Suite à l’échec de sa deuxième et dernière délégation conduite par l’ancien Président nigérian, Good Luck Jonathan, c’est l’instance suprême de la CEDEAO elle-même qui débarque avec armes et bagages sur les berges du majestueux fleuve Niger. Pour quoi réussir ? Faire plier les leaders du M5-RFP au profit de leur protégé de fait, le Président Ibrahim Boubacar Kéïta. L’argument avancé : « Aucune prérogative n’autorise l’institution sous-régionale, la plus prestigieuse soit-elle, de démettre de ses fonctions un Président de la République démocratiquement élu ! ».
À l’image de celle du Nord, la crise sociopolitique malienne est en train de s’internationaliser. À son tour, le feuilleton M5-RFP-IBK épouse des proportions de plus en plus inquiétantes tant à l’échelle nationale qu’au plan sous-régional. C’est ce qui justifie les intenses ballais diplomatiques qu’effectuent actuellement la Communauté internationale à travers la CEDEAO, l’Union Européenne, l’ONU et les Ambassadeurs des pays occidentaux à Bamako, notamment entre Koulouba et Badalabougou chez, respectivement, les Président Ibrahim Boubacar Kéïta et Imam Mahmoud Dicko. C’est dans ce cadre que se situe le déplacement à Bamako de cinq chefs d’Etat de la sous-région dont l’arrivée est annoncée pour ce jeudi, 23 juillet 2020. Il s’agit des Présidents Mahamadou Issoufou du Niger (Président en Exercice de la CEDEAO), Alassane Ouattara de la Côte-d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal, Nana Akufo-Addo du Ghana et Mahamadu Buhari du Nigéria.
Pratiquement, il ne restait plus que cela, à savoir comment sauver le fauteuil d’IBK afin d’éviter de créer un précédent dans l’Histoire et au détriment des Régimes dits « démocratiquement élus » dans la sous-région. Maintenant, il reste à savoir si la CEDEAO pourrait passer à des actes concrets censés produire des changements escomptés puisque les facteurs de blocage deviennent très sérieux. Ce qui risque de produire des confrontations ouvertes. Le Comité stratégique du M5-RFP, s’il n’y a rien de concret et impartial relatif aux bons offices de la CEDEAO, menace de remettre en exécution son plan d’actions dès après la fête de Tabaski prévue pour le vendredi 31, juillet prochain. Ce qui dénote que la présence de cette forte délégation du plus haut niveau de la CEDEAO aura été riche en événements, sur le plan sociopolitique national. Surtout, à l’état actuel de la crise, il y a trop de colère qui pousse au raidissement des positions. Mahamadou Issoufou et ses pairs doivent à la fois batailler fort et se montrer souples également ; car, leurs derniers envoyés spéciaux sous la conduite de Goodluck Jonathan avaient occasionné des frustrations chez les teneurs de la ligne dure contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta. Les cinq chefs d’Etat de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, attendus pour ce jeudi, sont condamnés à réussir à désamorcer la crise qui risque de faire partir leur homologue malien au grand dam de toute la majorité présidentielle.
En tout état de cause, la CEDEAO invitera les parties adverses au dialogue, à l’apaisement, à la retenue et fondamentalement à la reprise des négociations sur de nouvelles bases plus concrètes, consensuelle et crédibles. Ce qui semblerait même imminent avec la présence de toute cette armada de chefs d’Etat, c’est d’amener les deux parties au consensus. Le calendrier caché sera de sauver stratégiquement le fauteuil d’IBK. « Ce qui est d’office possible, mais, à condition que la reconduction de Dr Boubou Cissé à son poste de Premier ministre soit rediscutée et réglée consensuellement », nous a confié un leader du M5-RFP. De ce fait, tous les regards restent tournés vers cette mission de la CEDEAO condamnée à contraindre le Président IBK également à mettre en application, cette fois-ci, ses engagements assortis des recommandations de cette institution. Il ne s’agira pas simplement de faire à l’opposition radicale que ses exigences vont être prises en compte. Mais il faudra offrir des garanties, mettre en place des garde-fous devant, certes, maintenir IBK dans ses fonctions de président de la République et, donc, prévenir la rechute des causes de cette crise. C’est-à-dire toute idée de diktat, de passage en force, ne saura rétablir la paix durable sur l’échiquier politique national. Surtout que le Mali est d’un peuple en mesure de s’unir autour de l’essentiel quand c’est l’intérêt supérieur de la nation qui est en cause. La CEDEAO doit comprendre que seule la solution obtenue sur la base de consensus peut rapprocher les positions et tourner définitivement la page conflictuelle. C’est le consensus qui permettra de sauver le régime en place acculé de tous les côtés et sur tous les plans.
En effet, la question qui demeure à présent sur toutes les lèvres est celle de savoir comment espérer une décrispation pendant que les ténors du mouvement ne semblent pas disposés d’aller autour de la table du dialogue avec IBK.
Par ailleurs, il est à se demander si, au bout de cinq heures de temps seulement, les cinq chefs d’Etat parviendront à ramener les députés contestés dont le Président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné, et la dame Manassa Danioko de la Cour Constitutionnelle de suivre l’exemple des quatre démissionnaires pour apaiser les tensions et alléger la tâche à leur mentor IBK. Car ces derniers aussi compromettent toutes les chances de décrispation du climat sociopolitique très tendu. Au demeurant, rien n’est moins sûr. En réalité, la logique d’intransigeance dans laquelle s’est installé le tandem Manassa-Timbiné dès après les législatives du 19 avril dernier n’a pas faibli jusque-là. Même la dernière rencontre avec la délégation de la CEDEAO ne semble pas avoir pu faire fléchir un tant soit peu cette ligne dure. Tout au plus, avec la dernière sortie par écrit de Mme Manassa parue sur les réseaux sociaux, cette fronde en gestation contre le Président IBK n’est pas à faciliter à la CEDEAO sa mission.
A cet effet, un régime politique doit toujours axer sa stratégie, son système de gouvernance sur le choix des hommes et des femmes capables de comprendre les préoccupations profondes de la nation mais pas sur la base du népotisme, du favoritisme et de la corruption. C’est la notion qui doit être inculquée avant et après au Président IBK par ses hôtes venus à sa rescousse.
En somme, Mahamadou Issoufou et ses pairs ne sont pas sans savoir que la voie du salut pour sortir le Mali de cette crise profonde et généralisée passe, absolument, par le choix d’une équipe dirigeante capable de restaurer le climat de paix et de souveraineté nationale d’antan, de garantir la sécurité de tous et de chacun et de remettre toutes les parties dans leurs droits qui leur sont garantis par la Constitution en vigueur.
Djankourou
L’AUBE