Tel un jeu d’invisibilité, le feuilleton de la 3e licence de téléphonie mobile tourne à plein vent. Son attributaire Aplollinaire Compaoré, qui a grugé son partenaire Cessé Komé pour s’adjuger le capital vient de s’allier à autre richissime homme d’affaires Djonké Yernangoré dit Babou Yara.
Babou Yara de son nom de baptême Djonké Yernangoré est bien connu dans les milieux des affaires malien. Comme de nombreux affaires d’affaires de notre pays qui ont le sens inné du business et qui savent manier le milliard sans être parti à l’école, M. Yara est un multi milliardaire qui a fait fortune essentiellement dans les hydrocarbures et l’immobilier. C’est un homme qui touche à tout et en fonction de seuls intérêts. C’est ainsi qu’il est dans la politique sans être actif pour des postes électifs. Il est l’un des inconditionnels et courtisans du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita dont il se glorifie d’être le principal bailleur de fonds pendant les campagnes présidentielles de juillet 2007 et 2013. Il
C’est Babou Yara qu’Apollinaire Compaoré sous la menace du retraire de la licence, a jeté son dévolu pour se frayer un chemin dans l’espace téléphonique malien. Après son putsch contre Cessé Komé avec qui il était dans le même groupement technique ayant postulé pour la 3e licence, il fait entrer un autre opérateur économique malien dans le capital et sensé proche des autorités actuelles pour montrer pattes blanches. Il veut se servir de Babou Yara comme assenceur, capable de trafic d’influence. Les campagnes de presse saugrenues faisant croire à un démarrage imminent des activités d’Atel-SA et l’accord des autorités pour ce faire sont distillées à tout vent. L’opinion commence à comprendre que tout cela n’est que mensonge cousu de fil blanc et la mayonnaise n’a pas pris.
L’histoire de la 3e licence remonte à 2010 avec le lancement d’un appel d’offre international. Le 8 décembre 2011, environ un mois avant l’attaque du MNLA suivie de l’invasion du nord par les terroristes, la 3e licence a été attribuée à Apollinaire Compaoré de Planor-Afrique devenu Alpha Télécom (Atel-SA) et Cessé Komé de Cesse Teknotelecom Lmtd, pour un coût de 55,1 milliards de F CFA (84 millions d’Euros). M. Compaoré détenait 60 % du capital alors que les 40 % revenaient à M. Komé. Les deux hommes qui avaient noué un partenariat technique avec Monaco Télécom étaient dans un même groupement.
La Transition présidée par Dioncounda Traoré avec Cheick Modibo Diarra comme Premier ministre et Amadou Haya Sanogo président du CNDRE a eu le mérite de diriger le reste du processus. Les données ont vite changé comme par un coup de baguette magique.
Le gouvernement de Cheick Modibo casse l’appel d’offres dont le groupement Monaco-Planor-Cesse Tekhnotelekom Lmtd était attributaire depuis décembre 2011. Le ministre des Nouvelles technologies, des Postes et des Télécommunictions (MNPT) avec celui des Finances et du Budget déclarent alors l’appel d’offre infructueux.
Avec la situation du pays d’insécurité et d’instabilité dans le pays, le dossier revient sur la table du gouvernement en août 2012. Un accord a été signé sur le cahier des charges avec l’acceptation d’un paiement du capital des 55,1 milliards de F CFA en deux parts soit 33 milliards de F CFA pour Apollinaire Compaoré et 22 milliards de F CFA pour son partenaire malien Cessé Komé.
Au lieu de repartir sur une nouvelle base, en lançant un nouvel appel d’offre, les autorités de l’époque ont sciement fait le vide autour d’Apollinaire Compaoré. Il lui a été accordé de gré à gré le capital de la 3e licence. Amadou Haya Sanogo dans les coulisses du pouvoir éjecte Cheick Modibo Diarra et le fait remplacer par Diango Sissoko. Le groupement Monaco-Planor-Cesse Teknotelecom est écarté en juin 2013 au profit de l’homme d’affaires Burkinabé à qui la licence a été attribuée pour 55,1 milliards de F CFA sans autre forme de procès.
Les autorités ont soutenu l’argument de la « défaillance au niveau du portefeuille » pour justifier le retrait de Komé. Cet argument a vite été compris par l’opinion nationale comme une argutie et qui a su la vérité à travers le rapport 2012 du Bureau du Vérificateur général (BVG), qui a mis à nu de nombreuses violations des textes de passation de marchés publics, de concussions, de favoritisme et de pots de vins dans cette affaire incriminant les autorités de la transition.
Apollinaire Compaoré a eu même un délai de grâce de six mois pour se mettre à jour du reliquat du prix d’adjudication de la licence en novembre 2013. C’est là où la connexion militaro-civil en faveur de M. Compaoré a été dénoncée et continue de l’être par la presse nationale. Le trio Dioncounda Traoré, Amadou Haya Sanogo et Diango Sissoko a été vertement indexé dans cette affaire.
Abdrahamane Dicko
Source: Les Echos