Le président Modibo Kéita, même en prison, était devenu encombrant, et sa vie, une menace pour le régime militaire.
Par, son l’assassinat, Moussa Traoré et ses valets ont liquidé un espoir, celui qui a consacré sa vie à l’indépendance de sa patrie, à la grandeur et à la dignité de son peuple, sans jamais se renier.
“Je proclame ma foi en l’avenir de notre République. Cette foi, nous la partagerons tous, j’en suis convaincu, car il ne peut en être autrement quand il s’agit d’un peuple qui a su garder son calme et sa dignité en des heures où d’autres les auraient perdus, qui a donné des preuves éclatantes de la fermeté de son caractère, qui a affirmé avec force sa patrie et qui, s’il le fallait, n’hésiterait pas à offrir ce à quoi les hommes tiennent le plus, leur vie, pour que vive et prospère un Mali libre dans une Afrique unie…”.
L’homme qui s’exprimait ainsi en 1961 devant le peuple malien, s’appelait Modibo Kéïta.
Grand patriote, il venait de bénéficier de la confiance de son peuple pour relever le pays des décombres d’une colonisation rapace qui aura mis à genoux l’économie Nationale, sapé les fondements de la Nation.
Hélas ! Seulement sept ans après, le 19 Novembre 1968, Modibo Kéïta, a été renversé par un coup d’Etat militaire dirigé par un lieutenant anonyme : Moussa Traoré.
Depuis, emprisonné dans des conditions les plus inhumaines, sans jugement et en contradiction flagrante avec les déclarations des nouveaux dirigeants, il n’en sortira que le 16 Mai 1977, mort, assassiné de la manière la plus atroce.
Ce jour en effet, le président Kéïta pris de violents malaises, était transporté à l’hôpital du Point G.
Le soldat qui le gardait, se précipitant pour demander de l’aide s’était vu interdire tout déplacement.
Quelque temps après, un communiqué de Radio Mali, annonçait la mort de “l’instituteur à la retraite, Modibo Kéîta”.
Quelle autre interprétation, donner à l’absence de toute annonce officielle de la disparition subite du premier Président de la République du Mali ?.
“Espérait-on que son décès aurait pu passer inaperçu ?” s’interrogeait le journaliste français Pierre Morlet. Ce qui est plausible poursuivait-il, “c’est que, cette tentative peu reluisante, traduit pour l’essentiel, le désarroi d’une équipe déconsidérée”.
En effet, la première tentative d’explication de la mort de Modibo, donnée pour cause d’intoxication alimentaire”, était remplacée peu après, par un œdème pulmonaire”.
Il fallait nier l’évidence : l’assassinat.
Et l’autopsie demandée par la famille, a été refusée. Chacun savait cependant que Modibo Kéïta avait été empoisonné.
Le Jeudi 19 Mai, date des obsèques, les écoles et les lycées étaient gardés, les élèves dans la rue. Tous voulaient emmener le corps de Modibo pour le rendre au Comité Militaire : “leur rendre leur mort“.
Les élèves et étudiants sont venus dans la famille de Modibo. Ils ont cassé le cercueil et déchiré le linceuil pour voir son corps. Ils ont ensuite transporté le corps du Président assassiné jusqu’au cimetière de Hamdallaye et effectué l’enterrement.
Pourquoi avoir mis Modibo Kéïta à mort ?
Pour sauvegarder un pouvoir menacé, car le 9 Mai 1977, s’était déroulé à Bamako, une manifestation des élèves et étudiants faisant suite à la grève au cours de laquelle, les manifestants réclamaient le retour au pouvoir de Modibo Kéïta, dont ils clamaient le nom.
Modibo Kéïta, même en prison, était devenu encombrant et sa vie, une menace pour le régime militaire.
Par l’assassinat de Modibo Kéïta, Moussa Traoré et ses valets ont liquidé un espoir, celui qui a consacré sa vie à l’indépendance de sa patrie, à la grandeur et à la dignité de son peuple, sans jamais se renier.
Moussa Traoré a aussi mis fin par le meurtre de Modibo Kéïta, à une histoire d’une grande foi et d’un profond attachement réciproque, nourris comme dans un pacte de sang, par une fidélité émouvante des Jeunes, à celui qui reste à jamais le père de la jeunesse malienne.
Boubacar Sankaré.
Le 26 Mars