L’ambiance de la campagne électorale pour les législatives n’est pas à la hauteur de l’événement ! Réunions publiques au compte-gouttes, rues vides d’affiches et candidats presque invisibles, la campagne des législatives déchaîne peu d’engouement et ne mobilise guère les Maliens.
En effet, depuis l’ouverture officielle de cette campagne, aucune activité de grande ampleur n’est au menu ni Bamako encore moins dans les grandes localités de l’intérieur du pays. Dans la capitale les affiches des candidats sont rares. Côté ambiance ? Quelques attroupements de « militants » ou encore des semblants de cortèges de véhicules de campagne qu’on voit de temps en temps dans certains quartiers de la capitale. Bref, contrairement aux années précédentes, la mobilisation n’est pas au rendez-vous. Selon de nombreux observateurs, la situation actuelle du pays explique le manque d’engouement des populations. En effet, le Mali souffre à la fois d’une insécurité généralisée et d’une crise économique sans précédente. L’insécurité est présente partout dans les villes et localités. Preuve ? Une candidate de l’URD a été victime d’un braquage, la semaine dernière, dans la zone de Nara, son véhicule a été emporté par des individus armés. Dès lors la peur s’est installé » au niveau des sièges des candidats.
En effet, plusieurs d’entre eux craignent de ne pas pouvoir battre campagne en raison de l’insécurité dans de nombreuses zones du Centre et du Nord du pays où les attaques contre la population civile et les Forces armées(FAMa) se sont multipliées depuis le début de l’année. Ces régions restent en proie aux activités des groupes armés. Le quotidien des habitants est rythmé par des enlèvements, des braquages ou encore des assassinats ciblés.
Chez nos confrères de Deutsche Welle, Amadou Diepkilé, député sortant et candidat du parti Adema Pasj (Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice) dans la circonscription électorale de Bandiagara (centre du Mali), fait part de ses craintes sur la situation dans la région du Centre : « Il y a eu trop de déplacés. Dans les villages où il y avait 1000 habitants, aujourd’hui on ne trouve que 200 personnes sur place. Par ailleurs, dans certains villages, on ne trouve plus personne, tout le monde est parti ».
Amadou Diepkilé a donc décidé de ne pas aller battre campagne dans son fief électoral de Bandiagara. : “Moi je suis de l’Adema et je suis en alliance avec le parti au pouvoir le RPM (Rassemblement pour le Mali) et la CODEM (Convergence pour le développement du Mali), un parti de la majorité présidentielle. Dans chaque localité du centre, nous avons des représentants. Nous allons donc demander à ces représentants de battre campagne pour nous. Sans cela, dire que nous serons à bord des véhicules comme on le faisait auparavant, cela n’est tout simplement plus possible”.
Les Maliens sortiront ils le 29 mars prochain ?
Les multiples reports de ces élections, qui devaient se tenir initialement en 2018, le manque de moyens, notamment financiers, des partis politiques et de nombreux candidats engagés dans la course et le manque de confiance dans la crédibilité du scrutin du 29 mars sont les autres éléments essentiels qui justifient aussi la morosité de la campagne,
Ensuite, l’autre source de déception, c’est le retour sur le devant de la scène de responsables politiques ayant perdu depuis longtemps toute crédibilité. «En coulisses, les achats de conscience continuent à grande échelle. On prend les mêmes et on recommence. La classe politique malienne s’apparente toujours à une association de mafieux. Des députés sont prêts à tout pour garder leur poste. Il n’y a ni programme, ni débat politiques. Le changement tant promis, on l’attend toujours», nous confie Moustapha, un habitant de la commune IV.
« Il n’y aucun intérêt à participer à cette campagne. Nous partons à une élection dont le jeu est déséquilibré depuis le début. Comment participer au vote, alors que les résultats sont connues d’avance », se lamente le chauffeur de taxi Amadou Traoré, Comme lui, qui avait l’habitude de prendre part aux campagnes électorales, les Bamakois montrent peu d’enthousiasme pour le scrutin. De fait, les cortèges sont moins animés que par le passé, obligeant les candidats à retourner à la méthode du porte à porte.
Les multiples reports du scrutin jouent certainement un rôle crucial dans la démobilisation des électeurs. En effet, d’abord prévues les 28 octobre et 18 novembre 2018, les élections sont reportées d’un mois à la suite d’une grève des magistrats ayant entrainé des délais supplémentaires dans le dépôt des candidatures : Le 15 octobre 2018, la Cour constitutionnelle reporte finalement le scrutin à avril 2019 en prorogeant de six mois le mandat des députés. Cette décision, qui a lieu peu de temps après la présidentielle, est alors officiellement justifiée par l’objectif d’une meilleure organisation du scrutin dans un climat politique plus serein et afin de donner plus de temps au gouvernement pour l’application des réformes institutionnelles prévues dans l’accord de paix de 2015. La décision de la cour ainsi que le silence de l’opposition sont cependant très critiqués au sein de l’opinion publique, qui y voit le signe de négociations en coulisse entre les deux camps.
Le gouvernement fait voter le 7 juin 2019 la prorogation du mandat des députés jusqu’au 2 mai 2020, afin de permettre de mettre en œuvre son projet de révision constitutionnelle. La prorogation est ensuite votée au deux tiers des membres de l’assemblée, puis présentée pour avis à la Cour constitutionnelle qui l’approuve. Après un dialogue national avec l’ensemble de la classe politique ainsi que des ex-rebelles, achevé le 22 décembre, le gouvernement finit par annoncer le nouveau calendrier électoral le 22 janvier 2020. Les élections sont finalement convoquées pour le 29 mars 2020 suivant, avec des seconds tours éventuels le 19 avril 2020. Ce sont au total 147 sièges de députés qui sont à pourvoir. 1.451 candidats sont en compétition sur plus de 550 listes.
Au vu de cette campagne la question essentielle qui se pose aujourd’hui est de savoir si les Maliens se rendront aux urnes pour élire leurs députés.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube