La mouche tsé-tsé est un redoutable parasite qui ruine les efforts des éleveurs de bovins africains. Au Sénégal, dans la région des Niayes, une campagne musclée porte déjà ses fruits. Le nombre de mouches y a nettement diminué, un résultat obtenu grâce à un programme de stérilisation à grande échelle des mouches mâles.
La lutte contre la mouche tsé-tsé est un long combat de plus d’un siècle qui, dans la plupart des cas, laissait l’avantage à cet insecte, la glossine. Cette mouche parasite transmet à l’homme et au bétail une maladie qui signe la ruine des éleveurs : en Afrique, elle emporte ainsi 3 millions de bovins chaque année. Au Sénégal, face à ce fléau, une riposte a été organisée dans la région des Niayes située près de la capitale, un secteur particulièrement adapté à l’élevage si ce n’était la présence de cette maudite mouche tsé-tsé.
Stériliser les mâles
Il s’agit pour venir à bout de cette glossine qui transmet la trypanosomiase, encore appelée maladie du sommeil, d’utiliser la « technique de l’insecte stérile ». Cela consiste à fabriquer de grandes quantités de mouches mâles dans des laboratoires spécialisés comme le Centre international de recherche-développement sur l’élevage en zone subhumide du Burkino Faso. Les insectes sont ensuite stérilisés grâce à des radiations ionisantes, puis relâchés dans la nature par voie aérienne au-dessus des zones infestées. Tout naturellement, les mâles stériles vont s’accoupler avec des femelles sauvages, sans engendrer de descendance ce qui aboutit, à l’issue d’opérations répétées, à l’anéantissement des mouches qui transmettent la maladie souvent mortelle.
Les autorités sénégalaises, avec le concours financier des Etats-Unis et l’appui du Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), ont mis en place un programme pluriannuel de démoustication par la technique de l’insecte stérile (TIS). Soutenu par la FAO à travers sa division mixte avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne, ce programme est en passe de venir à bout de la mouche tsé-tsé.
L’utilisation de la TIS gagne en efficacité si dans un premier temps, on a déjà réduit la population de mouches à un niveau très bas. Cela s’obtient en mettant en œuvre les techniques plus conventionnelles que sont l’application d’insecticides directement sur les membres inférieurs du bétail et l’utilisation de pièges à mouches et de filets insecticides autour des enclos à porcs.
L’éradication à portée de main
« Depuis le démarrage du projet, la maladie est déjà moins diffuse. Il a réduit non seulement la population de mouches, mais aussi celle de tiques qui est à l’origine de nombreuses autres maladies. Nous avons constaté d’une façon générale la meilleure santé des troupeaux », se réjouit Baba Sall, responsable du projet et chef de la santé animale au Ministère sénégalais de l’élevage.
Cette avancée permet d’espérer à moyen terme la réalisation du plan ambitieux que projette le gouvernement sénégalais pour la région des Niayes, d’autant plus que le programme en cours cible d’autres parasites tels que les mouches des fruits, les teignes, la lucilie bouchère et les moustiques. Le secteur côtier des Niayes jouit en effet d’un micro-climat adapté à des races de bétail exotiques qui donnent plus de lait et de viande que les races indigènes. L’éradication de la mouche tsé-tsé permettrait donc la création d’unités modernes de production carnée et laitière, avec à la clé, le développement d’une région dont les agriculteurs perdent actuellement 1,2 million d’euros chaque année.
Au Sénégal le lâcher de mouches stériles a commencé en 2012 par voie terrestre, et en 2013, par voie aérienne. Au bout de six mois, le taux d’élimination de la population des mouches était supérieur à 99 %. « Nous comptons pouvoir annoncer l’éradication de la mouche tsé-tsé dans la première zone à la mi-2014. Nous n’avons capturé aucune mouche sauvage dans nos pièges depuis mars 2012, ce qui prouve qu’elles ont pratiquement disparu », a déclaré M. Sall. « Deux autres zones viendront s’ajouter au programme pour poursuivre le travail d’éradication de la mouche tsé-tsé et de la trypanosomiase au Sénégal », a-t-il encore ajouté.
Dans le monde, la division mixte FAO/AIEA soutient quelque 35 programmes qui appliquent la technique de l’insecte stérile. C’est d’ailleurs grâce à la TIS que l’insecte a été éradiqué de l’île de Zanzibar à la fin des années 1990. Au total, quelque 37 pays africains sont concernés par la mouche tsé-tsé et le programme FAO/AIEA aide 14 nations africaines dans leurs efforts d’éradication de la mouche tsé-tsé.
rfi