Entre actions strictement humanitaires et actions civilo-militaires des Forces de défense et de sécurité intervenant au Centre dans le cadre de la lutte anti-terroriste, selon les points de vue, il y a conflit de compétence ou réajustement du tir. Qu’en est-il réellement ?
La forte vulnérabilité des populations du centre du pays, en raison de l’insécurité généralisée, nécessite l’intervention d’une constellation d’acteurs humanitaires dans les domaines de la fourniture de vivres, des soins de santé…
Les Forces armées et de sécurité, parallèlement à leur mission de traque des terroristes, depuis plusieurs mois à présent, ont résolument opté pour des actions de développement. Ce qui est appelé ‘’action civilo-militaires’’ consistant à distribuer des moustiquaires dans les localités à forte prévalence de paludisme, des couvertures, des vivres, à aider les populations à rebâtir leur habitat, à faire des consultations médicales gratuites et à donner des médicaments…
Pour les humanitaires, qui ont donné de la voix, ces jours-ci, les militaires empiètent sur leur terrain. De leur point de vue, il y a conflit de compétence. Ce qui est d’autant plus dommageable (pour eux et non pour les populations qui bénéficient d’une double action), qu’il y aurait un risque accru d’amalgame entre eux et l’Armée qui traînerait la mauvaise réputation de se livrer à des exactions. Une confusion possible qui les exposerait dangereusement à des représailles.
Mais, en fait de conflit de compétence, chaque acteur est dans son droit.
D’une part, les humanitaires, en tant que professionnels du domaine, ont en effet le droit de revendiquer la primauté dans les interventions, mais certainement pas l’exclusivité comme ils ont tendance à s’en prévaloir.
D’autre part, les Forces de défense et de sécurité doivent affronter une des causes de l’échec de la lutte anti-terroriste qu’est l’option du tout militaire.
Selon des spécialistes, ‘’l’acharnement contre-terroriste a eu des effets contre-productifs’’. Pour eux, l’approche militaire a montré ses limites. La preuve c’est que les conditions de sécurité n’ont pas cessé de se détériorer depuis 2015, selon les différents rapports des Nations-Unies. Ainsi, pour l’armée, il ne s’agit pas de livrer une concurrence aux organisations humanitaires, mais plutôt de rectifier le tir, en s’attaquant à une des causes de l’insécurité, à savoir le manque de développement. Il s’agit aussi de rétablir la confiance entre elles et les populations dont la collaboration est indispensable à la réussite de leur mission de sécurisation des personnes et des biens.
L’on comprend aisément que le G5 Sahel ou « G5S » qui est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité, présente la particularité, au regard d’autres organisations, de lier étroitement développement économique et sécurité, les États étant « (…) persuadés de l’interdépendance des défis de la sécurité et du développement (…).
Au regard de ce qui précède, ce qu’il faudrait alors privilégier, ce serait une approche complémentaire entre les actions civilo-militaires et les actions des organisations humanitaires. Les relations ne devraient donc pas être conflictuelles, dès lors qu’il s’agit de servir les intérêts des mêmes populations qui sont dans le besoin et qui de ce fait qui ne s’encombrent pas nécessairement de savoir si le bienfaiteur arbore un uniforme kaki ou une blouse blanche. Ici, la répartition du travail stricto sensu, ne devrait pas s’imposer. D’ailleurs, au regard de l’étendue des besoins, il n’y a-t-il de la place pour tout le monde ?
PAR BERTIN DAKOUO