Dans la nuit du mardi au mercredi 16 septembre, Monsieur El Hadj Diallo, éleveur domicilié à Boni, chef-lieu de la Commune du Haïré située dans le Cercle de Douentza, aura échappé bel.
Il était environ une heure du matin quand il fut violemment réveillé par des visiteurs armés dont quelques-uns étaient armés de fusils de guerre. Tiré de sa chambre, il est sommé de se coucher à plat ventre dans sa cour, sous le regard consterné de son épouse apeurée. Il ne peut identifier les bandits qui sont tous cagoulés et habillés de façon étrange.
« Remets-nous ton argent, tout ton argent », ordonne tranquillement un des bandits. El hadj jure qu’il ne possède pas un rotin et qu’il a même du mal à nourrir régulièrement sa famille. Il lui demande ensuite son téléphone, ce qu’il remit sans se faire prier, l’arme pointée sur lui.
Sur ce, les bandits prennent congé du couple pas avant de lui nouer solidement les bras derrière le dos, avec interdiction faite à sa femme et à toute personne de lui porter secours. El Hadj se débat seul, avec ingéniosité, celle qui caractérise tout bon berger, il arrive à se soulager légèrement de l’étreinte douloureuse de la corde. Il est presque délivré quand un des braqueurs surgit encore dans la cour. Il demande à sa victime de lui donner le code de sécurité du téléphone qui se trouve verrouillé. El hadj, le supplie de lui délacer les mains pour qu’il trouve dans cette posture la possibilité de déverrouiller lui-même le téléphone. C’est ce faisant que son épouse, dans un acte de bravoure extraordinaire, surgit avec un pilon et assena quelques coups sur la tête du bandit qui s’écroula. El Hadj se dégagea de sa corde et parvient à maitriser l’intrus. Les voisins enfin rassurés l’aidèrent à le ligoter. C’est au cours de cette opération que, finalement revenu à lui, le bandit commença à appeler ses complices pour qu’ils lui viennent en aide. Il héla plusieurs un de ses complices l’invitant à venir faire usage de son arme pour le sauver. Ce dernier se sentant démasqué a plutôt préféré prendre la fuite.
La jeunesse de la ville est aussitôt saisie. Elle enquête et parvient à identifier et à arrêter quelques membres du gang. Le chef du gang n‘était pas sur place au moment de ce énième coup, une chance inouïe pour les victimes, car comme beaucoup d’autres, le braquage aurait pu se terminer dans un bain de sang.
Les populations sont encore sous le choc.
Certains jeunes parmi les bandits démasqués ne sont pas à leurs premières forfaitures. Ils ont eu une enfance sulfureuse marquée de petits cambriolages ou de vols de petits bétails. Mais ce nouveau mode opératoire, digne des terroristes, prenait tout le monde de court.
Les bandits sont donc mis sous surveillance rigoureuse de la jeunesse de la ville en attendant qu’un accord soit trouvé sur la suite à donner à leur sort. Les jeunes sont profondément divisés. Il y’a ceux qui, plusieurs fois endeuillés par des homicides jamais élucidés, sont pour une solution radicale. D’autres sont en faveur de leur remise entre les mains des services de sécurité, ils sont minoritaires, car, soutient-on, les bandits sont aussitôt libérés et reviennent menacer ou même agresser leurs dénonciateurs. C’est dans l’attente d’un consensus que la réunion est soudainement troublée par l’arrivée d’hommes lourdement armés. Ils déclinent aussitôt l’objet de leur présence impromptue et obligent les jeunes à leur remettre sans condition les bandits arrêtés. Ils promettaient de les remettre aux autorités religieuses, très actives dans la zone au point de ravir la compétence aux structures étatiques.
Ils s’en allèrent avec les malfrats sous le regard désabusé d’une jeunesse qui est en passe de perdre tout espoir de vivre encore dans la quiétude et le bien-être d’antan.
Mais que sait-on des jeunes gens qui se sont retrouvés comme par enchantement sur le chemin infect du grand banditisme ?
– Alou Nassourou dit Dourè, il a légèrement dépassé la vingtaine. Né d’une bonne famille de la ville. Très jeune, il est reconnu pour des actes anodins de crapulerie, conséquence d’une enfance choyée et débridée.
– Mana Hamaré Tamboura, multirécidiviste. Envoyé très jeune dans le Bourgou du Massina pour des études coraniques, il y resta plus d’une dizaine d’années avant de retourner au bercail. S’il a parfaitement appris le Coran, il n’en a pas eu l’éducation souhaitée. La ville ne tarde pas à découvrir en lui, un féru du plaisir, désœuvré mas disposant toujours les moyens de son confort. Il est impliqué dans plusieurs affaires de vol, mais parvient toujours à se tirer d’affaire par des « arrangements » dont il a seul le secret.
– Mamoudou Boucary Diallo, la vingtaine assumée. Il est né à Linkaïna, un village de la commune du Haïré. Sa famille a fui le village pour la ville de Boni à cause de l’insécurité née des affrontements incessants entre communautés. Mais cette vie citadine est lancinante pour le jeune berger. Le dénuement, la faim et le désœuvrement contribuent à la marginalisation du jeune et à sa tentation par le banditisme qui est devenu aujourd’hui une activité comme toutes les autres au centre de ce qu’il convient toujours d’appeler par honneur, le Mali.
– Bouba Hama Limbo, né dans une famille haoussa venue du Niger et établie à Boni depuis fort longtemps. Il est cité comme complice pour avoir vendu aux bandits les cagoules qu’ils portent au moment de leurs forfaitures. L’intéressé est connu pour être revendeur de bricoles en tant qu’antiquaire de profession. La cour qui devait siéger sur leur cas a estimé qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour son inculpation et l‘a libéré aussitôt.
Mais qu’est-ce qui explique cette soudaine attirance des populations vers les cours de justice traditionnelles qui sont très souvent dans le viseur des autorités gouvernementales qui assimilent le radicalisme identitaire au terrorisme religieux ?
Il est grand temps que l’État pose un regard plus objectif sur les réalités communautaires au lieu de les lire dans un prisme imposé à dessein par des « Forces intéressement amies ».