L’après-midi du samedi 3 mai 2025 restera gravé dans les mémoires politiques récentes du Mali. Ce jour-là, un rassemblement de plusieurs partis politiques et organisations citoyennes, prévu au Palais de la Culture Amadou Hampâté Bâ de Bamako, n’a pas pu se tenir comme initialement annoncé. Un impressionnant dispositif sécuritaire déployé dès le début d’après-midi a empêché les participants d’accéder à la salle prévue pour le meeting. Malgré cela, les partisans du retour à l’ordre constitutionnel ont manifesté leur détermination dans le calme, la discipline et la ferveur républicaine.
Une mobilisation pacifique stoppée aux portes
Bamada.net-Bamada.net-Dès 14 heures, des barrages policiers ont été installés aux alentours immédiats du Palais de la Culture. La route menant au lieu de rassemblement a été encadrée par des forces de l’ordre effectuant des fouilles minutieuses. Du premier pont Martyrs à l’entrée principale, les manifestants étaient filtrés, fouillés, et souvent refoulés, les sacs à main même passés au peigne fin. La grande salle, censée accueillir le meeting, est restée inaccessible.
Pourtant, les participants, composés de membres de plusieurs partis politiques, de jeunes engagés et de leaders d’opinion, n’avaient ni slogans hostiles à des nations étrangères, ni drapeaux autres que celui du Mali. La manifestation, selon les organisateurs, se voulait pacifique, républicaine, et strictement axée sur les enjeux internes du pays : la démocratie, l’État de droit, et le respect des engagements de la transition.
Une jeunesse debout et des leaders acclamés
« Nous ne voulons pas d’affrontement, mais nous ne reculerons pas », a déclaré Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti YELEMA, acclamé par la foule présente. À ses côtés, Cheick Oumar Doumbia dit COD, symbole d’une jeunesse militante responsable, s’est vu porté par la foule, applaudie pour son calme et la justesse de son discours.
Sur place, on pouvait lire sur les pancartes : « Vive la démocratie », « À bas la dictature », « Le peuple malien est debout ». Aucun appel à la haine, aucune insulte, aucune banderole à caractère violent : uniquement un appel fort au respect des principes républicains. Les militants affirmaient être présents depuis la mi-journée, certains prêts à tenir jusqu’à la nuit.
Une contre-manifestation favorable à la Transition
À quelques mètres du lieu, un petit groupe de jeunes partisans de la Transition s’était mobilisé, scandant des slogans à la gloire du président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta, et du regroupement régional AES (Alliance des États du Sahel). « Le peuple ne veut plus de politiciens corrompus ! », lançaient-ils, affirmant défendre une nouvelle gouvernance affranchie des pratiques du passé.
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Cette présence parallèle, bien que numériquement plus modeste, a renforcé la tension ambiante, sans toutefois donner lieu à des affrontements physiques. Les forces de l’ordre ont contenu les deux camps avec fermeté mais sans violence.
Une dispersion progressive, mais des convictions intactes
Vers 15h30, après plusieurs tentatives de regroupement sur des espaces voisins, dont un terrain de football adjacent au Palais, les forces de sécurité ont dispersé les militants, toujours dans le calme. Samba Coulibaly, président du parti Nouvel Espoir pour le Mali (NEMA), a alors appelé au retour à la maison dans le calme : « Notre combat est pacifique. L’histoire retiendra notre position responsable. »
Un contexte politique tendu
Cette mobilisation intervient dans un contexte politique marqué par une série de décisions controversées. Le 30 avril 2025, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi visant l’abrogation de la Charte des partis politiques, texte fondamental qui régit depuis 2005 la vie des formations politiques au Mali. En parallèle, les conclusions du Forum des Forces Vives du Mali, tenu sur initiative des autorités de la transition, ont proposé la suspension du processus électoral, la dissolution de tous les partis politiques et l’élévation du chef de l’État de la Transition au rang de président pour cinq années sans passer par les urnes.
Des propositions jugées « anticonstitutionnelles » par l’opposition, qui y voit une tentative d’instauration d’un pouvoir de fait, affranchi de toute légitimité démocratique.
Des partis politiques vent debout
Parmi les formations présentes au meeting interdit, le Parti pour l’Action Civique et Patriotique (PACP), dont l’un des membres influents, Fouraba Samaké, a salué la mobilisation. Dans une déclaration à Bamada.net, il a précisé :
« Nous avons répondu à l’appel à la démocratie lancé par plusieurs partis politiques, en participant à ce meeting citoyen. Malgré l’interdiction, nous avons tenu à exprimer notre attachement aux principes républicains. Aucune provocation n’a émané de notre côté. Notre position est claire : non à la dissolution des partis politiques, oui à l’État de droit. »
Même son de cloche du côté de la coalition Sahel Démocratie, pour qui l’adoption du projet de loi sur la charte des partis est une « mise à mort du pluralisme ». Pour Ismaël Sacko, président du PSDA en exil, il s’agit d’un tournant inquiétant :
« Nous assistons à une concentration du pouvoir sans garde-fou. Ce n’est plus une transition, c’est une installation durable sans légitimité. »
Un climat d’inquiétude, mais aussi d’espérance
Malgré le verrouillage du Palais de la Culture, les partisans de la démocratie n’ont pas fléchi. Pour beaucoup, cette mobilisation représente un signal fort envoyé aux autorités : le peuple malien demeure vigilant, attaché à ses droits et soucieux de préserver les acquis démocratiques de ces dernières décennies.
Si l’interdiction du meeting a marqué les esprits, elle a surtout renforcé la conviction de nombreux citoyens : celle que le Mali ne peut avancer sans débats ouverts, sans respect des libertés fondamentales, et sans institutions légitimes.
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BEH COULIBLY
Source: Bamada.net