De son vrai nom Djéli Moussa Kouyaté, il s’est taillé une bonne place au soleil dans le monde de la comédie, à force de persévérance. Il a vite compris que le travail permet de bonifier le talent naturel
Tout vient en temps et en heure pour qui sait attendre, dit un adage. Cela s’applique parfaitement à ce jeune comédien qu’est Djéli Moussa Kouyaté, plus connu sous son nom de scène ATT Junior. Il est reconnu comme l’un des artistes maliens les plus en vue de sa génération. Sollicité de partout du fait de son attrait naturel, de son talent et surtout de la richesse de ses spectacles.
Son talent lui permet de se produire devant tout type de public. C’est-à-dire qu’il peut faire rire autant le public en bamanan, en français, au Mali, comme partout ailleurs. Il s’est présenté, lors de son passage dans l’émission la « Danse des mots » consacrée à la langue française RFI comme un « simple manipulateur des langues ».
Son talent est déjà reconnu à travers de nombreux pays africains comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Togo. Il est régulièrement sollicité aussi en France, au Canada, aux USA…
Né à Kita, plus précisément à Namarilà en 1986, il débute ses études primaires à Ouagadougou où son père était un fonctionnaire de la défunte organisation sous-régionale de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEAO). Il rejoint Bamako en 1994. Il sera figurant dans le long-métrage « Kéita, l’héritage du Mandé » de Dany Kouyaté, ce réalisateur burkinabé qui est en fait un de ses cousins.
À Bamako, il se passionne très vite pour des cours d’activité culturelle, animés par le dessinateur de L’Essor Aly Zoromé. Djéli Moussa Kouyaté veut passer dans l’émission « Éclat de rire » de l’ORTM. Il n’arrive pas y avoir accès et attend durant trois ans. Et quand on lui fait signe, il entre aussitôt en studio et enregistre 15 sketches dont une dizaine sur le président Amadou Toumani Touré (ATT).
Le réalisateur Djibril Diabaté lui donne le sobriquet ATT Junior qui lui colle désormais à la peau. Au lycée Massa Makan Diabaté de Baco djicoroni en Commune V du District de Bamako, il se révèle comme un talent prometteur lors des différentes semaines culturelles organisées par l’établissement. Il est ainsi sélectionné avec neuf autres camarades lycéens dont Viviane Sidibé et Doussou Kouyaté pour participer à Cap Town en Afrique du Sud à la Compétition pour la perpétuation de l’héritage culturel en 2003.
En 2005, avec son baccalauréat en poche, il décide d’étudier la philosophie à la Faculté des langues et des sciences humaines de l’Université de Bamako. Il obtient en 2010 sa maîtrise. Parallèlement à ses études de philosophie, il est admis au test de jeune comédien du centre culturel Blonba de Alioune Ifra Ndiaye. En effet, sur 64 postulants, le comité de sélection retient cinq personnes pour une formation d’une durée de trois ans. Il s’agit de ATT Junior, Petit Guimba, Seigneur du rire, Petit Madou et Ismaël Ndiaye. Ils seront encadrés par des comédiens chevronnés du Mali et d’ailleurs comme Kari Coulibaly, Habib Dembélé dit Guimba, Michel Papson du Djamel Comédie club de Paris, Thomas N’Djinjol du Cameroun et Phil Dason de France.
À l’issue de cette formation, ATT Junior crée un concept intitulé : « Sorobalen Zinblin ». Inspiré des comportements des apprentis chauffeurs des Sotrama de Bamako, la création détonne. La vidéo qui en résulte est vue plusieurs dizaines de milliers de fois sur Youtube. La radio, la Voix de l’Amérique (VOA) signe un contrat de diffusion du son sur une période de deux ans. En 2009, il est invité à prendre part en France au tournage d’une création de Toumani Sangaré et de Ladji Ly, intitulé « Mali : vert – jaune – rouge ». Un court métrage de fiction qui sera également très apprécié au sein de la communauté des Maliens de France.
BAGAGE INTELLECTUEL- ATT Junior n’a jamais voulu abandonner ses études de philosophie à l’Université, encore moins sa formation à Blonba au profit d’une quelconque création. En effet, explique-t-il, c’était parfois très difficile de concilier les deux activités. « Mais, je tenais à renforcer mes connaissances et acquérir une culture générale costaud afin de mieux affronter le métier de comédien », insiste-t-il. Son objectif était de pouvoir faire rire autant nos compatriotes que les publics d’ailleurs dans le monde.
Cela nécessite un bagage intellectuel et culturel important, car l’humour est culturel. Les réalités ne sont pas les mêmes selon les pays. Ce qui fait rire ici ne fait pas forcément rire ailleurs. Mais nous apprenons que nous pouvons puiser dans chacune des cultures pour faire rire. Il y a des thèmes qui intéressent tout le monde, comme la pauvreté, la scolarisation des filles.
D’où l’importance de l’art du Stand up. Un genre fortement côté aux états-Unis d’Amérique sous le nom de Stand up comedy.
En 2008, il est la révélation ouest-africaine (Ortiz communication). Une année plus tard en 2009, il participe au tournage de “bled story 2” à Paris avec Kourtrajme, Toumani Sangaré et Ladji Ly. En 2010, il participe à tous les festivals de l’Afrique de l’ouest en humour (Sénégal, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger, Gabon).
Malgré son agenda bien chargé et des cachets bien garnis, ATT Junior poursuit sa quête du savoir. En 2012, il obtient une licence en marketing communication. En 2015, après une tournée aux Etats-Unis avec la troupe « Yèlèbougou », il participe à la formation au festival MASA à Abidjan, formation au cours de laquelle il obtient le Diplôme de l’école nationale de l’humour du Canada. ATT Junior est également chroniqueur humoriste à l’ORTM dans l’émission « ORTM matin » et sur TM2 dans l’émission « télé grin ». à seulement la trentaine, l’humoriste a déjà dans ses armoires 7 trophées.
Depuis 2017, ATT Junior a été contacté par l’Ivoirienne Akissi Delta, productrice du célèbre « La famille ». Il a ainsi tourné un certain nombre d’épisodes de la saison II de cette série qui sera bientôt diffusée sur les chaînes de télévisions francophones. En plus de l’humour, ATT Junior a un sens élevé de l’entrepreneuriat. Il est le directeur général de « Kala Jata », une agence de communication qu’il a créée en partenariat avec le groupe « Kala Jata ». Il est également le président de la troupe TACFEM depuis 2004. ATT Junior travaille présentement au lancement de son premier festival de l’humour et de comédie au Mali « Mali du rire ».
Le lancement de ce festival international, initialement prévu pour avril 2020, est reporté pour des raisons sanitaires. ATT Junior a montré que le succès se trouve au bout de l’effort et que la jeunesse africaine peut se frayer le chemin d’un avenir meilleur.
Sa crainte, car il en a : « si on ne professionnalise pas ce domaine, il va disparaître chez nous d’ici quelque temps. L’humour a évolué, il faut s’adapter et se former ».
L’ART DU STAND UP FAIT DES ÉMULES
« Je fais du stand up », précise ATT Junior. Il s’agit d’un art urbain créé aux États-Unis par des élèves rejetés par le Conservatoire. Ils sont allés avec leur micro dans la rue et ont imposé leur style. Mais ces humoristes ont fini par trouver le temps de leur prestation court. Ils l’ont donc prolongé à une ou deux heures au lieu de cinq minutes, en forme de « one man show ». Le stand up, c’est un comédien ou une comédienne seul(e) sur scène, qui fait face à un public et s’adresse directement à lui. Cet aspect-là est essentiel. Il peut incarner un personnage, mais la plupart du temps, il parle en tant que lui-même – ou une version exagérée de lui-même.
Pendant sa performance, il raconte une succession d’histoires courtes : discours d’observation du quotidien, expériences amoureuses… Certains s’aventurent sur des terrains absurdes ou des formes méta, en parlant du stand-up lui-même. L’essentiel est de faire rire, surprendre, afficher une forme d’honnêteté et aller jusqu’à des domaines dérangeants. Et s’il est important de se moquer de soi-même, il faut quand même parler de manière assurée, tout en restant cool.
Le stand-up peut être observé et suivi lors d’une formation. « J’ai eu la chance d’obtenir un diplôme de l’École nationale de l’humour du Québec au Canada où l’on acquiert une formation de formateur de 2017 à 2019.
Quand on fait du stand-up, on travaille avec plusieurs personnes, qui ont plusieurs spécialités. Des personnes qui apportent chacune leurs connaissances dans le spectacle. À force de travailler avec un ingénieur du son, un réalisateur, un chroniqueur, on apprend de tous ces métiers. Si je devais me spécialiser, je serais réalisateur. Je rêve de faire des films avec des effets spéciaux au Mali.
Cette culture s’est beaucoup propagée via les réseaux sociaux, d’autant que les comédiens s’en sont vite emparés. Les réseaux leur ont permis de trouver des financements plus facilement car leur produit est testé, mesuré en nombre de vues. Beaucoup d’acteurs de stand-up écrivent et réalisent des webséries dans lesquelles ils jouent, et qui peuvent ensuite devenir des séries télé. C’est le cas de Broad City ou High Maintenance. Les chaînes HBO et Comedy Central ont aussi joué un rôle important dans la diffusion de ce style.
C’est ainsi que ATT Junior a entrepris de former des jeunes à ce concept. En fin 2019, il a reçu 34 jeunes comédiens au Conservatoire « Tolosso » à l’hippodrome. Puis en janvier, il signe un contrat de production de « Bamako comédie club » avec la chaîne de télévision française Canal+. Ce qui lui permet de former 20 autres candidats. À la fin de cette formation en février denier, ils ont enregistré une série d’émissions qui seront diffusées par Canal+ en début 2021.
ATT Junior continue de rechercher des opportunités de formation pour les jeunes comédiens qui souhaitent faire carrière dans ce beau métier.
Y. D.
Source : L’ESSOR