Précisément, il s’agit de dix-huit cas d’atteinte aux biens publics, trois cas de blanchiments de capitaux et trente cas relatifs aux infractions de faux, usage de faux, escroquerie et abus de confiance. Pour cette session, le dossier EDM-Sa qui était annoncé a été retiré à la dernière minute.
En campant le décor, le Président de la Cour a souligné que la lutte contre la délinquance économique et financière était une exigence démocratique majeure. Selon lui, le bon fonctionnement de l’économie et l’avenir de la nation toute entière sont en jeu.
« Ces infractions mettent en péril les finances de l’Etat en les privant des ressources nécessaires à la réussite des politiques publiques. Frauder l’impôt, c’est voler la nation, c’est refuser de contribuer à l’effort commun pour assurer la sécurité de tous, l’éducation de tous, la santé pour tous… », a affirmé Faradji BABA.
Des fautes morales et des infractions pénales
Le premier président de la Cour a déclaré que les différents types de fraude et de corruption, les escroqueries financières et fiscales, les atteintes aux biens publics constituaient une atteinte à la probité morale. Cependant, précise-t-il, la lutte contre ces différentes infractions ne doit pas être menée uniquement pour des raisons morales.
« Ces faits, en plus d’être des fautes morales et des infractions pénales, constituent une véritable violence envers les citoyens en difficulté. Elles sont une violence contre ceux qui sont privés d’emploi. Elles sont une violence contre ceux qui vivent en deçà du seuil de la pauvreté. Bref, elles le sont contre tous ceux qui ont tant de difficultés à boucler leurs fins de mois », a affirmé le président de la Cour.
Faradji BABA a fait comprendre que du point de vue économique, la délinquance économique et financière sape la concurrence entre les entreprises et ajoute un coût supplémentaire qui doit être internalisé par celles-ci pour pouvoir opérer et accéder aux marchés. En outre, ajoute-t-il, la corruption prive l’État de recettes pour remplir ses missions régaliennes, et par là même, les citoyens de services essentiels tels que l’éducation ou la santé.
« De plus, elle peut engendrer l’instabilité et l’affaiblissement de l’Etat de droit. Enfin, la criminalité financière enrichit quelques-uns, appauvrit le plus grand nombre, creuse les inégalités, nourrit la frustration, le ressentiment et la crispation. Elle conforte le sentiment d’exclusion ressenti par certains et l’idée répandue de l’impunité des délinquants ‘’en cols blancs’’ », a expliqué le président de la Cour.
Respect des principes
légaux
Le président a insisté à dire que malgré la gravité des infractions inscrites au rôle, les affaires doivent être examinées dans le strict respect des principes légaux que sont : La présomption d’innocence reconnue à tout accusé, aussi longtemps qu’il n’aura pas été déclaré coupable ; le droit pour chaque accusé d’être assisté d’un avocat ; l’indépendance qui permet au juge de ne se décider, qu’en âme et conscience et en fonction des éléments du dossier ; l’impartialité qui permet d’instruire à charge et à décharge ; la publicité des débats qui permet aux citoyens de savoir comment la justice est rendue.
Le Président a affirmé que les décisions des Juges doivent porter le sceau de la sincérité, de la rigueur, de l’intégrité et ne devant laisser transparaitre le moindre signe d’un parti pris.
Accompagnement des
Avocats
La représentante du Barreau, Me Aichata SY, a rassuré que les avocats constitués pour cette cession ne feront pas moins que ce qui est attendu d’eux, à savoir contribuer en professionnels à élever les débats sur la culpabilité présumée des accusés ou leurs innocences.
Selon elle, l’organisation de ces assises spéciales est une réaffirmation claire de la détermination du gouvernement à faire de la Justice un outil efficace de gestion de l’économie nationale.
La représentante du Barreau a indiqué que la dénonciation des crimes ne suffisait plus et que l’unique repère sur ce chemin restait le respect de la loi, de l’éthique et de la déontologie.
Me Aichata SY a ajouté que cette session spéciale illustrait un souci des services de la Justice de faire du délai raisonnable du traitement et de règlement des affaires contentieuses une réalité.
« Rien n’est plus grave que de priver d’honnête citoyens de leur liberté et de leur honneur ; les jeter en pâture dans une affaire dite du siècle et ensuite être contraint de les acquitter purement et simplement en raison de la faiblesse des charges contenues dans leurs dossiers », a déclaré Me Aichata SY.
Des magistrats
professionnels
Le Procureur général, Hamadoun Balobo GUINDO, a rassuré que cette session sera animée par des Magistrats professionnels dont la sagesse et la maitrise avérée des procédures dépassent tout commentaire.
Il a rappelé que l’organisation de cette session spéciale, dédiée légitimement et exclusivement aux questions de délinquances économiques et financières, causes du sous-développement, du déséquilibre social et de la souffrance populaire, témoigne la volonté de la Justice, sous le leadership des autorités, de lutter efficacement contre ces fléaux conformément aux recommandations formulées par la population et la vision éclairée de la gouvernance en cours. « Nous sommes en droit d’attendre de la Cour des décisions persuasives et dissuasives qui permettront de maintenir l’ordre public économique et financier, de sanctionner convenablement les délinquants et de recouvrer les fonds illégaux détenus par ces malfaiteurs au col blanc, au profit de l’Etat. Le Parquet Général, convaincu que les faibles punitions favorisent la récidive et ne consolident pas la rupture avec les mauvaises pratiques, souhaite dans le cadre de cette session et même au-delà que la Cour fasse application rigoureuse et efficiente du principe de la proportionnalité des peines par rapport à la gravité des faits, en prononçant contre les délinquants économiques et financiers, outre des peines rigoureuses privatives de libertés, des amendes fortes afin de dépouiller légalement, légitiment et surtout réellement les délinquants aux cols blancs du produit et fruit de leurs actes », a exhorté le Procureur général.
Pour lui, ces mesures demeurent les seules solutions pour freiner à temps le terrorisme économique et financier que certains font subir à l’Etat et à la population.
Le Procureur a fait comprendre que les délinquants financiers constituent sans nul doute des ennemis de la nation, contre lesquels le Parquet a ouvert le front judiciaire au nom et pour le compte du peuple qui a soif de justice et compte sur sa justice.
« Chaque franc de condamnation juste qui sera prononcée est un pas sûr vers le développement à travers la construction des routes, des centres de santé et d’une manière générale des services sociaux de bases utiles à l’épanouissement de la population », a affirmé le Procureur général.
Selon Hamadoun Balobo GUINDO, il appartient à la justice de gêner, à travers des condamnations fortes, les délinquants économiques et financiers, afin qu’ils accomplissent le jeûne face à l’argent public.
PAR MODIBO KONÉ
Source: Info-Matin