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Boubacar Djim Coordinateur National du MSDH, sur le PAG : « Le Premier ministre a assassiné l’espoir »

L’esclavagisme existe au Mali. Des êtres humains classés comme biens matériels pour d’autres. Le Premier ministre a été interpellé sur le phénomène lors de sa présentation du Plan d’Action gouvernemental (Pag). Voici sa réponse : « … Toutes les transformations du genre ont besoin d’une période de sensibilisation, d’explication et après la loi intervient. Ce sont des sujets sur lesquels en 6 mois, on ne peut pas changer beaucoup de choses ». Dans cette interview, le Coordinateur national du Mouvement pour la Sauvegarde des Droits de l’Homme (MSDH), Boubacar Djim réagit et interpelle les plus hautes autorités.

Mali Tribune : M. Djim lors de la déclaration de son Pag, le Premier ministre a été interpellé sur la question de l’esclavagisme au Mali. Il opte d’abord pour la sensibilisation avant la loi. Que pensez-vous la réponse du PM?

Boubacar Djim : Le Premier ministre a vraiment assassiné l’espoir des victimes de cette pratique. L’espoir des familles victimes et les organisations qui luttent contre cette pratique depuis des années. Sortir signifie que l’on n’a pas de temps pour cette pratique, c’est comme si dire « allez-y voir ailleurs ». Dire que la transition ne peut pas gérer cette situation en 6  mois, est révoltant, ahurissant et regrettable de la part d’une autorité de cette envergure. Tous les ministres que nous avons rencontrés, nous avaient promis que le Premier ministre allait tenir compte de la question de l’esclavagisme dans son Pag. Aussi, que le président avait interpellé tous les ministres de s’impliquer davantage sur la question.

Mai Tribune : Existe-t-il au Mali une disposition juridique spécifique contre l’esclavagisme au Mali ?

B D. : La Constitution malienne le dit clairement en son article premier : « Tous les Maliens naissent libres et égaux en droits et devoirs ». Ensuite, elle préconise que toute discrimination fondée sur la race, l’ethnie, le sexe ou la religion est prohibée. Donc, le Mali aujourd’hui, n’a pas besoin d’instrument approprié pour éradiquer cette pratique. Le Mali a aussi ratifié l’ensemble des conventions internationales  sur la traite des personnes et les droits humains au niveau de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des peuples. Le problème est qu’il n’y a pas de mécanisme chargé de veiller  au respect de ces conventions au Mali.

Mali Tribune : Le Code pénal malien prend-t-il cette pratique en compte ? Peut-on porter plainte pour l’esclavagisme au Mali ?

B D. : Le Code pénal malien en son état ne prend pas l’esclavage comme infraction. Nous avons mené des luttes en ce sens, mais l’Etat peine à faire bouger les lignes. Les plaintes contre l’esclavagisme n’existent pas. Elles sont irrecevables. Les faits sont simplement requalifiés de discrimination raciale.

Il faut aussi ajouter qu’il eût un avant-projet de loi qui a été bloqué au niveau du Conseil de ministres. Là-bas il a été décidé que cette pratique est culturelle. C’est une pratique qui date depuis des années. Elle ne doit pas être traitée juridiquement. Il faut utiliser les méthodes de gestion de crise locale (sensibilisation). Aujourd’hui, c’est envisagé d’être inséré directement dans le Code pénal malien car ça ne passerait pas en une loi spéciale. C’est un projet.

Par contre, il y a des infractions qui découlent de l’esclavagisme au Mali qui sont punies par la loi.  Les coups et blessures volontaires, l’incitation à la violence et à la haine, les assassinats, les incendies volontaires, etc.

Mali Tribune : Est-ce-que les femmes et les enfants sont touchés par cette pratique ? Sont-ils aussi victimes ?

B D. : A chaque fois qu’il y a des révoltes contre cette pratique dans certaines communautés, il y a des répercussions sur les femmes et les enfants. Car très généralement, tous les hommes sont en voyage à l’extérieur. Depuis 3 mois, nous avons 93 personnes, toutes des femmes et des enfants qui ont fui leur village dans la région de Kayes et sont hébergés à la Cité des enfants suite à une insurrection. Parce que tout simplement leurs maris ou pères étant à l’extérieur, ont refusé le statut d’esclave. En plus de cela, les enfants et les femmes de ceux qui sont considérés esclaves, sont automatiquement esclaves à leur tour. Ils sont au service de leurs maîtres. Les femmes au service des femmes des maîtres. Les enfants esclaves pour les enfants des maîtres. Ils sont livrés aux travaux ménagers, au labour des champs, entre autres.

Mali Tribune : Existe-t-il des violences basées sur le genre dans ces pratiques ?

B D. : Oui bien sûr. Ceux qui sont maîtres viennent abuser sexuellement des femmes esclaves de force, sans leur consentement. Elles ont souvent des enfants nés de ces relations et non-reconnus par les maîtres violeurs. Lesdits enfants sont à la charge de la femme victime d’abus ou viols sexuels et n’ont jamais le droit d’en parler sans être battues ou autre. Les femmes esclaves sont à la disposition de leur maître comme un objet sexuel. Pour eux, l’esclave, sa femme et ses enfants sont des biens matériels qui leur appartiennent.

Mali tribune : Des filles mineures sont-elles aussi visées par ces viols et abus sexuels?

B D. : En ma connaissance non. Je ne pense pas. Mais, c’est une probabilité. Nous, c’est avec des femmes, que nous avons des statistiques très garnies. Quand même, pour les filles aussi, c’est possible. Car, ils sont capables de tout, ces gens-là.

Mali tribune : Un dernier mot M. Djim ?

B D. : Nous avions fondé tout notre espoir sur le Premier ministre Choguel Maïga, mais il a assassiné l’espoir des victimes des pratiques esclavagistes et les organisations qui luttent contre ce fléau au Mali. Nous allons quand même continuer  notre lutte pour que l’esclavage soit considéré comme une infraction au Mai et puni par la loi. C’est cela, notre objectif final. Nous espérons que les autorités compétentes réagiront pratiquement à toutes nos préoccupations et dans les plus brefs délais. C’est difficile de dire à ces victimes d’attendre encore 6 mois.

Propos recueillis par

Koureichy Cissé

Source: Mali Tribune

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