Quels rapports la société civile sénégalaise doit-elle entretenir avec le politique ? S’il n’existe pas de ligne de démarcation, la société civile peut-elle toujours assumer son rôle de contrepouvoir ? Ces deux questions sont au centre d’un rapport a publié par le Forum Civil, une ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption au Sénégal. C’est le résultat d’une enquête d’opinion réalisée sur l’ensemble du territoire et au sein de 25 organisations de la société civile.
Pour préserver une démocratie qu’elle pensait en danger lors de la dernière présidentielle, la société civile sénégalaise s’est coalisée avec les partis politiques, d’où, selon le rapport du Forum civil, une confusion, un flou qui s’est encore accentué avec la nomination de ses figures emblématiques à des postes ministériels ou au sein des institutions étatiques. « Aujourd’hui,explique la socio-anthropologue Fatoumata Hanne, coordinatrice de l’enquête, 60% des personnes interrogées estiment que certains membres de la société civile ont vampirisé leurs idéaux, les ont utilisés comme marchepied pour se faire coopter ».
Plus grave, peut-on lire dans le rapport, certains leaders seraient devenus des « courtiers du développement » déconnectés des citoyens et ne feraient que « reproduire les modes de gouvernance peu transparents en vigueur au niveau public ». Et la sociologue d’insister : « près de moitié des personnes interrogées le pensent en tout cas, ce qui est suffisant pour faire réfléchir les différentes organisations ».
« Même si c’est bien de réfléchir, il ne faut pas être simpliste, souligne l’un des grands noms de la société civile sénégalaise. Il faut savoir passer la main, on n’est pas assigné à résidence à vie,s’exclame-t-il avant de conclure : on peut être utile à son pays en occupant d’autres fonctions que celles de passer son temps à alerter tout le monde ».