N’a-t-on pas l’habitude de dire que l’amour d’une femme pour son futur mari n’est pas nécessaire pour faire un mariage ? Par contre, on accepte l’idée que le mariage devient impossible lorsque c’est l’homme qui n’aime pas la femme.
Au Mali, comme dans la plupart des pays en voie de développement, le mariage forcé, qu’on peut aussi qualifier de mariage sans consentement, est encore bien présent. Selon une étude de l’Unicef, datant de 2014, le Niger (77%), le Mali (61%), la Guinée Conakry (58%) font partie des 10 pays où le taux de prévalence du mariage forcé est le plus élevé.
La société malienne, à majorité musulmane, semble plus attachée aux différentes traditions locales qu’aux règles de l’islam. Selon M. Fofana, imam de la mosquée du marché Dibida de Bamako, les conditions du mariage en islam sont au nombre de quatre : le consentement de la femme, celui de son tuteur, la présence d’au moins deux témoins musulmans et honnêtes, le versement de la dote.
« Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement »
En plus, la loi malienne est claire sur le sujet. Dans son article 283, le code du mariage et de la tutelle du Mali stipule : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. Le consentement n’est point valable s’il a été extorqué par violence ou s’il n’a été donné que par suite d’une erreur sur la personne. Il doit être donné oralement et en personne devant l’officier de l’état civil par chacun des futurs époux. Il est constaté par la signature ou à défaut par l’apposition d’empreintes digitales au pied de l’acte. »
Même si certaines filles ne sont pas consentantes, elles ne peuvent le montrer par crainte d’être rejetées par leur famille.
Dans la plus part des cas, la femme est soit donnée en mariage à un cousin, un proche parent afin de consolider les liens de parenté, ou donnée à un homme riche ou bien venant d’une famille influente et avec laquelle on souhaite nouer un lien.
Nombreuses sont aussi celles qui souffrent en silence dans leur couple. Elles semblent heureuses, mais ne le sont pas en réalité. Elles accomplissent leurs rôles d’épouses. Elles préparent, s’occupent de la maison, des enfants qu’elles ont obtenus dans ces mariages sans amour.
Résignation
C’est le cas de A. S, qui s’est mariée il y a de cela 12 ans. Elle nous raconte qu’elle vit avec un homme qu’elle n’aime pas et qu’elle n’a jamais aimé. Lorsque son mari a demandé sa main à ses parents, son père l’a informée et elle a répondu qu’elle ne voulait pas de ce mariage, car elle n’aimait pas le prétendant.
Son père n’a posé aucun problème, mais c’est sa mère qui a insisté pour qu’elle accepte. Ses arguments étaient que l’amour d’une femme pour son mari n’a pas d’importance, et que cela va naitre plus tard, avec le temps. « Elle a essayé de me convaincre en me disant que mon futur mari est riche, qu’il va me combler de cadeaux. », confie A.S. C’est ainsi qu’elle s’est mariée tout en espérant que l’amour arriverait. Aujourd’hui, 12 ans après, elle avoue qu’elle ne ressent toujours rien pour son mari. La conséquence en est que pendant 12 ans, elle n’a jamais pris plaisir à faire l’amour avec son mari. Elle ajoute : « Quand il a envie, il satisfait sa libido puis se retire. Quant à moi, non seulement l’envie ne me vient jamais, et quand il me fait l’amour, je ne ressens rien. Pourtant je ne suis pas excisée, alors qu’il se raconte que les femmes non-excisées ne peuvent pas contrôler leur désir sexuel. Certains s’imagineront que j’ai un copain. Alors que non, je n’ai jamais connu d’homme avant mon mariage et je n’en ai pas connu après mon mariage.».
Elle s’est résignée à rester dans ce mariage et y passer le restant de sa vie convaincue que c’est son destin. « Ma résignation est surtout motivée par la présence des enfants qui sont innocents et qui ne méritent pas de vivre séparés de leur mère. Mais je reste aussi par pitié pour mon mari qui a tout fait pour que je puisse l’aimer. Il est resté gentil, doux. Il n’a jamais crié sur moi à plus forte raison me frapper. Malgré cela, je peine à forcer l’amour ».
Renforcer les liens de parentés
Un autre cas est celui de la jeune B. G. Elle raconte qu’elle a été mariée de force à un cousin qu’elle n’aimait pas. Ce mariage a été fait juste pour renforcer les liens de parenté, disaient ses parents. Elle confie que lorsque ce cousin lui faisait l’amour, elle vomissait par la suite. Cela a fini par lui donner le dégout de l’acte sexuel. « J’ai fui plusieurs fois pour aller chez mes parents. Ces derniers me ramenaient de force chez mon mari », se souvient-elle. Il est même arrivé une fois où elle a fui pour aller se cacher chez une de ses amis. C’est avec la complicité de la société de télécommunication qu’elle a été repérée à travers son numéro de téléphone, et renvoyée encore chez son mari.
« Après mon accouchement, je suis allée chez mon père pour la quarantaine. Je l’ai supplié de me soulager de la souffrance que je vis. Depuis, je ne suis pas retournée chez mon mari. », confie B.G. Actuellement, elle est dans l’attente de son divorce qui est en cours. Maintenant, sa crainte est que son cousin l’a menacée en disant qu’elle restera célibataire.
Quand elle était chez lui, se souvient-elle, il venait tout le temps avec des décoctions prises avec des marabouts et des charlatans afin de la forcer à l’aimer. Cette histoire, comme tant d’autres, prouve que le mariage forcé est encore bel et bien présent dans notre société.