Il a fallu l’obstination d’une association, de deux couples et de leurs deux improbables avocats pour rétablir à l’été 2013 le mariage gay en Californie, un combat judiciaire de cinq ans retracé en détails dans un documentaire présenté au festival de Sundance.
“The Case against 8”, signé Ben Cotner et Ryan White, est en compétition au festival du film indépendant, qui se tient jusqu’à dimanche dans la station de ski de Park City (Utah, ouest de Etats-Unis).
Les documentaristes ont suivi pas à pas, pendant cinq ans, les multiples développements et rebondissements de l’une des affaires judiciaires les plus sensibles et médiatisées du siècle, aux Etats-Unis.
L’histoire commence le 4 novembre 2008. Le même jour, les électeurs Californiens portent à la Maison Blanche le premier président noir de l’histoire des Etats-Unis, Barack Obama, et adoptent par référendum la “Proposition 8”, qui interdit les unions gays dans l’Etat, en faisant inscrire dans la constitution qu’un mariage ne peut être célébré qu’entre un homme et une femme.
Quelques mois auparavant, la Cour suprême de Californie avait légalisé le mariage gay et 18.000 couples homosexuels avaient convolé en justes noces.
La riposte au passage de la “Prop 8” ne se fait pas attendre: une association, American Foundation for Equal Rights (AFER) est créée pour porter l’affaire devant les tribunaux, et la plainte est déposée en mai 2009.
“Nous avons entendu parler de l’affaire très tôt, avant même que la plainte soit déposée, et nous avons demandé (à l’association) si elle serait d’accord pour que nous fassions un documentaire, sans savoir que cela deviendrait une affaire énorme”, explique à l’AFP le co-réalisateur Ben Cotner. “A ce moment-là, nous n’imaginions pas que cela irait jusqu’à la Cour suprême”.
Outre le feuilleton judiciaire — de la première victoire des plaignants devant un juge fédéral de San Francisco aux multiples appels de leur opposants, avant la saisine de la Cour suprême des Etats-Unis –, le film se concentre sur les deux couples de plaignants, triés sur le volet pour devenir les visages du mariage gay en Californie, avec la pression que cela implique.
“Je n’ai jamais été aussi nerveux de ma vie”, déclare Paul Katami dans le documentaire, évoquant son état avant la première audience à San Francisco. “Même si nous étions prêts, il y avait cette pression: +Je ne peux pas rater ça+. Je représentais tellement de gens…”.
Les gays Paul Katami et Jeff Zarrillo et les lesbiennes Kris Perry et Sandy Stier “n’imaginaient pas que l’affaire deviendrait énorme et qu’ils deviendraient le ciment de l’histoire. En plus de cela, l’idée d’avoir une équipe de documentaristes sur le dos n’était probablement ce dont ils avaient le plus envie au début”, observe Ryan White.
Un troisième duo occupe une place centrale dans le film: “l’étrange couple”, comme l’a surnommé la presse, formé par les ténors du barreau Ted Olson et David Boies.
Opposés dans le procès retentissant autour de l’élection de George W. Bush en 2000, les deux hommes ont fait équipe “pour se battre ensemble pour les droits de gays et lesbiennes”, observe M. White. “Ils sont au coeur de l’affaire et du film”.
On approche ainsi ces deux figures du barreau, notamment le surprenant Ted Olson, républicain pur et dur, sévèrement critiqué pour son soutien au mariage gay. Mais comme il l’explique lui-même dans le documentaire, “le mariage est une valeur conservatrice”…
Si les réalisateurs assurent ne pas s’être laissés déborder par l’émotion pendant les cinq ans de tournage, leur carapace a été mise à rude épreuve après la décision de la Cour suprême, en juin 2013, rétablissant définitivement le mariage gay en Californie.
“Deux jours plus tard, nous étions aux mariages (des plaignants) et c’était le jour le plus difficile pour filmer car c’était très dur de se concentrer”, affirme Ben Cotner. “Je ne voulais pas être cinéaste, à ce moment-là. Je voulais juste être l’un des invités du mariage”.
© 2014 AFP