Va-t-on vers la normalisation et la reprise de la coopération militaire avec la France ? En tout cas un grand pas a été franchi dans le sens de la reprise du dialogue entre notre pays et la France ce lundi 28 juin 2021. L’audience que le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, a accordé ce lundi après-midi à deux « envoyés spéciaux du Président Macron, Franck PARIS et l´Amiral Jean Philippe ROLAND » est un signal fort du dégel des relations entre Paris et Bamako. Si le Colonel Assimi Goïta se contente juste d’annoncer la rencontre, l’objet de la rencontre, bien qu’enveloppé dans un verbiage diplomatique ne trompe point.
Par échanges « sur les défis liés à la lutte contre le terrorisme et la stabilité du sahel, notamment la nécessité d’adopter une démarche globale et inclusive, prenant en compte les aspirations de nos populations et fondée sur la participation et la collaboration plus actives de l’ensemble des pays du G5 Sahel », il faut bien comprendre que le Président Macron envisage de revenir sur sa décision de rompre les relations de son pays avec le nôtre.
En effet, l’Ambassadeur Franck PARIS et l’Amiral Jean Philippe ROLAND sont plus que des simples «envoyés spécieux», ce sont les deux plus proches que le Président Emmanuel Macron écoute sur l’Afrique et sur le Mali en particulier. Le premier, Franck Paris, est le Conseiller Afrique (Monsieur Afrique) du Président Macron depuis son élection. Condisciple de Macron à l’ENA, Franck Paris est un des hommes les plus écoutés et les plus respectés à l’Elysée.
Quant à l’Amiral Jean-Philippe Rolland, il est chef de l’état-major particulier du Président de la République depuis le 1ᵉʳ août 2020, après avoir commandé la Force d’action navale du 31 août 2017 au 31 juillet 2020. Autrement-dit celui qui conseille le Président français sur les questions militaires y compris sur la reprise de la coopération militaire avec notre pays.
Ce sont donc ces deux hommes que le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, a reçu ce lundi en audience. En évoquant avec le locataire de Koulouba «la nécessité d’adopter une démarche globale et inclusive» le Président Macron semble avoir bien entendu la protestation de l’armée française dont le chef d’Etat-major avait rendu le tablier suite à cette décision de retrait prise un peu sur l’émotion, en tout cas pour des impératifs liés à la légitimité démocratique qui n’est ni une donnée militaire ni une règle universelle à imposer à un pays. En tout cas «la nécessité d’adopter une démarche globale et inclusive » discutée entre le Président Goïta et les émissaires de l’Elysée suppose clairement que le commandant en Chef des armées françaises est désormais disposé à revoir le dispositif le Mali comme un élément indispensable stratégiquement et au plan opérationnel. Car en dépit des redondances des persifleurs sur les colonels de Bamako sous les climatiseurs, l’armée malienne se bat vaillamment sur le terrain, remporte des victoires, et reste irremplaçable en terme opérationnel.
Si le président Macron avait insisté sur le fait que la France «ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition», son crédo a aussi toujours été le respect de la souveraineté des États. Échangeant sur le sujet avec les journalistes ce mois de juin, le Président Macron avait été clair : «c’est une grammaire à laquelle, je crois, vous m’avez aussi souvent entendu dire et je ne pense pas qu’on puisse se substituer à un peuple souverain pour construire son bien à la place de lui-même. On peut influencer, on peut œuvrer, on peut durcir avec les Gouvernements. Je ne crois pas à une politique qui consiste à se substituer à lui… La présence durable dans le cadre d’opérations extérieures de la France ne peut pas se substituer au retour de l’État et des services de l’État, à la stabilité politique et au choix des États souverains. Nous ne pouvons pas sécuriser des zones qui retombent dans l’anomie parce que des États décident de ne pas prendre leurs responsabilités. C’est impossible, ou alors c’est un travail sans fin. ».
Gageons qu’avec ces contacts diplomatiques au plus niveau aboutisse le plus rapidement à une reprise dynamique de la coopération entre le Mali et la France.
Par Modibo KONE
Source : INFO-MATIN