Le 27 avril 2014 seront canonisés Jean XXIII et de Jean-Paul II. Le Vatican fait le choix d’associer dans la sainteté deux papes très populaires, mais pourtant différents, l’un conservateur, l’autre qui s’est vu reprocher sa modernité.
On connaît désormais la date : le 27 avril prochain, le pape François élèvera ses prédécesseurs Jean XXIII et Jean-Paul II au rang de saints. Devant les cardinaux réunis en consistoire, le pape François a confirmé lundi 30 septembre, que ces deux figures importantes de l’Église catholique, l’italien Angelo Giuseppe Roncalli, et le polonais Karol Wojtyla, qui occupèrent le siège de Saint-Pierre, respectivement entre 1978 et 2005, et entre 1962 et 1965, seront prochainement canonisés.
Tous deux étaient très populaires. Le premier était le père du grand Conseil œcuménique Vatican II, qui s’est déroulé de 1962 à 1965, une étape charnière dans l’histoire de la religion catholique, porteuse de réformes et de modernité. Et le second est resté dans les mémoires comme le globe trotter qui, infatigable, a porté la parole du Christ dans plus d’une centaine de pays, toujours bien accueilli même en terre d’Islam ou d’orthodoxie.
Deux papes canonisés en une journée
Cette cérémonie unique, qui devrait attirer des centaines de milliers de personnes, sur la place Saint-Pierre aura lieu à une date, qui n’est de surcroît pas anodine. En effet, le 27 avril marquera en 2014 la fête de la Divine miséricorde, une institution créée par le pape Polonais.
Le choix de porter sur les autels ces deux souverains pontifes en même temps n’est pas sans susciter des interrogations, sachant notamment que certains ont milité dans les arcanes du Saint-Siège, pour que la canonisation de Jean-Paul II soit prononcée seule. Pour Odon Vallet, historien des religions, on peut d’abord voir dans cette décision un souci des autorités de l’Église de “faire simple, de ne faire qu’un seul rassemblement, quand on sait que des millions de personnes sont attendues”. La béatification de Jean-Paul II le 1er mai 2011 avait déjà rassemblé plus d’un million de fidèles place Saint-Pierre.
Mais selon l’historien, on peut également observer dans cette association une volonté de la part du pape François de maintenir un équilibre entre deux figures très différentes de la catholicité. “C’est un choix astucieux”, relève Odon Vallet. “Jean-Paul II était plutôt conservateur en doctrine, alors que certains ont reproché à Jean XXIII d’avoir convoqué seul Vatican II”, explique-t-il. “Les deux en même temps, cela passe mieux, et permet de ne pas heurter les sensibilités des uns et des autres”, estime l’historien, qui rappelle qu’aujourd’hui encore, beaucoup de croyants sont gênés par certaines modernisations apportées par Vatican II.
Le pape François s’affranchit des régles
Pour ces canonisations, l’Église se montre moderne en dérogeant à certaines règles. Ainsi Jean Paul II, premier pape polonais de l’Histoire, immensément populaire, et dont les fidèles réclamaient même qu’il soit fait saint immédiatement après sa mort, sera canonisé en des temps records : neuf ans seulement après son décès. Benoît XVI avait en effet choisi de ne pas tenir compte du délai obligatoire de cinq ans pour ouvrir la cause de béatification et de canonisation de son prédécesseur, accédant à la requête des fidèles et de nombreux cardinaux.
Clin d’œil de l’histoire, Jean-Paul II avait lui-même allégé certaines règles en ramenant de trente ans à cinq ans le délai légal à observer après la mort de quelqu’un avant de pouvoir ouvrir sa cause en béatification. Il avait lui-même fait exception à la règle des cinq ans pour le cas de Mère Thérésa, dont le procès avait été ouvert deux ans seulement après sa disparition.
Deux miracles pour une canonisation
L’annonce de la date de canonisation de Jean-Paul II était attendue depuis la confirmation donnée par le pape François en juillet d’un second miracle attribuable à Jean Paul II, pape de 1978 à 2005. Selon la tradition, une personne ne peut en principe être canonisée – proclamée “sainte” par l’Eglise – que si deux miracles au moins lui sont attribués. Le premier lui permet d’être béatifié, le second d’être canonisé. En 2011, la révélation de la guérison inexplicable d’une religieuse française atteinte de la maladie de Parkinson a été considérée comme le premier miracle de Jean-Paul II. Et en 2013, la Congrégation pour les causes des Saints reconnaît comme inexplicable la guérison le jour même de la béatification du pape polonais, le 1er mai 2011, d’une femme originaire du Costa Rica atteinte d’un anévrisme, rendant ainsi possible sa canonisation.
Pour Jean XXIII, surnommé le “bon pape” un seul miracle a été reconnu, ce qui a permis sa béatification en septembre 2000. Il s’agit de la guérison inexpliquée d’une religieuse italienne, considérée comme mourante. Elle avait affirmé avoir guéri après avoir adressé ses prières au pape. Fait très rare, le pape François a décidé de laisser de côté l’exigence d’un second miracle pour Jean XXIII, qui a laissé l’image d’un pape proche des gens, simple et plein d’humour, à l’image du pape argentin actuel.
Pour Odon Vallet, ces “règles ne sont pas vouées à rester immuables”. “L’Église a compris qu’aujourd’hui les gens sont pressés : on ne peut pas attendre des siècles, comme ce fut le cas pour Jeanne d’Arc par exemple, que Mère Thérésa soit canonisée”, remarque-t-il. “Et puis avec les progrès de la médecine, il est devenu très difficile de prouver des miracles”, relève l’historien. Ces prises de liberté avec les règles – raccourcissement des délais légaux, dispenses de second miracle – peuvent être perçues comme autant de signes de modernité, d’une église qui s’adapte à son temps.