En 2014, IBK, après une année de fonction à la tête du pays, déclarait dédier cette année à la lutte contre la corruption. Et c’est cette même année que l’affaire dite de l’acquisition de l’avion présidentiel et de fournitures d’équipements militaires a été engagée par le régime.
A l’époque, l’un. de ses plus grands soutiens, en l’occurrence Soumeylou Boubèye Maïga, était le ministre de la Défense et des anciens combattants. Ce dernier deviendra par la suite, après des déboires judiciaires en France, son Premier ministre, le cinquième en cinq ans, et qui sera, vaille que vaille, l’artisan de sa réélection, auréole peu glorieuse au regard des fraudes qui ont émaillé le scrutin présidentiel de cette année 2018. La scabreuse affaire de l’achat de l’avion présidentiel viendra s’ajouter à un autre gigantesque bonneteau financier digne des plus grands cartels mafieux de la Sicile, sous le couvert de la Loi d’orientation et de Programmation Militaire (2015-2019) qui se révélera être le plus grand scandale financier de l’ère démocratique, trente ans de magouilles et de pillages de l’Etat malien qui se trouve dans un état grabataire. Pour élucider cette affaire qui sentait des odeurs d’irrégularités, les partenaires financiers du Mali avaient exigé une enquête. Celle-ci avait commencé à porter ses fruits. Hélas, elle fut arrêtée en bon chemin parce que les mis en cause étaient les « enfants bénis de la République ». Il a fallu que SBM soit chassé du pouvoir par des poussées populaires qui l’ont contraint de jeter l’éponge en avril 2019, juste 24 heures près d’une motion de censure déposée à l’assemblée nationale. Le fameux dossier classé sans suite put être ainsi rouvert sous la houlette d’un nouveau ministre de la justice ; l’affaire que l’on croyait étouffée à jamais revint au-devant de la scène. Le principal mis en cause, ancien redoutable directeur de la Sécurité d’Etat, ancien super ministre de la défense et divin Premier ministre, considéré par tous depuis 30 ans comme hyper puissant, intouchable, craint de tout le monde comme de la peste, si ce n’est pas de l’Ebola et du Coronavirus, vaguait librement à ses occupations, dans un mépris royal au grand dam des citoyens maliens. Il a fallu la prise en main de l’effectivité du pouvoir par le colonel Assimi GOÏTA et ses camarades pour que le peuple sache que nul ne sera plus au-dessus de la loi, qu’il est impossible que Tigre et hérisson continuent à être libres de leurs murs crépusculaires. Fini le temps des «stratèges prédateurs » ! Soumeylou Boubèye MAIGA, l’ancien Premier ministre d’IBK de 2017 à 2019, est un justiciable.
En décidant de « mettre hors prérogatives » le premier président de la transition, Bah NDaw, et son Premier ministre, Moctar Ouane, le 24 mai 2021, le colonel Assimi GOÏTA et ses camarades ont avancé dix points comme justification à l’action de rectification qu’ils ont dû opérer. Le troisième point de cette opération évoquait le refus de mettre aux arrêts certains dignitaires du régime défunt, celui d’IBK, noyés dans les affaires opaques, voire carrément crapuleuses. Une de ces affaires révoltantes est celle relative à l’achat d’un aéronef (Boeing 737) et des équipements militaires en 2014, une affaire qui représente plus de 130 milliards de F CFA. Colonel Assimi GOÏTA est en train de concrétiser cet engagement, qui n’avait point préoccupé Bah NDAW et Moctar Ouane, par la réouverture retentissante du sulfureux dossier. Une réouverture qui est allée au pas de charge en commençant par prendre à la gorge celui qui est considéré comme le géant du cartel, l’ancien chef du gouvernement, Soumeylou Boubèye Maïga, mis sous mandat de dépôt, suite à une convocation devant la section judiciaire de la Cour suprême, le jeudi 26 août 2021, et suivra Mme Bouaré Fily Sissoko, ministre de l’économie et des finances au moment des faits en 2014. Soumeylou Boubeye Maïga doit répondre de cinq chefs d’inculpation : faux, corruption, favoritisme, abus de confiance et trafic d’influence. Quant à Mme Bouaré Fily Sissoko, elle est inculpée d’atteinte aux biens publics, faux et usage de faux, favoritisme, népotisme et corruption.
Pour réarmer nos forces armées et acquérir un nouvel avion de commandement, IBK fraichement élu a pris une décision qui s’est muée en scandale financier.
En 2013, au constat du sous-équipement de l’armée, le Président de la République, IBK, a décidé de doter l’armée en moyens (équipements, tenues). A l’époque, les ressources de l’Etat ne lui permettaient pas de réaliser cette ambition. Il fallait alors avoir recours à un fournisseur qui pouvait assurer la fourniture des équipements et les matériels et qui acceptait d’être payé sur trois (3) ans avec un différé. C’est ainsi qu’un intermédiaire fut indiqué au ministère de la Défense par la Présidence de la République. Bien que cette instruction devait être sans discussion car venant du chef suprême des armées, le ministère de la Défense a néanmoins exigé un mandat écrit, qui fut donné par la Présidence de la République sous la signature du Directeur de cabinet (Mandat en date du 5 novembre 2013). Comme habituellement, le ministère de la Défense passait les marchés du genre sous le chapitre de l’article 8 du Décret n° 08-485 du 11 août 2008 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des Marchés publics et des Délégations de Services Publics (Code des Marchés Publics) qui met hors du champ d’application dudit code les marchés couverts par le secret-défense. Les deux marchés ont consisté en l’acquisition d’un aéronef, de matériels roulants, d’Habillement, de Couchage, de Campagne et d’alimentation (HCCA). L’aéronef a été acquis à 36 750 000 dollars US et les matériels à 69 183 396 474 FCFA dont 35 116 529 474 FCFA pour les matériels roulants et 34 066 867 000 FCFA pour les matériels HCCA. Avant la conclusion du marché, le ministre de l’Economie et des Finances a pris le soin de requérir l’avis de la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics, seule administration chargée de juger de la légalité et de la conformité à priori des marchés publics. Dans sa réponse, objet de la lettre n° 00149/MEF-DGMP-DSP du 19 décembre 2013, celle-ci a indiqué que les marchés pouvaient bel et bien être passés sous le chapitre de l’article 8 du Décret n° 08-485 du 11 août 2008 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des Marchés Publics et des Délégations de Services Publics (Code des Marchés Publics). Ainsi a été conclu le marché d’acquisition d’un aéronef et de fourniture aux forces armées maliennes de matériels roulants, d’Habillement, de Couchage, de Campagne et d’Alimentation (HCCA).
Face à la complexité du marché, les partenaires financiers ont exigé des missions de contrôle pour mieux comprendre.
La dépense au titre de l’avion n’ayant pas été budgétisée et n’apparaissant ainsi pas dans le Tableau des Opérations Financières de l’Etat (TOFE), les partenaires ont demandé une enquête. C’est ainsi que le Bureau du Vérificateur Général (BVG) et la Cour suprême ont été commis, et ils ont procédé, chacun de son côté, à des investigations et ont rendu rapports. Le Bureau du Vérificateur Général, dans son rapport du 27 octobre 2014, a relevé des manquements concluant à des irrégularités et a retenu des infractions. Selon lui, les irrégularités financières s’élevaient à 28 549 901 190 FCFA, dont 24 120 371 247 FCFA de surfacturations, 349 548 538 FCFA de montant indument payé à SKY COULOUR, 1 028 039 063 FCFA au titre du favoritisme. Mais, le BVG a décidé de dénoncer à la justice la somme de 12 422 063 092 FCFA, dont 9 350 120 750 FCFA au titre de la fraude, 2 633 093 436 FCFA et 438 848 906 au titre de la fraude fiscale. Quant à la Cour Suprême, dans son rapport en date du 15 septembre 2014, signé d’un membre de la Section administrative et de deux de la Section des comptes, elle n’a pas tiré les mêmes conclusions que le BVG pour dire ainsi quelle n’a pas dit qu’il y a eu irrégularités et n’a donc pas retenu d’infractions. Bien au contraire, elle a affirmé que les marchés étaient sous-tendus par les textes en vigueur en République du Mali et a fait le constat que certains textes régissant les finances publiques souffraient de vide juridique. Elle a, en substance, conclu que « Les opérations d’acquisition de l’aéronef, des équipements et matériels militaires sur le plan de la légalité, sont sous-tendues par des textes en vigueur en République du Mali. Cependant, sur le plan réglementaire, les dispositions de certains textes sont violées, à savoir : les paiements sans ou avant ordonnancement ; l’emprunt ; et le visa du Contrôle financier. Dune manière générale, la mission a constaté que certains textes régissant les finances publiques souffrent de l’existence d’un vide juridique, à savoir : l’absence d’orientation sur les textes complémentaires à prendre ; l’absence de prise ou de prise avec beaucoup de retard des textes d’application assortis des lois et décrets ».
Une affaire à plusieurs rebondissements, suivie d’étouffements de la part des autorités politiques d’alors, avant d’être mise sur la sellette en cette fin de mois d’aout 2021
La phase judiciaire du dossier a connu deux aspects : un pénal et un civil. Sur le plan pénal, des informations judiciaires ont été ouvertes en France et au Mali. Le principal intéressé, Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la Défense et des Anciens Combattants à l’époque des faits, a été entendu à Paris où il a fait une garde à vue de deux jours. La justice française, qui ne peut pas être soupçonnée de partialité et d’être sous influence, a décidé de classer le dossier sans suite. Soumeylou Boubèye Maïga et certains autres protagonistes ont été entendus à l’unité d’enquêtes du Pôle économique du Parquet de Bamako. Ces enquêtes, à la clôture des investigations, ont fait l’objet du Procès-verbal n° 016/BER-PEF du 11 avril 2015. La justice malienne, à travers le Parquet près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier de Bamako, a décidé elle aussi de classer le dossier sans suite, suivant l’Avis de classement sans suite du 23 novembre 2018. Le classement sans suite est la décision prise par un magistrat du parquet de ne pas donner suite à une affaire, conformément au principe d’opportunité des poursuites. Les principaux motifs sont l’absence d’infraction ou la prescription. Le dossier de l’acquisition d’un aéronef et de fourniture aux forces armées maliennes de matériels d’Habillement, de Couchage, de Campagne et d’Alimentation (HCCA) n’était toujours pas prescrit. L’on doit donc comprendre qu’il n’y avait pas d’infraction. Ces différents classements sans suite ont indiscutablement disculpé et blanchi les mis en cause.
Par la suite, certains ont estimé que le dossier devait être rouvert. Cela a été fait en 2019 sur instructions écrites du ministre de la Justice d’alors, Malick Coulibaly. Cette réouverture a été une première dans l’histoire judiciaire du Mali. En tout cas, elle a été irrégulière, donc illégale comme l’a constaté la Cour suprême au regard des conditions qui l’ont entouré, qui étaient critiquables et contestables. En effet, aux termes de la loi n° 01-80 du 20 août 2001, modifiée par la loi n° 2013-016/ du 21 mai 2013 portant Code de procédure pénale, un dossier classé sans suite ne peut faire l’objet que de recours, à savoir une plainte avec citation directe devant le Tribunal correctionnel en matière de délit ou une plainte avec constitution de partie civile en toute matière devant le Doyen des Juges d’instruction, ce conformément aux articles 63, 62 et 64. Comme disposé à l’article 53 du code selon lequel « Lorsque le procureur de la République classe une plainte sans suite, il doit adresser un avis de cette décision dans un délai de huit jours au plaignant. Cet avis comporte, notamment, le motif du classement sans suite, la référence du numéro sous lequel l’affaire a été portée au registre des plaintes l’indication des voies judiciaires qui restent ouvertes à la partie plaignante ». Cette prescription a été observée par le Procureur de la République. En effet, dans l’Avis de classement sans suite du 23 novembre 2018, il a fait connaitre au Directeur Général du Contentieux de l’Etat, la partie civile, qu’il lui restait ouvertes « les voies de plainte avec citation directe devant le Tribunal correctionnel en matière de délit ou de la plainte avec constitution de partie civile en toute matière devant le Doyen des Juges d’instruction de céans pour faire valoir vos droits et, ce conformément aux dispositions des articles 63, 62 et 64 du Code de procédure pénale ».
Echec aux manœuvres d’étouffement
Ainsi, bien que n’étant pas le plaignant, donc ne pouvant légalement pas poursuivre la réouverture du dossier, le ministre de la justice, s’il voulait que le dossier soit rouvert, ne pouvait et ne devait que suivre les voies de recours indiquées par l’Avis de classement sans suite qui s’impose à tous. Par ailleurs, les droits des mis en cause ont été violés car ils n’ont été informés ni personnellement, ni par personne interposée de la réouverture du dossier et de surcroît de la désignation d’un juge d’instruction. Or, la loi n° 01-80 du 20 août 2001, modifiée par la loi n° 2013-016/ du 21 mai 2013 portant Code de procédure pénale dispose clairement à son article 1 que « La procédure pénale doit être équitable, contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties », et surtout à son article 2, à propos de la personne suspectée ou poursuivie que « Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un conseil». Le procureur a ouvert une information et le dossier a été confié à un Juge d’instruction. Celui-ci a enquêté et a décidé que les mis en cause devaient comparaître devant la Haute cour de justice pour certains et devant la Cour d’assises pour d’autres. Au regard de la violation manifeste de la loi, certains actes de procédure ont été annulés d’abord par la Cour d’appel de Bamako (Arrêt n° 209 du 21 avril 2020) et tous les actes ont par la suite été annulés par la Cour suprême (Arrêt n° 13 du 15 mars 2021). Ce qui met fin, et définitivement, au dossier de l’acquisition d’un aéronef et de fourniture aux forces armées maliennes de matériels d’Habillement, de Couchage, de Campagne et d’alimentation (HCCA). Cependant, il est important de noter que sur le plan civil, l’affaire a connu une autre tournure. La Cour d’appel de Bamako a condamné par deux fois l’Etat du Mali à payer au fournisseur son dû (Arrêts n° 027 du 25 janvier 2018 et n° 302 du 24 mai 2018). La Cour Suprême (à travers la Section administrative) a, dans le même dossier, condamné l’Etat du Mali à payer à la société Guo Star Mali Sarl la somme de 25 990 006 510 F CFA (Arrêts n° 027 du 25 janvier 2018 et n° 302 du 24 mai 2018). Au regard de toutes ces décisions au pénal comme au civil, les mis en cause dans ce dossier ont cru qu’ils sont blanchis à jamais et, jusqu’à ce que le principal, Soumeylou Boubèye Maïga, se soit permis sur le plateau dune chaîne TV, de dire que le dossier est totalement clos. Dès le lendemain de cette déclaration, le procureur général près la Cour suprême a réagi à travers un flash spécial en ces termes : « Le dossier n’est pas clos contrairement aux informations qui ont circulé ces derniers temps sur les réseaux sociaux ». Dans son intervention, Mamadou TIMBO fait la genèse de l’affaire sur le plan judiciaire et affirma détenir de nouvelles preuves contre Soumeylou Boubèye Maiga. Il dit aussi vouloir s’assurer que justice sera faite avant que les faits ne soient prescrits, « car rien n’est plus dangereux pour la bonne santé d’une République que l’impunité ». Dès le lendemain de cette intervention, le principal mis en cause a reçu une convocation devant la chambre d’accusation de la Cour suprême. Accompagné de son avocat, Kassoum TAPO, défenseur attitré des barons du régime défunt, Soumeylou Boubèye Maïga s’est rendu pour une comparution devant Fatogoma Théra, président de la section judiciaire de la Cour suprême. Une comparution qui a débouché sur sa mise sous mandat de dépôt le jeudi, 26 août 2021. Dans la foulée, Mme BOUARE Fily SISSOKO, ministre de l’économie et des finances au moment des faits, a subi le même sort. D’autres « gros poissons » sont attendus dans les jours à venir pour être interrogés au niveau de l’institution judiciaire suprême du pays.
Le temps de l’épuration
A noter que depuis la prise du pouvoir par Colonel GOÏTA et ses camarades, plusieurs personnalités de l’ancien régime soupçonnées de détournements et autres crimes ont été inquiétées. Certaines sont déjà sous mandat de dépôt : Général Moussa Diawara, ancien patron des services de renseignements (Lhomme qui a fêté son cinquantième anniversaire avec faste en invitant des artistes étrangers transportés par jet privé. Selon un article publié sur le site centrafrique-Presse.com le 03 septembre 2020 à 01 h 54 mn qui se réfère à des sources sécuritaires concordantes au Mali mises à jour le 31 juillet 2019 par les conseillers militaires des ambassades des USA et de France au Mali, Moussa Diawara est en tête des généraux milliardaires du Mali avec une fortune estimée à 70 milliards de F CFA avec des appartements au Mali, Sénégal en Côte d’ivoire, Burkina Faso, France, Espagne, Canada ; 05 champs, 01 société de transport de carburant et des magasins de prêt à porter au Mali), et aussi le milliardaire Adama Sangaré, puissant Maire de la capitale malienne. En sus, un mandat d’arrêt international a été lancé contre Karim Keïta, le fils de l’ancien chef de l’Etat et non moins président de la commission-défense et de sécurité de l’assemblée nationale, reconnu par une grande majorité des populations comme étant le cerveau de plusieurs scandales financiers. Des actes qui donnent de l’espoir au peuple quant à la bonne gouvernance à travers la traque des responsables qui ont sucé le sang de notre pays. La voix de Goïta a sonné le temps de l’épuration.
Al-Hassan Bah
Luc Sidibé
Source : Le National