Guérisseur et traumatologue traditionnel, Bourama Doumbia est un faiseur de miracles dans ces domaines. Bien de personnes lui doivent une fière chandelle pour avoir été sauvées de l’amputation grâce à sa science humblement et généreusement mise à la disposition de ses semblables. Et il est temps que les autorités médicales du pays lui donnent toute l’importance requise dans la chaîne de référence et surtout l’aident à réaliser un centre moderne pour une prise en charge de centaines de patients dans des conditions idoines. Notre reporter s’est rendu à Samanko pour mieux s’imprégner de la réalité. Reportage !
Ce samedi matin (28 octobre 2017), il est presque 9h lorsque nous arrivons à Samanko (Samanko-Plantation). Un gros village situé à moins de 30 km de Bamako, via Sébéninkoro et Samaya. Juste à la sortie de ce dernier village, d’où est originaire Mah Kouyaté N°1, on laisse le goudron (route de Kangaba) pour prendre à droite une piste poussiéreuse qui serpente une riche plaine.
Le trajet est jalonné de vergers et de champs (maïs, mil, arachide, haricot…). Une fois à l’entrée du village, nous n’avons eu aucun mal à retrouver le chemin de la famille où nous sommes attendus. A Samanko-Plantation, n’importe quel enfant peut vous conduire chez Bourama Doumbia.
Il nous accueille avec son neveux et assistant Boubacar Koné «BK». Et déjà, ce digne héritier est à la tâche dès les premières heures de la journée. Des malades sont installés dans la cour sous un immense hangar où on est tout de suite accueilli par l’odeur du beurre de karité. C’est à partir de ce produit que le tradithérapeute travaille. Des pots ainsi que des grands récipients en sont remplis.
Sur trois patients sous le hangar, l’un (M. Kébé) venu de la France où il a subit plusieurs chirurgies suite à une fracture. Il nous montre un montage effrayant en fer qui avait été placé pour consolider l’os fracturé. Pis, cela commençait à briser les os dont un morceau s’est glissé dans la chaire. Ce qui explique l’infection du membre concerné. «Dieu merci, je vais beaucoup mieux aujourd’hui et j’espère bientôt rentrer en France grâce aux soins prodigués par Bourama Doumbia», nous affirme-t-il avec beaucoup d’assurance dans la voix.
Les deux autres blessés ont la trentaine bien sonnée et ont été victimes d’accidents de motos avec des fractures ouvertes. Des blessures atroces, difficiles à voir pour une âme sensible. «C’est grâce au savoir ancestral de Bourama Doumbia que je ne serais pas handicapé à vie. En effet, si j’étais resté à l’hôpital, je n’allais pas échapper à une amputation de la jambe», nous dit l’un d’entre eux sans fausse reconnaissance.
Par la suite, nous rendons visite à une dizaine de patients parmi les 348 dispersés dans des foyers entre Samanko et Ouezzinbougou. Des cas de fractures des membres (inférieurs et supérieurs), du dos, du cou, des clavicules… Des os souvent broyés que ce savant parvient à rassembler et à consolider sans compromettre la mobilité des muscles… Un savoir judicieusement utilisé sans concession aucune à la cupidité.
«Depuis que nous sommes ici, on ne nous a rien demandé. Et pourtant Bourama Doumbia et ses aides-soignants sont aux petits soins nuit et jour», reconnaissent tous les malades rencontrés ce samedi dans ce village réputé jadis pour son Centre de réinsertion postcure de la lèpre. Et pourtant, certains sont là depuis près de 4 mois. Et beaucoup sont même soignés, logés et nourris par le guérisseur.
Actuellement, M. Doumbia accueille près de 348 patients (à Samanko et Ouezzinbougou) venus de Bamako et de l’intérieur du pays, de la Guinée-Conakry, de la Côte d’Ivoire, de la France… Et le plus souvent gratuitement parce que beaucoup de blessés lui arrivent déjà ruinés par des séjours dans les hôpitaux.
«Nous sommes là, bien pris en charge sur tous les plans. Et Dieu merci, depuis que nous sommes arrivés, il y a deux semaines, l’état de mon jeune frère s’est beaucoup amélioré parce qu’il a trouvé une certaine mobilité au niveau des bras… Ce qui n’était pas le cas quand nous avons quitté le CHU Gabriel Touré. Jusque-là, Bourama Doumbia ne nous a pas pris un centime. Et mieux, c’est sa famille qui nous apporte à manger», a confié Moussa Dembélé, venu de Tominkoro (Korhogo, Côte d’Ivoire) avec son jeune frère Karim. Ce dernier a été victime d’accident sur un site d’orpaillage dans la zone de Tengrela (Korhogo, Côte d’Ivoire).
Le jeune Ivoirien d’origine malienne a souligné avoir passé 12 jours avec son frère aux urgences du CHU Gabriel Touré et cela lui a coûté près de 1 million de F CFA. Il lui fallait par exemple débourser tous les matins 6 500 F Cfa pour pouvoir voir son frère et essayer de le nourrir avec de la bouillie. «S’il était cupide, Bourama serait multimillionnaire aujourd’hui. Mais, il a mis l’homme au-dessus de l’argent. Sa priorité, c’est soulager et redonner espoir à ses patients et leurs proches», témoigne un notable du village.
Le noble geste de Mme Ami Diallo, une dame de cœur
Et pourtant, exerçant la médecine traditionnelle depuis 25 ans, B. Doumbia est juste un agent d’entretien à ICRISAT (Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides) dont le centre de recherche est à Samanko.
D’où la nécessité d’un appui conséquent de l’Etat et l’importance du soutien de bonnes volontés comme Mme Aminata Diallo dite Ami. Une Malienne résidente à Menton, une commune française du département des Alpes-Maritimes située à la frontière franco-italienne, proche de la principauté de Monaco. Cette battante a tenu à se déplacer pour voir les miracles que le tradi-praticien réalise presqu’au quotidien.
Une visite très émouvante compte tenu de l’état de certains blessés qui sont majoritairement victimes des accidents de circulation.
Ce samedi, Mme Ami Diallo n’avait pas fait le déplacement les mains vides. En effet, elle a offert au tradithérapeute un lot de médicaments et une enveloppe symbolique. Très émue et très humble, Ami n’a pas souhaité s’exprimer sur son geste humanitaire. Elle a juste tenu à remercier les bonnes volontés comme Mme Florence Bachibouzouk dite Flo qui l’aident à collecter ces médicaments auprès de généreux donateurs.
«Les mots me manquent pour situer ce geste à sa juste valeur. Nous ne pouvons que remercier cette brave et courageuse dame du fonds du cœur parce que ce geste est très important pour nous guérisseurs bénévoles. C’est un acte de solidarité qui nous aide à prendre en charge ces patients donc certains arrivent ici pauvres. Dieu a vu ce qu’Ami Diallo vient de nous offrir. Et c’est Allah qui saura mieux la récompenser», a déclaré M. Bourama Doumbia. Et une bénédiction reprise par la vingtaine de personnes qui l’attendaient déjà pour des soins.
Cette visite traduit en tout cas la ligne directrice de la boutique AMIMI SHOP (Ouolofobougou, Rue Dakar) «mettre l’humain au-dessus du profit». Une vision indispensable aujourd’hui pour vaincre de nombreux fléaux (corruption, violence ; trafics…) et freiner la déshumanisation de notre monde !
Moussa Bolly
Une référence pour sauver des handicaps
Les ministères de la Santé et des Transports doivent penser à instaurer une forme de référence entre nos structures de santé et des spécialistes traditionnels comme Bourama Doumbia. Cela épargnerait des accidentés des souffrances atroces et même des risques élevés d’être handicapés à vie au bout d’un long et pénible séjour dans les hôpitaux.
A l’image de ce malade qui témoigne avoir dépensé près de 1,2 millions Cfa dans un hôpital de la place avant que quelqu’un ne lui conseille de se rendre à Samanko.
«Le plus souvent, ces victimes de fractures arrivent chez nous après avoir été longtemps gardés dans des hôpitaux. C’est quand les parents ou les proches n’ont plus les moyens d’assurer les ordonnances salées, qu’on leur conseille de venir nous voir. Cela complique notre tâche parce qu’il est aisé de prendre en charge une fracture fraîche que celle qui a eu lieu des jours voir des semaines avant».
Et pourtant, M. Doumbia est très ouvert à une collaboration. «J’ai besoin de la médecine conventionnelle pour soigner les plaies des fractures ouvertes, des cas de paludisme, de tension… Et les fiches de radio nous aident beaucoup dans le diagnostic et le traitement des fractures. Nous sommes donc complémentaires, les médecins modernes et nous. Et je pense qu’il est indispensable qu’on se donne la main pour soulager rapidement nos patients et à moindre frais», assure Bourama Doumbia.
C’est dire que c’est dans l’autre sens que des efforts doivent être faits. Et surtout dans la plupart des cas, les patients sont gardés par cupidité que pour des nécessités médicales.
Et le Centre que le guérisseur veut bâtir à Ouezzinbougou pourrait être le cadre idéal d’une telle collaboration. En effet, on pourrait y installer une salle de soins, d’imagerie médicale, etc. Le terrain est déjà acquis grâce à la générosité des notabilités d’Ouezzinbougou. Il reste maintenant à construite le centre et à l’équiper.
«Et pour ce faire, nous comptons sur l’aide du gouvernement malien, des Partenaires techniques et financiers (PTF) ainsi que de toutes les bonnes volontés à travers le monde», souligne Boubacar Koné dit BK, de l’Association djamadjigui des patients, ex-patients de fractures des os et leurs sympathisants (ADPEFOS).
L’importance socio-médicale et économique du travail de Bourama Doumbia mérite un vaste élan de solidarité pour rapidement concrétiser ce rêve de réalisation d’un centre de prise en charge.
M.B
Perpétuer l’héritage pour le bien-être de tous
Bourama Doumbia est un atypique tradithérapeute qui œuvre à transmettre son savoir. «Je suis ouvert parce que je ne veux pas être une bibliothèque qui brûle avec ma mort. Je veux que la chaîne du savoir soit prolongée et perpétuée
Je transmets le savoir aux anciens patients qui souhaitent m’épauler et aider leurs semblables», souligne B. Doumbia.
Et d’ajouter, «ce n’est pas facile de transmettre ce savoir à quelqu’un qui n’a pas souffert de fracture. Si je vous donne la formule alors que vous n’avez jamais connu une fracture, vous avez toutes les chances d’en souffrir en rentrant à Bamako ou dans les trois mois suivants. Ce qui n’est pas souhaitable car la cause de cette fracture peut avoir de grandes conséquences collatérales».
Contrairement aux charlatans qui passent tout leur temps sur les radios de proximité pour se vanter, Bourama Doumbia n’est pas dans le culte de la personnalité. Il n’est ni égoïste, ni hypocrite, ni cupide ! C’est pourquoi parmi tous ceux qui ont hérité de cette science de Goundo Balla Diakité de Samaniana (près de 20 km au sud-ouest de Bamako, dans le Mandé), il est presque le seul à pouvoir s’en servir. Et cela parce qu’il n’en a pas fait un fonds de commerce, mais une science au service de son prochain.
M.B
Un coup de pouce à l’économie locale
En dehors de l’immense contribution socio-sanitaire et humanitaire, Bourama Doumbia booste l’économie locale. Ne serait-ce que par le beurre de karité qui est une importante source de revenus pour les femmes rurales.
Les malades sont répartis dans les foyers de Samanko et Ouezzinbougou. «Les villageois nous donnent des chambres entre 2000 et 3000 F Cfa par mois. Une somme que notre association paye quand les patients n’en ont pas les moyens. A Samanko ici par exemple, il n’y a pas présentement une famille où nous n’avons pas au moins un malade», explique Boubacar Koné BK, assistant médias (réseaux sociaux) du tradithérapeute et l’un des responsables de l’Association djamadjigui des patients, ex-patients de fractures des os et leurs sympathisants (ADPEFOS).
Certains patients sont accompagnés de leurs parents. Ils font la cuisine sur place. Une clientèle providentielle pour les vendeuses de condiments du petit marché ainsi que le petit commerce local. Les malades qui ne sont pas accompagnés, sont nourris par les familles qui les hébergent moyennant une contribution financière.
Sans compter l’impact sur la ligne de transport en commun entre Vox-Da (cinéma Vox, au centre-ville) et Samanko/Ouezzinbougou). Comme on peut le constater, l’activité de Bourama Doumbia est une mine d’or pour l’économie.
M.B
Choquer pour sensibiliser
Chez Bourama Doumbia, les malades que nous avons vus ce samedi sont majoritairement des jeunes, des adolescents et des enfants. Et ils sont généralement victimes d’accidents de la circulation avec une forte implication des motos. Malheureusement, ces accidents sont aggravés par les délits de fuite dans la plupart des cas.
Comme celui qui a failli coûter la vie à Mama Konaté, accueillie le vendredi 27 octobre 2017, c’est une gamine renversée par une voiture dont le conducteur avait pris la fuite. Il sera arrêté quelques heures après car un témoin avait eu la présence d’esprit de relever le numéro de sa plaque d’immatriculation.
Ce qui n’attenue pas la souffrance de Mama qui a eu la jambe et la cuisse gauche ainsi qu’une mâchoire fracturées. C’est une gamine apeurée, psychologiquement ébranlée et surtout transpercée par la douleur que nous avons vue crier comme une folle chaque fois que quelqu’un l’approche.
Ces jeunes et adolescents immobilisés pendant des mois doivent inspirer le ministère de la Sécurité et celui des Transports (l’ANASER notamment) dans leurs campagnes de sensibilisation sur la sécurité routière.
Il faut choquer par l’atrocité des images pour rappeler aux jeunes, adolescents que c’est pour éviter de se retrouver dans pareilles situations qu’il leur est conseillé de respecter les règles de la sécurité routière, notamment réduire la vitesse et porter des casques. Qui va lentement, va sûrement ! C’est indéniable !
M.B