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Audience publique de la Commission vérité, justice et réconciliation : Pour la mémoire des victimes

Au total, quatorze témoignages ont été faits, devant la troisième audience publique de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) qui s’est déroulée, samedi dernier, au Centre international de conférences de Bamako sous le thème : «les disparitions forcées».

 

Les audiences publiques de la Commission visent, notamment, à rendre aux victimes leur dignité et faciliter un début de guérison, en reconnaissant publiquement ce qui leur est arrivé, promouvoir la reconnaissance nationale des victimes et l’intégration de leurs récits à la mémoire et à l’histoire nationales.

Dans son intervention, le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé, a rappelé l’article 7 point i du statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui considère comme disparitions forcées les cas où «des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un Etat ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou l’assentiment de cet Etat ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée». D’après M. Sidibé, les disparitions forcées ne sont ni l’apanage d’un régime politique ni d’un acteur institutionnel en particulier. «Les rébellions, coups d’Etat, tentatives de coups d’Etat et autres crises politiques sont, hélas, accompagnés bien souvent de disparitions forcées», a-t-il regretté.

De son côté, la ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Mme Bintou Founé Samaké, qui a présidé l’ouverture des travaux, a rappelé que la paix et la réconciliation nationale sont au cœur de la Transition.

LIBERTE ET SECURITE DE LA PERSONNE – Il s’agit d’un objectif prioritaire des autorités de la Transition, « en réponse à une attente forte de nos concitoyens meurtris par une crise multiforme qui a fragilisé le fondement même de notre nation, héritière pourtant d’une tradition multiséculaire, de tolérance, d’humanisme et de vivre ensemble ». «Aujourd’hui, plus que jamais, l’ensemble de nos concitoyens doivent comprendre la nécessité de protéger la liberté de la personne et de sa sécurité, qui demeurent des biens précieux, essentiels pour tous les êtres humains», a-t-elle martelé.

En outre, la ministre a rappelé « notre devoir de redonner aux victimes leur dignité en créant les conditions d’une justice de réparation ». « C’est dans ce contexte que le Programme d’actions du gouvernement de Transition prévoit des actions de réparation au bénéfice des victimes », a-t-elle dit. Mme Bintou Founé Samaké a réaffirmé l’engagement du gouvernement à conduire une lutte sans merci contre l’insécurité afin de sortir notre pays du cycle infernal de la violence.

Juste après l’ouverture des travaux, un panel composé de cinq commissaires et dirigé par le président de la CVJR a été mis en place. Individuellement et collectivement, des personnes témoins d’enlèvement de parents ou époux ont intervenu. C’est ainsi que les descendants de Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré dit «Marabaga Kassoum» ont, ensemble, fait le récit de la disparition de ces figures emblématiques de notre pays.

Ces faits se sont déroulés entre 1962 et 1964 et constituent un évènement politique majeur dans l’histoire du Mali, où le régime d’alors avait pensé «qu’on voulait le déstabiliser». En effet, tout est parti de la création du franc malien à laquelle certains commerçants s’étaient montrés hostiles.

Alors que «Marabaga Kassoum», influent commerçant à l’époque, a été arrêté, une manifestation s’est déclenchée à Bamako pour demander sa libération. «C’était une manifestation spontanée qui a été filmée où ne figurent aucune photo de Fily Dabo Sissoko ni de Hamadoun Dicko qui était dans son bureau», a déclaré l’ancien ministre Oumar Hamadoun Dicko, fils de de Hamadoun Dicko. D’après les intervenants, au lendemain de cette manifestation, ces derniers ont été arrêtés chez eux.

Ainsi, les trois personnes ont été jugées par le Tribunal populaire, avant d’être transférées au bagne de Kidal, dans le Nord, où elles ont été «exécutées», selon leurs descendants. Aujourd’hui, leurs familles respectives ont pardonné cet acte mais elles souhaitent avoir «la reconnaissance des lieux du crime» et «qu’il y ait une cérémonie de funérailles nationales» à leur mémoire. Les familles réclament, aussi, une réhabilitation totale et entière de ces «notabilités» de notre pays.

LES FRÈRES DE CABRAL, LEADER ESTUDIANT – Les frères d’Abdoul Karim Camara dit Cabral, ancien leader estudiantin, victime également de disparition, sont sortis de leur silence au cours de cette rencontre. Ces événements se sont déroulés dans les années 80. «Tout a commencé le 10 mars 1980. Les policiers du 1er arrondissement sont venus chercher notre frère Mamadou Camara et notre maman», ont-ils relaté. Ces arrestations ainsi que celle d’autres membres de la famille avaient pour but d’avoir des informations sur Cabral mais aussi de faire en sorte que ce dernier se rende. C’est ainsi que un cousin du jeune étudiant d’alors a conduit les agents chargés de l’enquête à Massala, à l’ouest de Bamako, la capitale malienne, où Cabral sera arrêté. « Il sera conduit au 2è arrondissement avant d’être plus tard exécuté par le régime de Moussa Traoré », selon ses parents. Comme leurs prédécesseurs, ces derniers veulent, eux aussi, connaître les lieux où Cabral repose.

Contrairement aux frères de Abdoul Karim Camara, Fatoumata Traoré a voulu connaitre le sort de son mari qui a été victime «d’enlèvement par les groupes armés». Ces faits ont eu lieu à Niafunké (Nord), en 2015, où son époux a rencontré des individus à moto. Et depuis, elle n’a plus revu son compagnon. Mme Traoré, qui a une fille à sa charge, souhaite savoir aujourd’hui ce qui est arrivé à son mari. Même demande pour Sidina Ould Mohamed Issa dont quatre frères ont été victimes de disparition «par les forces armées maliennes», accuse-t-il.

Ces événements se sont déroulés à Tombouctou (Nord), en 2013, où les intéressés, qui venaient de vendre leur sel, ont été arrêtés par «nos militaires», selon l’intervenant. «Depuis lors, nous avons perdu leurs traces», a-t-il déclaré. Avant de saisir l’occasion pour inviter à cesser l’amalgame. «Tout Arabe ou Touareg n’est pas membre de groupes armés», a-t-il insisté. La prise en compte de cette réalité permettra d’éviter beaucoup de drames, selon lui.

BD/MD

Source : (AMAP)

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