« La situation est grave. Rien que pour la période allant de février 2020 à nos jours, la jeunesse Fina Taawa Seeno a, avec des preuves à l’appui, répertorié 128 cas d’exécution sommaire et extrajudiciaire ; des dizaines de blessés, 251 cas de personnes enlevées ou portées disparues », mentionne-t-on dans la déclaration des conférenciers. Tous ces cas ont été commis par des militaires ou du fait de leur complicité, explique-t-elle. Ladite déclaration lue par Ibrahim Dicko, conférencier du jour, relayait que l’évènement avait pour mission d’informer l’opinion nationale et internationale sur la situation « tragique » que vivent les populations peules en général. Et particulièrement, celles de Seeno, une localité sise dans le cercle de Bankass.
« La conférence n’a pas pour but de livrer un procès à notre armée. Au contraire, nous saluons le sacrifice ultime dont font preuve nos forces de défense et de sécurité, et exprimons notre soutien et solidarité à l’armée », lit-on dans la déclaration. Coopté à l’occasion pour animer cette conférence, Ibrahim Dicko a été précis dans ses mots : « Ce que nous condamnons et dénonçons, c’est le comportement de certains membres des forces de défense et de sécurité qui, de par leurs agissements inhumains, irresponsables et indécents ternissent l’image de toute une armée au-delà de la Nation ». Ces graves violations des droits de l’homme auxquelles s’adonnent ces « brebis galeuses tapies » dans l’armée, expose le conférencier, sont dangereuses. Puisqu’elles sont dirigées principalement contre certaines communautés. Et notamment, exprime-t-il, la communauté peule. Des actes qui, pour les conférenciers, risquent de remettre l’unité du pays en cause.
Des exécutions sommaires et extrajudiciaires à Ogossagou et Niangassadiou
Sur ces cas d’exécutions sommaires, la jeunesse Fina Taawa Seeno a rappelé celui d’Ogossadou. « Le 13 février 2020, vers 15H00, le détachement militaire en poste à Ogossagou chargé d’assurer la sécurité abandonne soudainement le village sans explication. Quelques heures après, le village a été, pour une deuxième fois, attaqué par des chasseurs locaux, faisant 55 morts, dont des femmes et des enfants », souligne-t-on. Aussi confient-ils que les militaires ont en date du 3 juin 2020, pris d’assaut la foire du village de Niangassadiou, dans la commune rurale de Mondoro, cercle de Douentza. Ce, en procédant à des arrestations massives, tirant sur 14 personnes sur « la base de leur appartenance ethnique avant de les abattre froidement et publiquement », ont-ils dénoncé. Deux jours avant ce fait, rapportent-ils, un détachement de l’armée avec à bord une quarantaine de véhicules pick-up s’est rendu à Binedama, un village peul sis dans la commune de Modougou, cercle de Koro. Les militaires ont, à leurs dires, tué 34 personnes, dont 3 femmes, 3 enfants, 2 chefs de village, et des vieillards.
L’armée accusée des tueries à Liébé
Même scénario, disent-ils, quant aux évènements survenus le 22 octobre 2020 à Liebé, un autre village peul sis dans la commune rurale de Baye, cercle de Bankass. Suite à l’attaque perpétrée le 12 octobre 2020 par des présumés terroristes contre le camp des FAMa sis à Sokoura, ont-ils expliqué, l’armée avait décidé de procéder à des opérations de ratissage. « Ce qui est normal et nécessaire, sauf, déplorent-ils, qu’il s’agissait plutôt des opérations de représailles contre ce village peul (Liebé), soupçonné à tort d’abriter des présumés auteurs de ladite attaque ». Sur la base de ces supputations qu’ils qualifient « infondées », les conférenciers annoncent que les FAMa guidés par des chasseurs locaux ont débarqué, jeudi 22 octobre 2020 à 11H30 à Liebé, tirant « sans discernement sur tout ce qui bougeait ». Ainsi, 24 personnes, dont des vieillards de 60 ans, ont rendu l’âme. Et d’être plus explicites : « Un survivant de 75 ans nous avoue avoir été arrêté devant sa porte et conduit vers une mare au bord du village, où il a trouvé six autres habitants de Liebé couchés à terre avec les mains ligotées, les yeux bandés ». Les 7 personnes conduites dans une maisonnette, confirment les conférenciers, ont été alors arrosées. Mais ce vieux de 75 ans couvert de sang et laissé pour mort, dit avoir pris connaissance après avoir reçu des balles militaires.
Le tableau est loin d’être exhaustif, et la jeunesse Fina Taawa Seeno n’allait point s’émouvoir si ces tueries s’effectuaient « effectivement » dans le cadre de la lutte contre les terrorismes, ont-ils spécifié. Ainsi, ils appellent à la fin de ces pratiques de l’armée malienne, sollicitent l’entremise du peuple et de la communauté internationale pour la paix, et disent vouloir se réserver le droit de porter plainte contre les auteurs et complices de ces faits.
Il faut rappeler que l’armée a démenti l’exécution sommaire contre les populations civiles.
Mamadou Diarra
Source: Le Pays– Mali