C’est officiel. Le parquet militaire de Ouagadougou a confirmé, le 7 décembre à l’AFP, que « le général Gilbert Diendéré a été inculpé le 12 novembre dans le dossier Sankara des chef d’inculpation suivants : attentat, assassinat et recel de cadavre ».
Quelques heures plus tôt, des sources proches des services de sécurité burkinabè et la défense du général Gilbert Diendéré, consultées par Reuters, indiquaient de leur côté que l’officier, à la tête du coup d’État avorté de septembre, a été inculpé depuis le mois de novembre de complicité dans l’assassinat du président Thomas Sankara en 1987.
Durant trois décennies, c’est bien cet officier discret qui a dirigé le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), dont des éléments sont suspectés d’avoir participé au meurtre de Sankara. Chef des commandos de Pô chargés de la sécurité du chef de l’État, il aurait supervisé, le 15 octobre 1987, l’arrestation du président révolutionnaire. Blaise Compaoré prend le pouvoir à l’issue du coup de force et Thomas Sankara est déclaré « décédé de mort naturelle » quelques jours plus tard. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ? La question n’a pour l’instant jamais été officiellement éclaircie, d’où l’enjeu judiciaire et historique de l’enquête en cours.
Toujours dans l’ombre, Gilbert Diendéré a été au cœur du pouvoir depuis l’avènement de Thomas Sankara le 4 août 1983. Cette année là, il joue d’ailleurs un rôle majeur dans la prise du pouvoir par les révolutionnaires. Déjà bras droit de Compaoré, il mène ses troupes jusqu’à Ouagadougou. C’est lui qui annoncera à la radio le coup d’État, à 22 heures.
La mémoire de l’ancien régime
« Peuple de Haute-Volta, le capitaine Thomas Sankara vous parle… » Souriant mais mutique, le mystérieux Diendéré est de tous les coups et Philippe Ouédraogo, ministre dans le premier gouvernement de la révolution, disait de lui à Jeune Afrique, en novembre 2014 : « Il tire à chaque fois son épingle du jeu ». Du moins jusqu’à ce fameux coup d’État raté de septembre 2015. Au Burkina, il est aujourd’hui considéré comme la mémoire de l’ancien régime.
Or tout au long des 27 ans de règne du président Blaise Compaoré, c’est le black out sur le dossier Sankara, qui est méticuleusement, scrupuleusement enterré. Jusqu’à la chute du régime, fin octobre 2014. Et en mars 2015, le gouvernement de transition adopte un décret « portant autorisation d’exhumation et d’expertises des restes du président Thomas Isidore Noël Sankara ».
Diendéré devra donc s’expliquer sur le rôle qu’il aurait joué dans la disparition de Sankara. Un dossier judiciaire de plus sur le dos de cet officier qui a en outre étéinculpé à la mi-octobre de crime contre l’humanité.