‘‘Partez enterrer les morts dans le calme et dans la paix. Ne touchez à personne ni a aucun bien d’autrui !’’. C’est le message qu’a lancé l’imam Mahmoud DICKO, hier dimanche 12 juillet 2020, dans sa mosquée sise à Badalabougou lors de la levée des corps de quatre (04) jeunes qui ont perdu la vie au cours des affrontements de la veille. Manifestants du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) et forces de l’ordre étaient en effet, opposés violemment, dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juillet 2020, dans les environs de la mosquée de l’Imam DICKO. S’agissant justement de cet affrontement, l’imam a dans son message rappelé que l’objectif de la manifestation n’a jamais visé la tournure qu’elle a connue :
« Ne laissons pas qu’ils nous poussent à la faute ou qu’ils aient l’occasion de nous porter le chapeau des actes de vandalisme et de gâcher notre lutte. Il ne faut pas qu’ils ne fassent pas de nous des destructeurs du pays ».
Le Mali vit sans doute l’un des moments les plus sombres de son histoire. En effet, les querelles politiciennes ont pris le dessus sur la confraternité des maliens et elles se sont traduites par une véritable guérilla urbaine à Bamako et dans certaines capitales régionales.
Engagés dans une désobéissance civile pour exiger le départ du Chef de l’État, des manifestants du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) ont saccagé vendredi dernier des bâtiments publics et détruit des biens privés. L’intervention des forces de l’ordre pour limiter les dégâts a tourné au drame en ce sens qu’il y a eu des morts et des blessés dans les rangs des manifestants.
Par la suite, les principaux leaders du M5-RFP ont été interpellés par les éléments des forces de l’ordre. S’opposant farouchement à l’interpellation de l’Imam Dicko, les jeunes du quartier Badalabougou soutenus par d’autres membres du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) de plusieurs autres quartiers de Bamako et environs ont affronté les forces de l’ordre à coup de lance pierres et de jet de cailloux.
Débordés par les manifestants qui ne décoléraient pas malgré l’usage des gaz lacrymogènes, les forces de l’ordre ont fait usage de balles réelles et quatre (04) personnes ont perdu la vie. Ces jeunes tous, du quartier de Badalabougou ont été enterrés dans l’après-midi d’hier dimanche 12 juillet par plusieurs centaines de personnes. Au moment où certains criaient ‘‘vengeance’’, l’Imam Mahmoud DICKO a invité tout le monde au calme.
‘‘Nous implorons Dieu tout puissant qu’il ait pitié des armes de ces quatre (04) disparus ainsi qu’aux âmes de tous les musulmans. L’objectif de notre lutte consistant à bannir la mauvaise gouvernance qui caractérise le pays ne sera pas abandonné. Mais nous devons mener notre lutte dans la paix et dans la non-violence. Concernant nos frères, nos fils, ces 4 morts, ils sont morts pour une cause justice, nous nous remettons à la volonté de Dieu, lui seul peut les récompenser. À leurs parents nous leur souhaitons, la paix du cœur’’, a indiqué l’imam Dicko en langue Bamanakan avant d’inviter le public à les accompagner à leur dernière demeure au cimetière de Sabalibougou.
Quelques instants plus tard, l’imam a renouvelé son appel au calme en estimant que la violence n’est pas la règle du jeu quand on veut construire. Il a ensuite déploré l’usage des balles réelles par les forces de l’ordre contre les manifestants. Toutefois, il a invité les manifestants à ne pas se laisser abattre par les frustrations qui les animent pour commettre l’irréparable ‘‘agissez dans la paix’’, dira l’imam sur ce point.
A noter que malgré son message, des incidents ont été enregistrés dans les environs notamment aux 300 logements ainsi qu’a Badalabougou. Pour rappel l’Imam Dicko était absent lors du rassemblement du vendredi 10 juillet dernier. Rassemblement durant lequel le coup d’envoi de la désobéissance civile a été donné. La veille, il avait précisé lors d’une interview accordée a France 24 que
« Ma fonction et mon âge aujourd’hui me commandent d’être mesuré. Je ne peux être le va-t’en guerre. Je comprends la frustration des jeunes, mais aujourd’hui nous devons montrer à la jeunesse autre chose que la violence. ».
Ces propos tenus par l’Imam ont quelques heures de la marche démontré déjà sa volonté de se désister de tout rassemblement ; peut-être avait-il des appréhensions sur ce qu’allait donner cette désobéissance civile ? Une chose est sure, cette foule ne peut être contrôlée ni par l’Imam ni par aucun membre du M5 RFP.
Mahamane TOURÉ
Source: nouvelhorizonmali