Depuis le refus de démission de certains députés « mal élus », comme l’avait recommandé la CEDEAO pour une sortie de crise, plusieurs observateurs et acteurs, politiques ou de la société civile, voient la dissolution de l’Assemblée nationale comme la seule voie pour mettre fin aux contestations autour de l’Hémicycle. Ce dernier devrait alors être entièrement renouvelé avec l’organisation de nouvelles élections législatives. Si le Président de la République, le seul à en avoir la prérogative, dissolvait le Parlement, quelles en seraient les implications ?
Dr. Souleymane Dé, constitutionnaliste, se veut clair sur la question. « Les termes de la Constitution en la matière sont sans équivoque. Si le Président de la République dissout l’Assemblée nationale, l’organisation de nouvelles élections législatives doit se faire dans un délai de vingt et un à quarante jours ».
Un temps durant lequel le gouvernement pourrait légiférer par ordonnances. Donc, il n’y aurait « pas du tout d’entraves pour assurer la continuité de la votation des normes ».
Mais, pour le politologue Bréhima Mamadou Koné, si dissoudre l’Assemblée serait une décision responsable de la part du chef de l’État, elle n’en demeurerait pas moins impopulaire chez la majorité des députés et il faudra s’attendre à des mécontentements venant de tous les bords politiques au Parlement.
Pire, pour le camp présidentiel, à en croire le politologue, « si on reprend les élections aujourd’hui, au regard de l’impopularité du régime actuel, il n’est pas évident que le parti du Président puisse asseoir à nouveau une majorité parlementaire ».
« Ce sont des paramètres résiduels qu’il faut prendre en compte. Si on dissout l’Assemblée, il faut réfléchir à toutes les éventualités », glisse-t-il.
Timing et contexte tenables ?
L’un des deux collectifs des députés « dits spoliés », qui défend 13 circonscriptions électorales à travers le pays et qui regroupe 35 députés, a opté pour la dissolution de l’Assemblée nationale. En face, celui des 30 députés, représentant 7 circonscriptions, qui avait favorablement accueilli la recommandation de la CEDEAO, rejette catégoriquement toute idée de dissolution de l’Hémicycle.
Pour le premier cité, il faut impérativement reprendre les élections législatives en entier, sur toute l’étendue du territoire national. « Il faut remettre la balle à terre et que tout le monde soit au même niveau. On doit reprendre les législatives, avec l’espoir que cette fois-ci l’administration va jouer véritablement son rôle de neutralité et de contrôle rigoureux du processus, parce que, dans certaines circonscriptions, l’administration elle-même était complice des tripatouillages », clame Bassirou Diarra dit Konté, Vice-président du collectif.
Au cas où la dissolution du Parlement venait à être actée, certains analystes craignent que techniquement et financièrement le Mali ne soit pas capable d’organiser de nouvelles législatives dans les délais constitutionnels et que cela risque de conduire le pays vers un vide constitutionnel par la suite. Mais pas que sur ces deux plans.
« Quand vous regardez aussi le plan sécuritaire, les législatives avaient été organisées dans des conditions extrêmes, difficiles, et avec la multiplication des attaques sporadiques aujourd’hui il sera difficile pour le Mali d’organiser de nouvelles législatives en entier, notamment dans les régions du centre et du nord. Cela prendra assez de temps », pense Bréhima Mamadou Koné.
Faux problème, semble rétorquer le Vice-président du collectif des députés qui réclament la dissolution de l’Assemblée nationale. « On peut bien organiser de nouvelles élections législatives, dans la mesure où les élections de mars – avril se sont tenues dans le même contexte, pareil pour la présidentielle de 2018. Le délai prévu par la Constitution peut être bien tenable », est convaincu M. Diarra.
En attendant que le Président de la République tranche et propose la solution la plus à même de régler définitivement le problème autour de l’Assemblée nationale, le Conseil supérieur de la magistrature lui aurait proposé d’aller vers la dissolution de l’Assemblée nationale après la recomposition de la Cour constitutionnelle.
Germain Kenouvi
Source: journaldumali