impose le respect, enchaîne le dirigeant. Un entraîneur local? Jaimerais, mais en plus du problème lié au niveau, il y a celui du salaire. Face à des joueurs stars qui touchent des fortunes en Europe, on sexposerait à un problème d’autorité. »

Un environnement aussi riche qu’inattendu

Les Français, dont la cote n’a jamais été aussi élevée, étaient déjà six lors de la CAN 2015. «Les succès renforcent notre renommée auprès de ces pays», se réjouit Gernot Rohr, en pensant aux triomphes d’Hervé Renard en 2012 (avec la Zambie) et en 2015 (avec la Côte d’Ivoire). Avant de trancher, malicieux : «Mais peut-être ont-ils tendance à nous considérer un peu meilleurs que ce que nous sommes» Dans sa robe de procureur, le consultant pour beIN Sports, passé par quatre sélections africaines, fait-il preuve de sévérité ? Jugeons sur pièces. Depuis 1979 et Just Fontaine (Maroc), premier Français à tenter l’aventure en Afrique, nos Bleus ont soulevé le trophée cinq fois : Claude Le Roy en 1988, puis Pierre Lechantre en 2000 avec le Cameroun, Roger Lemerre en 2004 avec la Tunisie et Hervé Renard, désormais avec le Maroc.

Je voulais connaître ça au moins une fois dans ma vie. Je lai fait mais les conditions n’étaient pas réunies à la tête du pays pour que je réussisse. 

Luis Fernandez

Mais l’histoire glorieuse a aussi ses revers. De l’autre côté de la Méditerranée, on ne compte plus les échecs, les débâcles parfois, mais aussi les rocambolesques licenciements renvoyant à leurs chères études des entraîneurs qui n’ont pas toujours été des premiers choix en Europe. Luis Fernandez, l’un des derniers à avoir tenté l’aventure, met en garde après une campagne d’un an conclue sur un goût d’inachevé avec la Guinée, et une démission : «Je voulais connaître ça au moins une fois dans ma vie. Je lai fait mais les conditions n’étaient pas réunies à la tête du pays pour que je réussisse. »

20.000 euros par mois pour Alain Giresse

Malgré une grande part d’échecs, la mode de l’entraîneur français perdure. Claude Le Roy a creusé le sillon dans les années 1980. Le pionnier normand avait d’ailleurs été le premier à hériter du surnom de « sorcier blanc » en 1988, après avoir interdit l’accès au vestiaire aux marabouts et autres ensorceleurs. Une révolution sur un continent qui, malgré les fracas de la décolonisation, continue d’avoir les yeux de Chimène pour la France, le « pays grand frère ». «L’histoire a été tumultueuse mais une bonne partie de l’Afrique continue d’aimer la France», acquiesce Fernandez. «Les liens restent très forts. La France a colonisé notre pays, le Mali, en laissant en héritage une partie de son savoir-faire», confirme Boubacar Baba Diarra prêt à tous les sacrifices pour faire signer Giresse, « Gigi », rémunéré selon nos informations 20 .000 euros par mois sans compter des avantages (billets d’avion, logement, véhicule de fonction…). «Ce ne sont pas des postes qui rendent riche, contrairement à ceux dans les pays du Golfe ou en Asie. On touche moins qu’un entraîneur de Ligue 1», nous confirme un autre globe-trotteur, Philippe Troussier.

Alain Giresse roule sa bosse depuis dix ans en Afrique. «L’étiquette dancien international me colle à la peau. On me parle sans arrêt des Bleus», confie au Figaro le Girondin, enivré par l’exotisme local. «Vous tombez sur des gens qui sont conscients de lapport que vous offrez, poursuit le sélectionneur très convoité malgré l’élimination du Mali au premier tour de la CAN cette année. C’est un travail d’exploration et d’observation qui permet de jauger le potentiel dans des pays manquant de structures. » Des lacunes qui ont usé Fernandez. «Jai eu limpression de travailler constamment dans lurgence, se souvient-il, sans fermer la porte. Si l’opportunité se représente, je prendrai plus de précautions et j’obtiendrai des garanties.» S’installer avec la bénédiction du pouvoir politique sera sa règle d’or. «Il existe des compétences sur place, mais il faut absolument lappui du chef de l’État. Cest lui qui dépêche le ministre à qui tu dis oui et ensuite tu t’arranges avec la fédération. C’est indispensable pour éviter les mauvaises surprises.»

J’ai compris qu’en leur faisant manger un kilo de riz, leurs ventres étaient bien tendus, et alors mes garçons étaient en forme et prêts à en découdre

Philippe Troussier

Les rouages de l’Afrique, Philippe Troussier a appris à les connaître par cœur depuis qu’il y a posé le pied en 1989. Quand il s’agit de raconter des anecdotes, l’ancien entraîneur de l’OM est intarissable. Et ouvre la boîte à souvenirs. Entre gourmandise des moments vécus et nostalgie du temps qui passe. «Je suis arrivé en Côte dIvoire avec ma casquette, dans un rôle de professeur de foot avec mes idées préconçues en faisant notamment manger carottes râpées, jambon blanc, steak haché et salade à mes joueurs. À la fin du repas, je me demandais s’ils avaient la force de rentrer sur le terrain. Après coup, j’ai compris qu’en leur faisant manger un kilo de riz, leurs ventres étaient bien tendus, et alors mes garçons étaient en forme et prêts à en découdre. C’est ça l’Afrique, de l’adaptation permanente.» Une situation vécue aussi par Luis Fernandez, forcé de s’acclimater : «Les problèmes administratifs mont filé un mal de crâne. Entre le fait d’être obligé de se déplacer personnellement chez le consul pour avoir des papiers et des visas ou encore de mapercevoir que, lors de mon premier stage, javais 12 absents sur les 23 sélectionnés pour des raisons administratives, il y a de quoi s’agacer. »

Hilare et un poil mélancolique, Troussier, ancien sélectionneur du Nigeria et de l’Afrique du Sud, avec laquelle il participa au Mondial 1998 en France, se plaît à dévoiler certaines scènes savoureuses sur place. Des moments hauts en couleur qui témoignent à la fois des coutumes locales à intégrer mais aussi de l’obligation des techniciens étrangers d’appréhender un environnement aussi riche qu’inattendu. «Entre les sorciers qui prétendent réunir le corps et l’esprit des Africains et veulent aider l’équipe, les joueurs qui se couchent devant le bus afin de protester contre une décision prise ou encore certains que j’ai découverts dans un autre étage de notre hôtel avec des supportrices dénudées, il faut être en veille permanente», confie l’entraîneur âgé de 61 ans, qui s’apprête à repartir sur le continent asiatique afin de prendre en main les commandes d’un club chinois fortuné, et poursuivre ainsi sa vie de « citoyen du monde ».

 

Non, monsieur le ministre, venez avec une valise 

Philippe Troussier

En Afrique, les techniciens découvrent un autre univers, une façon différente de vivre le football. Une immersion à 200 % est indispensable avant d’espérer un retour. Entre intelligence et compréhension. Savoir-faire et respect. «Cest sans commune mesure avec ce qui se fait en Europe, témoigne Alain Giresse. Au niveau de la ferveur, on peut le comparer avec l’Amérique du Sud, mais la France en est très loin.» « Gigi » l’Africain enchaîne : «En termes de retentissement, cela dépasse l’entendement, et ce jusque dans les plus hautes sphères du pays tant les hommes politiques sont présents et fans de football.» En Afrique comme ailleurs, la sélection nationale reste l’émanation de la fédération, mais parfois ces dernières n’ont financièrement pas les moyens de leurs ambitions. Se produisent de temps à autre des séquences pour le moins inédites. Troussier se souvient : «Il y a souvent des problèmes de primes. Si vous dites aux joueurs: “Ne vous inquiétez pas, vous serez virés sur votre compte dans trois jours”, les gars n’y croient pas. Ils disent: “Non, monsieur le ministre, venez avec une valise.” Avant un match du Nigeria, un proche du ministre a déposé une valise remplie de billets au milieu du vestiaire, et la répartition a été faite. Cela peut paraître hallucinant, mais c’est fréquent. »

Et l’ancien sélectionneur du Burkina Faso de poursuivre : «Quand je lis que les joueurs n’étaient pas encore couchés à 4 heures du matin avant un match de la CAN, ça ne m’inquiète pas. Penser qu’ils ne sont pas dans les conditions de jouer, je n’y crois pas. Passer la nuit dehors, aller frapper à la porte du ministre pour avoir l’argent, se mettre sous les roues du bus et l’empêcher de partir pour tenter de faire bouger les choses… Ce sont des séquences que j’ai vues de mes propres yeux. C’est de l’organisation désorganisée. Les Africains ont parfois besoin d’être dans cette configuration pour réussir. »

 Je les payais à la semaine, en liquidités et avec la valise au milieu du vestiaire. Les joueurs étaient gonflés à bloc, avec une mobilisation énorme

Philippe Troussier

Si certaines nations africaines ont fait beaucoup de progrès sur ces questions d’organisation, d’autres restent encore perfectibles. «Au Burkina Faso, javais une méthode bien réfléchie. La meilleure façon de mobiliser les joueurs n’était pas de les payer au mois. Si tu les rémunères de cette façon, ils ont tellement de sollicitations familiales qu’après deux jours ils n’ont plus d’argent. Je les payais à la semaine, en liquidités et avec la valise au milieu du vestiaire. Les joueurs étaient gonflés à bloc, avec une mobilisation énorme. » Troussier conclut : «En Afrique, tu peux te permettre de dérailler. On rentre dans le joueur. On peut déraper, mais en France, on ne dit plus rien, tout est interprété, analysé. Il ny a plus d’émotion. Ici, tu es en transe. Cest ça, le métier dentraîneur. À tous les coachs français, je leur dirais: “Tentez cette expérience, vous ne serez plus le même homme.” »

Source: lefigaro

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