Suite à d’intenses négociations menées par la Commission de conciliation les 13, 14, 15, 17 et 18 mai 2019, dans la salle de conférence du Ministère de l’Éducation nationale, enseignants et gouvernement ont enfin trouvé un accord, ce samedi 19 octobre dans la soirée. Les enseignants ont accepté de suspendre leur mot d’ordre de grève, mettant fin à plusieurs mois de perturbations des cours dans les établissements d’enseignement secondaire, fondamental et préscolaire, depuis le 30 novembre 2019.
Les enseignants qui revendiquaient auprès du gouvernement la satisfaction de 10 points de revendications, ont pu arracher de ce dernier 9 points d’accord au total et un accord partiel, ce samedi. Rarement, un bras de fer entre gouvernement et un syndicat n’aura autant trainé en longueur. Depuis le mois de décembre 2018, tous les efforts entrepris pour rapprocher les parties ont été voués à l’échec.
Le principal point d’achoppement entre les deux parties aura été ‘’l’octroi d’une prime de logement’’ au personnel enseignant. Sur ce point, le gouvernement qui s’était abrité derrière la crise financière pour refuser de faire des propositions aux enseignants a fini par céder.
Toutefois, les enseignants qui revendiquaient aussi 100 000 francs CFA de prime ont également fini par mettre de l’eau dans leur vain.
Syndicats inflexibles
« En réponse à cette revendication, la partie gouvernementale a estimé que la nomenclature des primes et indemnités ne prévoit pas la prime de logement. Cette argumentation, quoique rejetée par la partie syndicale en raison de certaines dispositions du statut des enseignants, les deux parties, après d’âpres discussions et plusieurs concessions, ont convenu de procéder à une majoration de l’indemnité de résidence pour un montant de 20 000 F CFA par enseignant payable sur 2 ans. Soit 10 000 FCFA pour compter du 1er janvier 2020 et 10 000 FCFA pour compter du I» janvier 2021. Cela a fait l’objet d’un accord.
Le processus aura été long et fatidique avec des moments de blocage, des moments de vive tension…
Face à l’intransigeance des syndicats enseignants, une correspondance en date du 21 février 2019 du ministre de l’Économie avait fait part de la décision de procéder à des retenues sur les salaires des enseignants grévistes en application la LoiN° 87-47/AN-RM du 10 août 1987 relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics.
Après près de 5 mois de conciliations stériles et de grèves perlées, le Premier ministre Soumeylou Boubèye MAIGA a pris lui-même langue, le samedi matin 16 mars 2019, avec les « gens saignants » (comme le diraient nos confrères satiriques), pour désamorcer la grenade scolaire. Pendant près de trois heures d’horloge d’échanges, le PM a écouté les doléances du Collectif des syndicats de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale (SYPESCO, SYNEB, FENAREC, SYLDEF, SYNEFCT, SYNESEC, COSES, SNEC).
Ensuite, le Premier ministre Soumeylou Boubèye a fait des propositions en vue d’une sortie de crise, mais aussi pour mettre fin au bras de fer entre les responsables syndicaux et le Gouvernement.
Ainsi, face à l’inflexibilité et à la détermination des syndicats, le Gouvernement a demandé aux syndicats un délai de trois mois mois (d’ici le mois de juin) pour faire une proposition chiffrée, sans succès.
À l’issue de toutes ces rencontres et négociations, le Collectif a refusé de signer un accord avec le Gouvernement. Pire, le Procès-verbal de non-conciliation à eux soumis ce 23 mars 2019 a été également rejeté.Ce fut un nouveau blocage.
L’interpellation des députés
Ce jeudi 4 avril 2019, trois membres du Gouvernement, à savoir les ministres de l’Éducation nationale, le Pr Abinou TEME ; le Dr Boubou CISSE de l’Économie et des finances ; ainsi que DIARRA Raky TALLA, du Travail, de la fonction publique et des relations avec les Institutions étaient face aux députés de l’Assemblée nationale.
Le ministre TEME a informé les députés de l’ensemble de ses initiatives prises pour sauver l’école. Il a indiqué avoir rencontré au moins quatre fois les syndicats concernés et intervenu auprès des familles fondatrices de Bamako, de l’AEEM et de l’AMSUNEEM afin d’éviter au système éducatif la paralysie dans laquelle il est plongé. Mais aucune de ces démarches n’a pu convaincre les enseignants à revoir leur copie, a regretté M. TEME.
Pour le ministre de l’Économie, l’État n’est pas en mesure de faire face à ces revendications. Parce que, soutient-il, les incidences financières des points de désaccord font un total de 161 milliards de FCFA par an sans compter que la masse salariale de ces enseignants est de 124 milliards de FCFA.
Lors de ce débat, la question des retenues sur les salaires est revenue dans les débats.
« Le gouvernement est disposé à rembourser aussi les retenues des enseignants, mais à condition qu’ils reprennent les cours », a mis en balance le Dr Boubou CISSE.
La Marche du 11 avril
Ce bras de fer nous conduira à la marche du 11 avril 2019. Ce jeudi, des centaines d’enseignants ont manifesté leur mécontentement face à ‘’la mauvaise foi du gouvernement’’ face à leurs préoccupations. Les enseignants ont dénoncé le blocage de leurs salaires.
Le dimanche 14 avril 2019, le Président de la République Ibrahim Boubacar KEITA a reçu en audience à la Base B les familles fondatrices de Bamako, les coordinateurs des quartiers et certains leaders religieux sur la question de l’école malienne. Au cœur des échanges, la crise scolaire.
Les notabilités chez IBK
« Les enfants ne partent pas à l’école. Or, tout ce que nous faisons, nous le faisons pour nos enfants. Nous avons remarqué que vous êtes en train d’écouter le Peuple. Que Dieu vous aide à accomplir vos nobles desseins pour le Mali », a déclaré Souleymane NIARE, Représentant des familles fondatrices de Bamako, qui a bien signifié au Président de la République l’inquiétude des parents d’élèves.
Au nom des TOURE, Mamadou Bamou TOURE ajoutera que l’école demeure l’une des deux préoccupations majeures des populations. Car, les 850 heures nécessaires pour les enfants doivent être respectées.
« Nous sommes, donc, venus vous demander humblement d’ordonner le payement des salaires retenus », a-t-il sollicité.
Prenant la parole, IBK a soutenu que déblocage des salaires n’était pas un problème.
« Ce que vous avez demandé, je l’ai accepté », a répondu le Président IBK qui invite toutes les couches de la société à s’investir dans l’assainissement de l’école.
Au lendemain de cette rencontre, les salaires sont effectivement débloqués comme annoncé.
Suspension des négociations
Suite à la démission du gouvernement SBM, le 18 avril 2019, toutes les négociations sont suspendues.
Les militantes et militants des syndicats de l’éducation signataires du 15 Octobre 2016 rejettent tout moratoire avec l’État malien pour la satisfaction de leurs points de revendication surtout le point 2 concernant l’octroi d’une prime de logement. Ils exigent de l’État des propositions concrètes.
Certains responsables politiques ne semblent pas comprendre la position claire des enseignants.
Le seul espoir de repêcher l’année scolaire 2018-2019 est d’accorder au personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale une prime de logement.
Face au refus du Collectif des syndicats enseignants d’observer un moratoire dans les négociations avec le Gouvernement, à l’issue du premier Conseil des ministres du nouveau Gouvernement, le mercredi 8 mai 2019, une rencontre considérée comme celle de la dernière chance pour sauver l’année scolaire a été convoquée au CICB. Le Conseil a décidé de faire tenir, le samedi 11 mai 2019, à partir de 10 heures au CICB, une importante rencontre regroupant les syndicats enseignants, les parents d’élèves, l’AMS-UNEEM, l’AEEM, les chefs coutumiers et religieux et les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Cette rencontre était placée sous l’égide du Médiateur de la République qui avait à ses côtés les ministres chargés du Dialogue social et de l’école.
Le faux bond
Malgré qu’ils ont participé à des réunions préparatoires de cette rencontre à la Primature, le jeudi 9 mai, et avec le Médiateur de la république, le Collectif boycotte le rendez-vous du 11 mai 2019 à la Primature finalement.
Pour la Synergie des enseignants du Mali (SYNEM) signataire du 15 octobre 2016, la rencontre en question est assimilable à un folklore. Et pour cause, selon des réactions de responsables du Collectif des enseignants sur les réseaux sociaux : «
1_ Aucun des ministres (Fonction publique et Éducation) depuis leur prise de fonction n’a pris attache avec les syndicats mêmes pour une rencontre préliminaire.
2_ Aucun document administratif ouvrant les négociations ne nous est parvenu.
3_ Le cadre de la rencontre du C.I.C.B apparaît comme un folklore qui ne dit pas son nom et ne saurait en rien apporter comme solution au problème ».
Suite à plusieurs efforts diplomatiques du nouveau ministre de l’Éducation nationale, le Dr Témoré TIOULENTA, du Médiateur de la république, et d’autres anonymes, les négociations reprennent ce 13 mai 2019 sous l’égide d’une Commission de conciliation nationale. Elles échouent pour reprendre le mercredi 15 mai, avec en toile de fond, la question de la prime de logement. Au cours de cette séance, le gouvernement propose de majorer de 20 000 francs CFA la prime de résidence en lieu et place d’une de prime de logement. C’est sur cette note donc que les deux parties ont signé ce samedi 18 mai 2019. Ainsi, sur les 10 points de revendication, les enseignants obtiennent 9 points d’accord total et un point d’accord partiel (le point 7).
Par Sidi DAO