Les populations de Gao pensaient peut-être avoir déjà suffisamment souffert des meurtres récurrents perpétrés souvent en plein jour; des vols en tous genres encouragés par la passivité des autorités régionales; sans oublier la rupture de ce qu’on appelle la route Gao- Sévaré, qui les oblige à passer par Niamey puis Ouaga avant de rejoindre Bamako en se faisant au passage mille fois insulter et rançonner à chaque poste de contrôle.
Or, voilà qu’un évènement grave s’invite depuis moins d’une semaine dans le lot des problèmes : le conflit entre les Imghads et des Peuls du Gourma vient de faire une irruption spectaculaire à Gao. En ce moment même, plus d’un millier de bovins enlevés à des Peuls par des Imghads sont emportés à Bagoundjè, à environ trois kilomètres du bureau du gouverneur de Gao, et sont en train d’être vendus à la sauvette généralement à des bouchers cupides, à des commerçants ou des particuliers sans scrupules.
Jusqu’ici les Peuls spoliés, sans doute par méfiance, n’ont officiellement saisi ni les autorités du Mali dont les voleurs en question sont perçus comme des alliés, ni les militaires français de Barkhane qui ont parfois été entraînés dans combats à caractère intercommunautaire, et encore moins les Casques bleus de la Minusma.
A l’heure actuelle, aucune action du gouverneur de la région de Gao n’a été rendue publique. Ni aucun effort des forces de sécurité pour saisir les animaux volés et arrêter les auteurs de cette razzia dont le trophée est honteusement brandi au nez et à la barbe de l’Etat malien, juste à côté des bureaux des autorités régionales de Gao.
Par ailleurs, dans plusieurs mosquées de Gao, les imams ont rappelé aux musulmans la stricte interdiction non seulement d’acquérir les bêtes volées, mais aussi l’obligation de s’assurer que la viande servie à table aujourd’hui ou pendant la fête de Ramadan ne provienne pas des vaches volées.
Le vol de ces vaches intervient dans un contexte d’attaques et représailles sanglantes entre des tribus peules et imghad dans une vaste région allant de Hombori aux abords de la ville de Gao.
Il y a quelques mois déjà, à l’entrée nord de la ville de Gao, des hommes appartenant à un mouvement armé signataire de l’Accord convoyant des vaches volées ont été, suite à un accrochage mortel avec des éléments de la CMFPR1, poursuivis jusque dans la maison de Azaz Ag Loudagdag. Cet incident qui avait failli provoquer des émeutes à Gao été classé sans suite. Et les vaches ont disparu entre le commandant de brigade et le procureur de Gao. En effet, nous craignons aujourd’hui que ces mille vaches volées ne disparaissent dans le même circuit.
Si l’Etat malien continue de fermer les yeux sur les agissements de ces bandes de criminels qui opèrent jusque dans le centre-ville de Gao, malgré l’indignation générale des populations, plus personne ne verra l’utilité de sa présence, ni une quelconque crédibilité de ses représentants. Peu importe que ces derniers soient complices ou impuissants.
Idrissa Maiga
Source: Malijet