Une affaire, inédite outre-Manche, se joue depuis maintenant deux ans dans le comté du Grand Manchester. Chargée d’entretenir une fillette victime d’alcoolisation fœtale et placée en famille d’accueil, une commune souhaiterait contraindre la mère biologique de l’enfant à participer aux nombreux frais médicaux liés à son handicap. En 2011, elle a donc saisi le tribunal régional au titre de la loi de 1861 sur les préjudices physiques causés aux personnes. Problème: si cette cour a établi un lien direct entre les excès maternels et la maladie, entraînant de jure une obligation d’indemnisation, la Chambre d’appel administrative a cassé cette décision en décembre 2013 au motif que l’enfant «non-né» n’était pas une «personne» à part entière, et donc qu’il n’y avait pas préjudice.
Par conséquent, c’est désormais à la Cour d’appel d’Angleterre, deuxième plus haute autorité judiciaire du pays, de trancher. Si elle décidait d’abonder dans le sens du plaignant, elle créerait une nouvelle jurisprudence, un précédent juridique qui aurait valeur de loi. Les atteintes physiques causées par l’abus d’alcool au fœtus deviendraient alors répréhensibles sur l’ensemble du territoire britannique, comme c’est le cas, par exemple, aux Etats-Unis.
«Les mères avaient connaissance des risques»
Une décision qu’appelle de ses voeux le cabinet GLP Solicitors, qui représente aujourd’hui quelque 80 enfants nés dans des circonstances similaires. «Dans tous les cas que nous défendons, les mères ont reçu des avertissements répétés de la part des équipes médicales chargées du suivi de leur grossesse. Elles avaient connaissance des risques», martèle Neil Sugarman, en charge du dossier, qui n’hésite d’ailleurs pas à employer le terme «empoisonnement». Mais, ses dernières semaines, de nombreuses voix (médecins, juristes, journalistes) ont exhorté les juges à ne pas modifier la loi, jugeant le chantier juridique et social trop hasardeux.
Selon le ministère de la Santé, le trouble du spectre de l’alcoolisation foetale concernerait chaque année près de 7000 naissances au Royaume-Uni, à des niveaux d’intensité variable. Un chiffre à nuancer toutefois, tant le diagnostic de ce syndrome à l’accouchement s’avère malaisé, et le lien entre l’infirmité et les habitudes de consommation difficile à établir. «A en croire les autorités, un enfant handicapé sur deux dans ce pays le serait à cause de l’alcool!», ironise la sociologue et experte de l’enfance Ellie Lee, interrogée par le Guardian.
Source: LE FIGARO